Recours inédit
Budapest a confirmé avoir reçu un courrier de la Commission européenne marquant la première étape d'un processus pouvant durer jusqu'à neuf mois. "Nous allons étudier la lettre et donner une réponse détaillée demain, sur ce qui peut faire l'objet d'un compromis et ce qui ne peut pas", a déclaré Gergely Gulyas, le chef de cabinet du Premier ministre Viktor Orban, sur Facebook.
Ce recours à ce règlement encore jamais utilisé avait été annoncé le 5 avril par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, deux jours après une nouvelle victoire électorale du souverainiste Viktor Orban.
Le déclenchement de ce mécanisme de conditionnalité est motivé par de "graves inquiétudes" de la Commission sur l'utilisation du budget européen par la Hongrie, liées aux conditions de passation des marchés publics, à un manque de contrôle et de transparence de l'utilisation des fonds et aux insuffisances dans la lutte contre la fraude et la corruption, selon une source européenne.
"Dans de nombreuses procédures de passation de marchés publics il n'y avait qu'un seul candidat", a expliqué la vice-présidente de la Commission Vera Jourova lors d'une conférence de presse. Une lutte insuffisante contre la corruption est aussi la raison du blocage par la Commission du plan de relance hongrois, d'un montant de 7,2 milliards d'euros de subventions européennes.
Selon la procédure, la Hongrie a deux mois pour s'expliquer, après quoi la Commission aura un mois pour évaluer cette réponse. Après un nouvel échange, l'exécutif européen pourra préconiser une suspension ou une réduction de certains fonds européens, pour compenser l'impact subi par le budget de l'Union européenne en raison des violations constatées. La mesure devra être proportionnelle.
La décision finale reviendra aux Etats membres statuant à la majorité qualifiée -au moins 15 États membres sur 27 représentant au moins 65% de la population totale de l'UE.
Mécanisme de conditionnalité
"L'État de droit est le fondement de notre maison européenne. La Hongrie doit résolument et rapidement combler les lacunes existantes", a tweeté la secrétaire d'État allemande aux Affaires européennes Anna Lührmann.
Réclamé depuis des années par plusieurs pays, Pays-Bas en tête, le mécanisme de conditionnalité est en vigueur depuis le 1er janvier 2021 et s'appliquera aux abus constatés depuis cette date.
La Pologne, sur la sellette pour le manque d'indépendance de son système judiciaire, n'est pas visée à ce stade. Le dispositif sanctionne les violations de l'État de droit affectant ou risquant d'affecter les finances européennes, or cet impact est plus difficile à établir en ce qui concerne l'indépendance de la justice.
Cela "ne veut pas dire que nous allons arrêter de surveiller la situation en Pologne et d'autres pays où nous avons vu des tendances inquiétantes", a précisé Vera Jourova. "Mais dans le cas de la Hongrie nous avons suffisamment de preuves de violations", a-t-elle dit.
Le règlement prévoit que les destinataires finaux des financements européens ne devraient pas être lésés en cas de suspension ou de réduction des fonds au pays où des violations sont constatées, l'Etat membre devant continuer ses versements aux bénéficiaires.
Pour l'analyste Patrik Szicherle, de l'institut Political Capital, Budapest "pourrait se montrer plus ouvert à un compromis sur certaines questions, au moins temporairement. La Hongrie a actuellement vraiment besoin de l'argent de l'UE".
"Les rumeurs d'une nomination de l'ancien commissaire européen Tibor Navracsics comme ministre des Affaires européennes chargé de surveiller l'utilisation des fonds de l'UE pourraient être la preuve que le gouvernement serait plus enclin à faire des compromis", juge-t-il, interrogé par l'AFP.
Avec AFP
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