"Président de tous"
Pour Emmanuel Macron, cette réélection est une forme d'exploit après un premier quinquennat scandé de crises, des "gilets jaunes" au Covid. Elle place le pays dans la continuité sur ses grandes orientations économiques, européennes et internationales. Arrivé au pouvoir il y a cinq ans "par effraction", selon ses propres mots, M. Macron poursuit sa trajectoire personnelle météorique, à la fois classique et inclassable dans un paysage politique qu'il a dynamité.
Mais si la maison socialiste et Les Républicains, deux partis traditionnels de la scène politique de la Ve République, ont effectivement été évacués, la droite nationaliste représentée par Marine Le Pen a réalisé une percée. À ce sujet, Emmanuel Macron a reconnu, lors de son allocution de victoire depuis le Champ de Mars à Paris, "que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l'extrême droite".
Sa victoire ne lui offre cependant pas un blanc-seing pour les cinq ans à venir, au moment où l'attendent des défis colossaux, sur fond de guerre en Ukraine et d'inflation galopante. "Les années à venir à coup sûr ne seront pas tranquilles", a-t-il admis dimanche soir, avant de partir pour sa résidence de la Lanterne à Versailles.
Se posant en "président de tous", M. Macron a aussi tendu la main aux électeurs de Mme Le Pen, estimant que "la colère et les désaccords qui les ont conduits à voter pour ce projet doivent aussi trouver une réponse".
Jouant d'avance la carte de l'unité, M. Macron, qui a beaucoup triangulé à droite dans cette élection, a consenti des inflexions sur son projet pour séduire à gauche: davantage de concertation sur le report à 65 ans de l'âge de la retraite, et plus d'écologie aussi, avec la promesse d'une planification en la matière directement confiée au futur Premier ministre.
La percée Le Pen
Mais lui qui avait promis au soir de sa victoire en mai 2017 de "tout" faire pour que les électeurs "n'aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes" n'a pas réussi à freiner la montée en puissance de Marine Le Pen.
La candidate RN, qui a misé sur le pouvoir d'achat pour se démarquer, sera parvenue à lisser son image, sans rien céder à la radicalité de son projet sur l'immigration ou l'islamisme. Vingt ans après l'émergence surprise de Jean-Marie Le Pen au second tour en 2002, jamais l'extrême droite ne s'est approchée à ce point du pouvoir sous la Ve République.
Elle améliore de quelque huit points son score de 2017, où elle avait recueilli 33,9% des voix. La candidate du RN arrive en particulier largement en tête aux Antilles et en Guyane, tempérant ainsi l'impression de succès pour le camp Macron.
Mme Le Pen s'est, elle, réjouie de voir que "les idées" qu'elle représente "arrivent à des sommets pour un second tour de la présidentielle". Voyant même dans son score "une éclatante victoire" et la manifestation du "souhait" des Français d'"un contre-pouvoir fort à Emmanuel Macron", qu'elle avait eu au téléphone juste avant.
Réactions en chaîne à l'international
La réélection dimanche d'Emmanuel Macron à l'issue d'un second tour marqué par une progression de l'extrême droite a été applaudie dans les capitales européennes, qui ont souligné aussi les défis européens à venir pour le président français.
"Le plus mal élu"
En France, les réactions ne se sont pas faites attendre, avec une classe politique principalement soulagée. Avec toutefois des commentaires virulents, en particulier des candidats arrivés en 3e et 4e position du scrutin au premier tour.
Emmanuel Macron est "le plus mal élu des présidents de la Vème République", a estimé l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon, arrivé en troisième position le 10 avril avec près de 22% des voix. Plusieurs centaines de manifestants, principalement des jeunes "antifascistes" et "anticapitalistes", ont protesté contre sa réélection dans quelques villes de France, avec des incidents à Rennes ainsi qu'à Paris.
À l'extrême droite, Eric Zemmour (7% au premier tour) a mis dès dimanche soir la pression sur Marine Le Pen, affirmant que "c'est la huitième fois que la défaite frappe le nom de Le Pen". "Le bloc national doit s'unir et se rassembler", a-t-il déclaré.
Pour l'ex-candidat EELV Yannick Jadot, "le pire est évité mais le pays est plus divisé que jamais". Pour lui, le combat n'est pas terminé. "Aux législatives, construisons le meilleur: l'alternative pour le climat, la justice sociale et la démocratie. Tout reste à faire".
"Le troisième tour commence ce soir", a de son côté lancé Jean-Luc Mélenchon, en demandant de nouveau aux Français de l'"élire Premier ministre". Elle a immédiatement lancé "la grande bataille électorale des législatives", qui auront lieu les 12 et 19 juin.
La course présidentielle terminée, s'ouvre maintenant la campagne des législatives où le chef de l'Etat essaiera de conserver sa majorité. Une gageure selon deux sondages publiés dimanche, puisqu'une majorité de Français ne souhaiteraient pas le voir remporter ce scrutin.
Ce clivage est cependant loin de satisfaire les Français comme en témoigne le niveau de l'abstention, estimé à 28%, un record depuis la présidentielle de 1969 (31%). Le contingent des votes blancs et nuls a atteint 6,5% (environ 3 millions), soit un niveau élevé mais moins important que le score inédit de 2017 (4 millions).
Un autre "troisième tour" pourrait avoir lieu aussi dans la rue, où risquent de converger dès le 1er mai tous les insatisfaits du scrutin présidentiel.
Avec AFP
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