Quel gouvernement après les élections?
Dans moins d’un mois, le gouvernement de Nagib Mikati sera chargé d’expédier les affaires courantes avec l’avènement d’un nouveau Parlement, le 15 mai prochain. Bénéficiera-t-il de la confiance de la nouvelle Chambre afin d’assurer la transition entre les législatives et la présidentielle prévue avant le 31 octobre ou un nouveau cabinet devra assurer cette transition?

Les avis restent pour l’heure partagés à ce sujet. Le président Michel Aoun et le Courant patriotique libre, notamment son chef Gebran Bassil veulent mettre fin à la mission de Mikati, qui a fait barrage à plusieurs dossiers qui leur tiennent à cœur, comme les permutations diplomatiques, certaines nominations administratives ou la construction d’une centrale électrique à Selaata, dans le fief de M. Bassil. Ils lui en veulent aussi parce qu’il s’est résolument opposé à la cabale menée sous l’impulsion de Baabda, contre le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé et le secteur bancaire, et surtout à la nomination d’un nouveau patron de la BDL. Le chef du CPL a d’ailleurs commencé à entrer en contact avec des personnalités sunnites capables de prendre la relève après un éventuel départ de Nagib Mikati.

En face, le président de la Chambre Nabih Berry, le chef du gouvernement, le Courant du Futur, les Forces libanaises, le PSP, les Kataëb, et même une partie de la société civile sont opposés à l’avènement d’un nouveau cabinet dans les cinq mois précédents la fin du sexennat. Ce dernier cherche à tout prix à renforcer ses acquis, et un gouvernement nouvellement formé risque de se plier entièrement à la volonté du camp présidentiel et d’opérer des changements à la tête de postes sensibles au sein de l’État.

Deux autres motifs de cette opposition sont liés, le premier aux négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) avec lequel le gouvernement vient de conclure un accord-cadre et le deuxième à la crainte d’un vide gouvernemental ou d’une perte de temps. Le Liban a urgemment besoin d’avancer au niveau de la réalisation des réformes pour pouvoir bénéficier d’un premier financement de trois milliards de dollars promis par le FMI et qui freinerait un tant soit peu la dégradation économique, sociale et financière.

Le camp présidentiel souhaite achever son mandat avec une nouvelle équipe ministérielle qui lui permettrait certes de progresser au niveau de la coopération avec le FMI pour une sortie de crise, mais surtout de se débarrasser de Riad Salamé, afin de hisser à la tête de la BDL une personnalité qui lui est proche, de modifier la composition du Conseil supérieur de la magistrature, changer le directeur général des Forces de sécurité intérieure et les PDG de la Middle East et du Conseil du développement et de la reconstruction. En d’autres termes, Gebran Bassil caresse toujours l’espoir d’en finir avec tous les fonctionnaires de première catégorie, considérés comme proches du leader du Courant du Futur Saad Hariri, pour placer ses hommes.

C’est d’ailleurs de sources proches du CPL qu’on confie que M. Bassil envisage après les élections d’œuvrer pour la formation d’un gouvernement qui refléterait la majorité à la Chambre. Il est persuadé, indique-t-on de mêmes sources, que le scrutin du 15 mai lui permettra de revenir au Parlement avec un nombre substantiel de députés qui formeront la majorité avec ceux du tandem chiite.


Il semble toutefois jusque-là que le Hezbollah, avec qui le CPL s’allie aux élections, n’est pas dans le même état d’esprit et s’opposerait à un gouvernement monochrome, voire à un surplus de pouvoir du CPL. Les tenants de cette thèse se réfèrent pour cela à une déclaration récente du chef du groupe parlementaire de la formation chiite, Mohammad Raad. Ce dernier avait plaidé lors d’un meeting électoral pour un partenariat entre les différentes composantes politiques libanaises, estimant que personne ne peut gouverner seul le pays et que la nature et la composition communautaire du Liban commandent une entente.

Même le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah ne semble pas favorable à un gouvernement monochrome alors que des mesures impopulaires doivent être prises dans le cadre du processus de redressement.

Quant au chef du mouvement Amal Nabih Berry, farouchement hostile à Gebran Bassil, même s’il a accepté de s’engager dans la bataille électorale avec lui, il reste déterminé à ne pas donner au camp présidentiel la moindre chance pour se renflouer ou consolider ses acquis politiques.

A tous ces facteurs, il faudra ajouter un autre: celui du soutien arabe et international au gouvernement de Nagib Mikati. La communauté internationale, indique-t-on de sources diplomatiques, est favorable à un maintien en place du gouvernement actuel et appelle à trouver une formule constitutionnelle qui lui permettrait après les élections de sortir du contexte étroit de l’expédition des affaires courantes.

Elle considère que la période entre les législatives de mai et la présidentielle d’octobre sera intensive au niveau des mesures qui devraient être prises pour une sortie de crise et met en garde contre une perte de temps dans des tiraillements autour de la nature et de la composition d’un nouveau cabinet. Ces conseils auraient été communiqués à certains dirigeants libanais.

La communauté internationale s’apprête d’ailleurs à intensifier son engagement en faveur du Liban, une fois le nouveau Parlement constitué. La France et l’Arabie saoudite ouvriront le bal avec la mise en place du fonds commun d’aide aux Libanais. Parallèlement, le médiateur américain Amos Hochstein devrait aussi reprendre sa mission entre le Liban et Israël au sujet de la délimitation des frontières maritimes et le gouvernement devra poursuivre ses pourparlers avec le FMI.
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