Après une première au pavillon libanais de la Biennale d’architecture de Venise, The Place that Remains, curatée par Hala Younes est montrée à Beit Beirut depuis le 10 février.
L'exposition fait l’inventaire du territoire non bâti, favorisant sa visibilité via diverses formes de représentation. Cartes en relief 3D, images aériennes, photographies et vidéos proposent une réflexion sur ce territoire restant, qualifié de «dernier monument», tout en dessinant des horizons d'espoir pour l'avenir du territoire. Au cœur du projet, figure le travail d’artistes du Liban, qui abordent à travers la photographie et la vidéo la relation complexe du peuple libanais à la nature et au paysage.
Hala Younes
Un projet internationalement salué
Exposée à la Biennale d'architecture de Venise entre mai et novembre 2018, The Place that Remains: Recounting the Unbuilt Territory constitue la première participation libanaise à cet événement majeur organisé tous les deux ans depuis plus de trente ans. Le pavillon libanais avait été organisé par Hala Younes, professeure d'architecture à la Lebanese American University, sous le patronage du ministère libanais de la Culture et de l'Ordre des ingénieurs et des architectes. Il réunissait plusieurs établissements universitaires, associations et individus libanais – architectes, artistes, chercheurs – sous le thème «La place qui reste». Une réflexion sur le territoire non bâti et les possibles visions pour l'avenir, partant de Nahr Beyrouth (le fleuve Beyrouth) et de son bassin versant jusqu’à Zahlé.
Financé par divers bailleurs de fonds institutionnels et privés, le pavillon présentait aussi le travail de six photographes vivant au Liban, en plus de photographies aériennes historiques prêtées par l'armée. «La photo paysage est une façon de représenter le paysage qui apporte un autre regard par rapport à la carte. À la suite d'un appel à projet, les artistes sélectionnés se sont chacun emparés d’une thématique en relation avec l’une des cartes représentées», explique Hala Younes lors d’une interview avec Ici Beyrouth.
Crédits Photo : Beit Beirut
Gregory Buchakjian s’est intéressé aux fragments d’espaces formant le territoire non bâti, Catherine Cattaruzza a traité des traces de l’agriculture et Talal Khoury s’est penché sur le sort des rivières et de l’eau. Ieva Saudargaité Douaihi a abordé l’industrie des loisirs, ou comment considérer la nature. Gilbert Hage a quant à lui parlé du territoire vertical en tant que dernier bastion inconstructible, des gens qui sont restés et leur rapport à la nature, tandis que Houda Kassatly s’est concentrée sur la culture populaire vernaculaire. Parallèlement à cela, les différentes couches de la carte topographique de l’armée ont été recolorées suivant des thématiques, afin de la rendre plus compréhensible et attractive.
Hala Younes avec un groupe d’étudiants durant la visite guidée de son exposition (Crédits : Beit Beirut)
Un autre écho au Liban
Avec ses thématiques universelles telles que notre rapport complexe à la nature, l’occupation du territoire, l’importance d’une solidarité face à l’eau, ou le paysage en tant que patrimoine culturel, l’exposition résonne encore plus au Liban, qui connaît une densité démographique de 680 habitants par Km2. «C’est énorme. Le Liban est centralisé autour de Beyrouth. La capitale s’étend non seulement sur la côte, jusqu’à Saida au sud et Byblos au nord, mais aussi vers l’est», souligne Hala Younes. En montrant un plan relief de Beyrouth et de l’arrière-pays jusqu’à Zahlé, au moyen d’un système de projection de carte sur une maquette en 3D, elle souhaite mettre en valeur ce pan moins connu.
