Le gouvernement israélien au bord du gouffre
©Naftali Bennett, premier ministre d'Israël. (AFP)
Confronté à une fronde d'élus de droite et la menace de départ de députés arabes en raison de la nouvelle escalade des tensions israélo-palestiniennes à Jérusalem, le Premier ministre israélien Naftali Bennett joue les équilibristes pour maintenir sa coalition hétéroclite au pouvoir. La formation arabo-israélienne "Raam" a d'or et déjà suspendu sa participation à la coalition gouvernementale. Cependant, l'opposition n'est vraisemblablement pas en mesure de former un nouveau gouvernement, ce qui impliquerait l'organisation de nouvelles élections législatives, les cinquièmes en trois ans, en cas de dissolution du gouvernement. 



Ex-entrepreneur de la tech et héraut du mouvement des colonies, Naftali Bennett a mis fin en juin dernier à 12 ans de règne sans discontinuer de Benjamin Netanyahu en ralliant une coalition hétéroclite regroupant des députés de droite, de gauche, du centre et, pour la première fois dans l'histoire d'Israël, d'une formation de la minorité arabe. Ce regroupement a permis d'atteindre 61 députés, le seuil de la majorité à la Knesset, le Parlement israélien.

Mais au début du mois d'avril, la coalition a perdu sa majorité avec le départ de la députée de la droite radicale, Idit Silman, tandis qu'un autre député de droite, Amichai Chikli, a menacé de retirer son soutien au gouvernement. Et dimanche soir, la formation arabe-israélienne Raam a "suspendu" sa participation à la coalition en raison du regain de tension à l'esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l'islam et lieu le plus sacré du judaïsme sous son appellation de Mont du Temple.

"Si le gouvernement poursuit ses mesures arbitraires" sur l'esplanade des Mosquées, où les heurts entre policiers israéliens et manifestants palestiniens ont fait plus de 170 blessés, "nous soumettrons une démission collective", a menacé le parti dirigé par Mansour Abbas, et comptant quatre députés dans la coalition. "C'est clair que la question du Mont du Temple teste les limites d'une coalition aussi hétéroclite qui regroupe des partis de droite et une formation islamiste", explique à l'AFP Emmanuel Navon, professeur de sciences politiques à l'université de Tel-Aviv.

D'un côté, le gouvernement veut appliquer "la loi et l'ordre" pour satisfaire le flanc droit de la coalition ; de l'autre, des mesures musclées, avec des policiers israéliens déployés sur un lieu saint de l'islam, suscitent déjà de vives réactions dans le monde musulman, y compris chez les députés arabes de la coalition. "Ça va être un très gros mal de tête à gérer" pour le Premier ministre Bennett, prévient-il.

Il se dit toutefois optimiste quant à la survie de la coalition, car "Mansour Abbas n'a pas intérêt à la quitter. Il a pris un risque politique énorme (en la rejoignant) et il a besoin de temps pour montrer à son électorat que le jeu en valait la chandelle."

Selon le politologue, le chef du parti Raam veut prouver à son électorat qu'en étant pragmatique, il a réussi à améliorer le quotidien (des Arabes israéliens) contrairement aux autres partis arabes".


L'alternative Netanyahou, peu probable

Dans l'hypothèse où le parti Raam quitte la coalition, celle-ci verrait ses appuis fondre à 56 députés, ce qui contraindrait le gouvernement à négocier pour faire passer chaque projet de loi.

En face, l'opposition n'aurait cependant pas de majorité de facto pour faire tomber le gouvernement, car les élus arabes restent réticents à rejoindre un "bloc de droite" de Benjamin Netanyahu avec ses alliés juifs orthodoxes et de l'extrême-droite (53 élus). En 2014, Israël a adopté le système des "motions de censure constructive", exigeant de l'opposition qu'elle puisse réunir une majorité en faveur d'un projet de gouvernement alternatif pour remplacer celui au pouvoir.

"Même si Netanyahu parvient à rassembler une majorité pour faire tomber le gouvernement, ce n'est pas dit qu'il puisse rassembler une majorité pour en proposer un nouveau, et ce, même avec des déserteurs", souligne Shmuel Sandler, professeur émérite de Sciences politiques à l'université Bar Ilan, près de Tel-Aviv. "Il ne pourra pas non plus ajouter Raam car les nationalistes religieux s'y opposeront", dit-il, d'où la possibilité réelle selon lui de voir l'opposition réunir assez de voix au moins pour dissoudre la chambre et provoquer de nouvelles élections, les cinquièmes en trois ans.

Outre le maintien au pouvoir de la coalition et de nouvelles élections, une surprise pourrait aussi rebattre les cartes : la retraite politique de Benjamin Netanyahu. Des élus de la coalition refusent de rejoindre un gouvernement dirigée par M. Netanyahu, en raison des accusations de corruption qui pèsent contre lui.

M. Netanyahu parti, ce verrou sauterait. "Il serait alors possible de former un gouvernement sans aller à de nouvelles élections", note M. Sandler. "Le gouvernement tomberait en cinq minutes", ajoute M. Navon. Mais il y a peu de chances pour que cela arrive, estime l'analyste Dahlia Scheindlin, car M. Netanyahu "n'est pas connu pour être quelqu'un qui s'en va".

Avec AFP
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