Perpignan, cité «vitrine» de l'extrême droite française
©Marine Le Pen à Narbonne, à proximité de la ville de Perpignan. Ville populaire de 120.000 habitants, Perpignan est la plus importante conquête de l'extrême droite en France depuis Toulon (sud-est), gagnée en 1995 et perdue six ans plus tard au terme d'une mandature. (Photo : AFP)
Au moment où des millions d'électeurs français se demandent à quoi ressemblerait leur quotidien si Marine Le Pen était élue présidente dimanche, la ville de Perpignan (sud) s'efforce d'apparaître comme une vitrine pour l'extrême droite, à sa tête depuis deux ans.

Elu en 2020 sur le rejet de la municipalité de droite sortante, le maire, Louis Aliot, porte-parole et ex-compagnon de Marine Le Pen, tente d'y démontrer la capacité à gouverner du Rassemblement national (RN), sans pour autant se démarquer radicalement de ses prédécesseurs, relèvent jusqu'à ses détracteurs.

Ville populaire de 120.000 habitants, Perpignan est la plus importante conquête de l'extrême droite en France depuis Toulon (sud-est), gagnée en 1995 et perdue six ans plus tard au terme d'une mandature.

"Perpignan, c'est une vitrine de la dédiabolisation" du RN, estime Dominique Sistach, professeur à l'université de la ville, pour qui Louis Aliot personnifie cette stratégie entreprise par Marine Le Pen. Il avait même été surnommé "Loulou la Purge" pour son rôle central dans le nettoyage du parti, écartant les personnalités encombrantes et gommant les discours racistes ou antisémites.

Interrogé par l'AFP, Louis Aliot tempère l'idée d'un modèle reproductible à l'échelle nationale. "C'est très difficile de comparer une ville avec un pays. Quand on est maire d'une ville, on est maire de tous les habitants. Donc, c'est plus du pragmatisme que de l'idéologique", déclare-t-il.

Quid de la vie quotidienne à Perpignan depuis son élection ? Rien n'a changé, si ce n'est une offensive contre l'identité catalane de cette ville proche de l'Espagne, estiment des habitants interrogés par l'AFP.

En ce Vendredi saint, l'atmosphère est fébrile dans le centre historique. Pour la première fois depuis deux ans et la pandémie de Covid-19, la procession de la Sanch (Procession du sang), retraçant la mort du Christ, peut défiler dans les rues.

Habitants et touristes se massent pour voir la procession des pèlerins. Deux femmes souriantes se promènent sur la place du Castillet, où un drapeau français et un drapeau catalan ondulent au vent.

"Je trouve que la ville est plus propre", dit Josiane, 71 ans. "Ca dépend du quartier", nuance son amie Régine, 66 ans.

Louis Aliot, ex-compagnon de Marine Le Pen, est le maire (RN) de la viille de Perpignan depuis 2020. (Photo by RAYMOND ROIG / AFP)

"Marre"


Valérie Nomico, présidente de l'Union des commerçants et artisans de Perpignan (Ucap), s'enthousiasme devant le retour de ses "chers touristes". La pandémie a durement frappé une région où le taux de chômage avoisine les 12% et celui de la pauvreté 32% en 2019, quasiment le double de la moyenne nationale.

Louis Aliot, un avocat de 52 ans, a pris les rênes de la cité en juillet 2020, surfant sur le rejet d'un système clientéliste à bout de souffle dominé par la droite depuis 1959. Les habitants en "avaient marre" du précédent maire, Jean-Marc Pujol, reconnaît Annabelle Brunet, membre centriste de l'équipe municipale sortante.


"A titre personnel, je pense qu'il fallait du changement", déclare Mme Nomico, qui  "attend toujours" que le centre-ville soit réhabilité et dynamisé.

La présence policière est, avec la propreté, un autre marqueur de la gestion de Louis Aliot.

"Les gens disent qu'ils se sentent plus en sécurité", explique Claire Noëll, une serveuse de 50 ans.

Des postes de police flambant neufs, mais ouverts seulement quelques heures par jour, parsèment la ville, comme le grand bâtiment "Police municipale" sur l'avenue reliant la gare au centre.

"Boulot fait avant"


"C'est exactement ça, la politique d'Aliot: faire des choses qui se voient beaucoup", alors qu'il se contente de poursuivre les projets de la précédente équipe, critique Annabelle Brunet.

Des quartiers sensibles, théâtre en 2005 d'émeutes entre communautés gitane et immigrée, sont classés "prioritaires" en matière de sécurité depuis 2012.

M. Aliot revendique une police municipale de 200 agents et un budget de 11 millions d'euros. "Les gens sont quand même très contents de voir qu'il y a les retours de la police dans les rues, c'est ce qu'on appelle la police de proximité", dit-il à l'AFP.

Sur l'immigration, thème emblématique de l'extrême droite, là aussi le changement est imperceptible. L'association La Cimade, qui aide quelque 1.300 migrants sans papiers, estime que la politique de la municipalité précédente se perpétue.

"Le boulot a été fait avant" M. Aliot, grince Jacques Ollion, 72 ans, retraité et bénévole à La Cimade. Selon lui, le changement se manifeste surtout par la médiatisation: des propos sur les mineurs non accompagnés "très virulents et sans nuance", mais aussi une "belle publicité" lorsque le maire de Perpignan va en Pologne pour ramener une centaine de réfugiés ukrainiens, accuse-t-il.

"Une fois qu'on a tout nettoyé, qu'on a mis des policiers un peu partout, qu'est-ce qu'on fait ?", s'interroge l'universitaire Dominique Sistach, qui voit lui aussi beaucoup de continuité avec la politique de la précédente municipalité de droite.

Selon lui, les seules différences tiennent aux symboles, comme ce drapeau français accroché sur le Castillet. Ou le changement de slogan de la ville, "Perpignan la catalane", au profit de "Perpignan la rayonnante", afin, selon M. Aliot, de lui donner une dimension "plus universelle".

AFP
Commentaires
  • Aucun commentaire