Crédits : Beit Beirut
«Je donne à voir un échantillon de ce territoire peuplé et dense pour proposer une autre manière de voir la ville, partant du constat que nous ne regardons pas notre territoire et c’est pour cela que nous le négligeons», poursuit l’architecte récompensée en 2018 par le MEA Architect Award. «La Terre du Liban ne produit que de la rente foncière. Regarder les espaces non bâtis, c’est attirer l’attention sur tout le potentiel agricole, les loisirs et les plaisirs. Nous sommes dans une ville éparpillée sur le territoire, avec de magnifiques espaces verts. Si l’on voit cela comme un territoire urbanisé, alors il faut établir un nouveau contrat avec la nature. La dichotomie monde rural/monde urbain ne correspond plus à la réalité. Aussi, vu le prix des carburants, la question des transports en commun va devenir vitale pour que le travail demeure rentable.»
Hala Younes avec un groupe d’étudiants durant la visite guidée de son exposition (Crédits : Beit Beirut)
Titulaire d'un master de recherche en géographie et aménagement de La Sorbonne, portant sur les dynamiques urbaines du Mont-Liban, Hala Younes dirige des studios de design et donne des cours sur la relation entre l'architecture et le paysage. Son exposition The Place that remains dépasse l’événement culturel pour s’adresser (uniquement sur réservation: [email protected]) à des groupes essentiellement scolaires. C’est la raison pour laquelle elle a tant tardé à rouvrir, après une inauguration en mars 2020 qui n’a duré que quelques jours. Initialement programmée pour octobre 2019, l’exposition a été reportée du fait de la Thawra, puis du grand confinement et de l’explosion du port. Le bâtiment entièrement soufflé a pu être réhabilité grâce à l’aide d’Aliph et de l’Institut français, plus précisément un financement de la Ville de Paris.
«L’idée est que cette installation soit pérenne et reste visible à Beit Beirut car elle a une portée éducative. C’est par ailleurs une matrice qui permet de créer beaucoup de choses. Je souhaite lancer prochainement un appel à la création de nouveaux contenus qui pourraient partir de là pour raconter d’autres histoires, traiter d’autres bassins versants que Nahr Beyrouth… Montrer par exemple les réseaux hydrographiques et routiers, la cartographie des carrières et des remblais, afin de les préserver et voir ce qu’on peut faire du territoire qui reste.»
L'exposition fait l’inventaire du territoire non bâti, favorisant sa visibilité via diverses formes de représentation. Cartes en relief 3D, images aériennes, photographies et vidéos proposent une réflexion sur ce territoire restant, qualifié de «dernier monument», tout en dessinant des horizons d'espoir pour l'avenir du territoire. Au cœur du projet, figure le travail d’artistes du Liban, qui abordent à travers la photographie et la vidéo la relation complexe du peuple libanais à la nature et au paysage.
Hala Younes
Un projet internationalement salué
Exposée à la Biennale d'architecture de Venise entre mai et novembre 2018, The Place that Remains: Recounting the Unbuilt Territory constitue la première participation libanaise à cet événement majeur organisé tous les deux ans depuis plus de trente ans. Le pavillon libanais avait été organisé par Hala Younes, professeure d'architecture à la Lebanese American University, sous le patronage du ministère libanais de la Culture et de l'Ordre des ingénieurs et des architectes. Il réunissait plusieurs établissements universitaires, associations et individus libanais – architectes, artistes, chercheurs – sous le thème «La place qui reste». Une réflexion sur le territoire non bâti et les possibles visions pour l'avenir, partant de Nahr Beyrouth (le fleuve Beyrouth) et de son bassin versant jusqu’à Zahlé.
Financé par divers bailleurs de fonds institutionnels et privés, le pavillon présentait aussi le travail de six photographes vivant au Liban, en plus de photographies aériennes historiques prêtées par l'armée. «La photo paysage est une façon de représenter le paysage qui apporte un autre regard par rapport à la carte. À la suite d'un appel à projet, les artistes sélectionnés se sont chacun emparés d’une thématique en relation avec l’une des cartes représentées», explique Hala Younes lors d’une interview avec Ici Beyrouth.
