Macron réélu malgré une percée de l'extrême-droite
Troisième président de la Ve République à effectuer un deuxième mandat, premier président sortant reconduit hors cohabitation, Emmanuel Macron a été réélu, à 44 ans seulement, à la présidence de la République avec plus de 58% des voix face à Marine Le Pen (environ 42%). Une victoire nette mais qui l'"oblige pour les années à venir" au vu du score inédit de l'extrême droite et d'une abstention élevée (28%).
"Président de tous"

Pour Emmanuel Macron, cette réélection est une forme d'exploit après un premier quinquennat scandé de crises, des "gilets jaunes" au Covid. Elle place le pays dans la continuité sur ses grandes orientations économiques, européennes et internationales. Arrivé au pouvoir il y a cinq ans "par effraction", selon ses propres mots, M. Macron poursuit sa trajectoire personnelle météorique, à la fois classique et inclassable dans un paysage politique qu'il a dynamité.

Mais si la maison socialiste et Les Républicains, deux partis traditionnels de la scène politique de la Ve République, ont effectivement été évacués, la droite nationaliste représentée par Marine Le Pen a réalisé une percée. À ce sujet, Emmanuel Macron a reconnu, lors de son allocution de victoire depuis le Champ de Mars à Paris, "que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l'extrême droite".

Sa victoire ne lui offre cependant pas un blanc-seing pour les cinq ans à venir, au moment où l'attendent des défis colossaux, sur fond de guerre en Ukraine et d'inflation galopante. "Les années à venir à coup sûr ne seront pas tranquilles", a-t-il admis dimanche soir, avant de partir pour sa résidence de la Lanterne à Versailles.

Se posant en "président de tous", M. Macron a aussi tendu la main aux électeurs de Mme Le Pen, estimant que "la colère et les désaccords qui les ont conduits à voter pour ce projet doivent aussi trouver une réponse".

Jouant d'avance la carte de l'unité, M. Macron, qui a beaucoup triangulé à droite dans cette élection, a consenti des inflexions sur son projet pour séduire à gauche: davantage de concertation sur le report à 65 ans de l'âge de la retraite, et plus d'écologie aussi, avec la promesse d'une planification en la matière directement confiée au futur Premier ministre.


La percée Le Pen

Mais lui qui avait promis au soir de sa victoire en mai 2017 de "tout" faire pour que les électeurs "n'aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes" n'a pas réussi à freiner la montée en puissance de Marine Le Pen.

La candidate RN, qui a misé sur le pouvoir d'achat pour se démarquer, sera parvenue à lisser son image, sans rien céder à la radicalité de son projet sur l'immigration ou l'islamisme. Vingt ans après l'émergence surprise de Jean-Marie Le Pen au second tour en 2002, jamais l'extrême droite ne s'est approchée à ce point du pouvoir sous la Ve République.

Elle améliore de quelque huit points son score de 2017, où elle avait recueilli 33,9% des voix. La candidate du RN arrive en particulier largement en tête aux Antilles et en Guyane, tempérant ainsi l'impression de succès pour le camp Macron.

Mme Le Pen s'est, elle, réjouie de voir que "les idées" qu'elle représente "arrivent à des sommets pour un second tour de la présidentielle". Voyant même dans son score "une éclatante victoire" et la manifestation du "souhait" des Français d'"un contre-pouvoir fort à Emmanuel Macron", qu'elle avait eu au téléphone juste avant.
Réactions en chaîne à l'international

La réélection dimanche d'Emmanuel Macron à l'issue d'un second tour marqué par une progression de l'extrême droite a été applaudie dans les capitales européennes, qui ont souligné aussi les défis européens à venir pour le président français.


