Dès le lendemain du premier tour de la présidentielle en France, les deux finalistes, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, occupent le terrain pour aller chercher les voix des électeurs. Ils "tendent la main" notamment à gauche chez l'électorat de Jean-Luc Mélenchon, avant un deuxième tour le 24 avril qui s'annonce serré et marqué par l'abstentionnisme.
Entré tardivement en campagne en raison de la guerre en Ukraine, le président sortant est arrivé en tête dimanche avec 27,85% des voix, plus de quatre points devant la candidate du Rassemblement National (23,15%). Il s'est dit prêt à "ouvrir la porte" à un report de l'âge de départ à 64 ans, plutôt qu'à 65 ans comme cela figure dans son programme.
Selon un sondage Ifop-Fiducial publié lundi soir, M. Macron l'emporterait le 24 avril avec 52,5% des suffrages contre 47,5% pour Mme Le Pen. Le premier tour a, par ailleurs, consacré la relégation des deux partis de gouvernement de la Ve République, LR et PS, qui réalisent le pire score de leur histoire.
Opération normalisation réussie
Mme Le Pen a axé toute sa campagne sur le pouvoir d'achat et fait passer au second plan ses thèmes de prédilection, lutte contre l'immigration et priorité nationale, laissant outrances et saillies radicales à son rival d'extrême droite Eric Zemmour (7,07 %). Une stratégie qui lui a réussi puisqu'elle a réalisé le score le plus élevé de l'extrême droite au premier tour d'une présidentielle. "Nous abordons ce second tour avec une expérience. Celle d'il y a cinq ans va être très utile", a déclaré lundi Mme Le Pen. "Il faut continuer à se battre, envers et contre tout", a-t-elle dit.
Elle a accusé son adversaire d'être "100 %" responsable des crises, comme celle des "gilets jaunes", et de ne pas anticiper celle de l'inflation. La candidate RN, qui a lissé son image tout en gardant un programme radical sur l'immigration, a fait de la défense du pouvoir d'achat l'axe prioritaire de sa campagne.
Outre la gauche, Emmanuel Macron va tenter de convaincre les 26 % d'abstentionnistes du premier tour (contre 22,3% en 2017). Le taux de participation a tendance à baisser de plusieurs points au second tour, injectant une nouvelle volatilité dans la course.
L'ancien banquier d'affaires a du mal à se débarrasser de son étiquette de "président des riches". Ses détracteurs continuent de fulminer contre la suppression de l'impôt sur la fortune et la réduction de l'impôt sur les sociétés. Il a également fait adopter des réformes facilitant les embauches comme les licenciements - l'une des nombreuses mesures favorables aux entreprises qui ont alimenté les manifestations du mouvement populaire des "Gilets jaunes" contre son gouvernement en 2018 et 2019.
Mélenchon, la clé du second tour ?
Le candidat de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon a terminé juste derrière Marine Le Pen, avec une différence de seulement 1,2 point. La candidate RN "a touché le côté gauche de l'électorat. Elle va défier Macron sur ces questions qui se sont avérées compliquées pour lui", a estimé Tara Varma, chercheuse au Conseil européen des relations internationales. Selon des analystes, de nombreux opposants de Macron se sont tournés vers Mélenchon ou Le Pen, ou ont refusé de voter cette fois-ci.
Même s'il n'a que 44 ans et qu'il a pris ses fonctions en 2017 comme le plus jeune président de l'histoire contemporaine de la France, Emmanuel Macron n'a pas fait le plein de voix chez les jeunes. Entre 34,8% et 36% des 18-24 ans ont préféré voter pour le candidat de gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, alors que seulement 21% à 24,3% ont choisi M. Macron, selon des sondages d'Harris Interactive.
Pour le directeur d'Ipsos, Brice Teinturier, "Emmanuel Macron part avec un petit avantage. On est loin de ce que nous avions en 2017. Et là, très clairement, c'est Jean-Luc Mélenchon, ou plutôt son électorat, qui détient en grande partie la clé de ce second tour". Plusieurs sondages indiquent que ses électeurs sont divisés pour le second tour. Un tiers indique vouloir voter pour M. Macron, un autre tiers préfère Le Pen. Le reste dit s'abstenir.
Étonnamment, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ont en commun sympathie envers le président russe Vladimir Poutine, dont la continuité n'est pas effacée par la récente union sacrée qui a suivi l'invasion russe de l'Ukraine. Dans le cas du candidat de la France Insoumise, cette sympathie s'est vérifiée au fil des ans, par exemple, avec ses commentaires sur l'intervention de Moscou en Syrie. Quant à la candidate RN en lice pour le second tour, son parti avait obtenu un prêt russe de 9 millions d'euros pour la campagne de 2017.
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