Crédits Photo : Beit Beirut
Gregory Buchakjian s’est intéressé aux fragments d’espaces formant le territoire non bâti, Catherine Cattaruzza a traité des traces de l’agriculture et Talal Khoury s’est penché sur le sort des rivières et de l’eau. Ieva Saudargaité Douaihi a abordé l’industrie des loisirs, ou comment considérer la nature. Gilbert Hage a quant à lui parlé du territoire vertical en tant que dernier bastion inconstructible, des gens qui sont restés et leur rapport à la nature, tandis que Houda Kassatly s’est concentrée sur la culture populaire vernaculaire. Parallèlement à cela, les différentes couches de la carte topographique de l’armée ont été recolorées suivant des thématiques, afin de la rendre plus compréhensible et attractive.
Hala Younes avec un groupe d’étudiants durant la visite guidée de son exposition (Crédits : Beit Beirut)
Un autre écho au Liban
Avec ses thématiques universelles telles que notre rapport complexe à la nature, l’occupation du territoire, l’importance d’une solidarité face à l’eau, ou le paysage en tant que patrimoine culturel, l’exposition résonne encore plus au Liban, qui connaît une densité démographique de 680 habitants par Km2. «C’est énorme. Le Liban est centralisé autour de Beyrouth. La capitale s’étend non seulement sur la côte, jusqu’à Saida au sud et Byblos au nord, mais aussi vers l’est», souligne Hala Younes. En montrant un plan relief de Beyrouth et de l’arrière-pays jusqu’à Zahlé, au moyen d’un système de projection de carte sur une maquette en 3D, elle souhaite mettre en valeur ce pan moins connu.
Crédits : Beit Beirut
«Je donne à voir un échantillon de ce territoire peuplé et dense pour proposer une autre manière de voir la ville, partant du constat que nous ne regardons pas notre territoire et c’est pour cela que nous le négligeons», poursuit l’architecte récompensée en 2018 par le MEA Architect Award. «La Terre du Liban ne produit que de la rente foncière. Regarder les espaces non bâtis, c’est attirer l’attention sur tout le potentiel agricole, les loisirs et les plaisirs. Nous sommes dans une ville éparpillée sur le territoire, avec de magnifiques espaces verts. Si l’on voit cela comme un territoire urbanisé, alors il faut établir un nouveau contrat avec la nature. La dichotomie monde rural/monde urbain ne correspond plus à la réalité. Aussi, vu le prix des carburants, la question des transports en commun va devenir vitale pour que le travail demeure rentable.»
Hala Younes avec un groupe d’étudiants durant la visite guidée de son exposition (Crédits : Beit Beirut)
Titulaire d'un master de recherche en géographie et aménagement de La Sorbonne, portant sur les dynamiques urbaines du Mont-Liban, Hala Younes dirige des studios de design et donne des cours sur la relation entre l'architecture et le paysage. Son exposition The Place that remains dépasse l’événement culturel pour s’adresser (uniquement sur réservation: [email protected]) à des groupes essentiellement scolaires. C’est la raison pour laquelle elle a tant tardé à rouvrir, après une inauguration en mars 2020 qui n’a duré que quelques jours. Initialement programmée pour octobre 2019, l’exposition a été reportée du fait de la Thawra, puis du grand confinement et de l’explosion du port. Le bâtiment entièrement soufflé a pu être réhabilité grâce à l’aide d’Aliph et de l’Institut français, plus précisément un financement de la Ville de Paris.
«L’idée est que cette installation soit pérenne et reste visible à Beit Beirut car elle a une portée éducative. C’est par ailleurs une matrice qui permet de créer beaucoup de choses. Je souhaite lancer prochainement un appel à la création de nouveaux contenus qui pourraient partir de là pour raconter d’autres histoires, traiter d’autres bassins versants que Nahr Beyrouth… Montrer par exemple les réseaux hydrographiques et routiers, la cartographie des carrières et des remblais, afin de les préserver et voir ce qu’on peut faire du territoire qui reste.»
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