Premiers à féliciter M. Macron, les dirigeants de l'Union européenne se sont réjouis que l'Europe puisse "compter sur la France cinq ans de plus", selon les mots du président du Conseil européen Charles Michel, qui représente les États membres. "Je me réjouis de pouvoir continuer notre excellente coopération. Ensemble, nous ferons avancer la France et l'Europe", a abondé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen."Félicitations, cher président @EmmanuelMacron", a tweeté le dirigeant social-démocrate allemand Olaf Scholz: "Tes électeurs ont envoyé aujourd'hui un signal fort en faveur de l'Europe. Je me réjouis que nous poursuivions notre bonne collaboration!"Au-delà de l'Union européenne, les félicitations sont également arrivées. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a déclaré "J'ai hâte de poursuivre notre travail ensemble sur les enjeux importants pour les Canadiens et les Français - de la défense de la démocratie, à la lutte aux changements climatiques et à la croissance économique pour la classe moyenne".Dans le contexte de la guerre en Ukraine, le président Volodymyr Zelensky a tweeté "Félicitations à @EmmanuelMacron, un vrai ami de l'Ukraine, pour sa réélection!". Il s'était entretenu plusieurs fois avec le président français depuis l'invasion russe de son pays le 24 février. "Je lui souhaite de nouveaux succès pour le bien du peuple (français). J'apprécie son soutien et je suis convaincu que nous avançons ensemble vers de nouvelles victoires communes. Vers une Europe forte et unie!" a-t-il ajouté.
Le président américain Joe Biden a félicité son homologue français Emmanuel Macron pour sa réélection dimanche, affirmant que leurs deux pays continueraient à coopérer pour "défendre la démocratie". "Je suis impatient de poursuivre notre étroite coopération - notamment pour soutenir l'Ukraine, défendre la démocratie et contrer le changement climatique", a tweeté M. Biden, qualifiant la France de "partenaire-clé pour faire face aux défis mondiaux".À l'ONU, le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) a adressé ses "vives félicitations" à M. Macron: "Nous continuerons à compter sur son soutien — en France, en Europe et dans le monde — alors que les défis humanitaires et les crises des réfugiés deviennent chaque jour plus graves et complexes", a déclaré Filippo Grandi.


"Le plus mal élu"

En France, les réactions ne se sont pas faites attendre, avec une classe politique principalement soulagée. Avec toutefois des commentaires virulents, en particulier des candidats arrivés en 3e et 4e position du scrutin au premier tour.

Emmanuel Macron est "le plus mal élu des présidents de la Vème République", a estimé l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon, arrivé en troisième position le 10 avril avec près de 22% des voix. Plusieurs centaines de manifestants, principalement des jeunes "antifascistes" et "anticapitalistes", ont protesté contre sa réélection dans quelques villes de France, avec des incidents à Rennes ainsi qu'à Paris.

À l'extrême droite, Eric Zemmour (7% au premier tour) a mis dès dimanche soir la pression sur Marine Le Pen, affirmant que "c'est la huitième fois que la défaite frappe le nom de Le Pen". "Le bloc national doit s'unir et se rassembler", a-t-il déclaré.

Pour l'ex-candidat EELV Yannick Jadot, "le pire est évité mais le pays est plus divisé que jamais". Pour lui, le combat n'est pas terminé. "Aux législatives, construisons le meilleur: l'alternative pour le climat, la justice sociale et la démocratie. Tout reste à faire".



"Notre pays est fracturé, il ne pourra se réunir que dans la justice sociale", a souligné l'ex-candidate PS Anne Hidalgo. Elle a appelé à reconstruire "une gauche nouvelle, pour mener les combats de demain, à commencer bien sûr par ceux des élections législatives".Vers une cohabitation ?
Mais si la date de l'investiture formelle d'Emmanuel Macron n'est pas encore connue, les regards de la scène politique française sont d'ores et déjà tournés vers les législatives.

"Le troisième tour commence ce soir", a de son côté lancé Jean-Luc Mélenchon, en demandant de nouveau aux Français de l'"élire Premier ministre". Elle a immédiatement lancé "la grande bataille électorale des législatives", qui auront lieu les 12 et 19 juin.

La course présidentielle terminée, s'ouvre maintenant la campagne des législatives où le chef de l'Etat essaiera de conserver sa majorité. Une gageure selon deux sondages publiés dimanche, puisqu'une majorité de Français ne souhaiteraient pas le voir remporter ce scrutin.

Ce clivage est cependant loin de satisfaire les Français comme en témoigne le niveau de l'abstention, estimé à 28%, un record depuis la présidentielle de 1969 (31%). Le contingent des votes blancs et nuls a atteint 6,5% (environ 3 millions), soit un niveau élevé mais moins important que le score inédit de 2017 (4 millions).

Un autre "troisième tour" pourrait avoir lieu aussi dans la rue, où risquent de converger dès le 1er mai tous les insatisfaits du scrutin présidentiel.

Avec AFP

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