Musée Sursock: L’invisible collection?
Une série de rencontres ont lieu les 28, 29 et 30 avril au musée Nicolas Sursock à Beyrouth, encore officiellement fermé, en vue d’amener le public à réfléchir sur le visible et l’invisible des collections.

Réunissant des philosophes, des artistes, des chercheurs, des archivistes, des historiens de l'art et des poètes, le cycle «Visiting (In)visible Museums», qui se tiendra les 28, 29 et 30 avril au musée Sursock, part de la question du visible et de l'invisible dans les musées, plus spécifiquement dans les collections modernes et contemporaines de la région. Le public de spécialistes et de curieux est invité à revenir au musée Sursock, toujours en travaux depuis l’explosion du 4 août, pour prendre part à une réflexion collective sur la relation entre l'institution et ses collections, mais aussi pour questionner les musées dans un contexte de crise prolongée.

Décliné en une série de conférences, tables rondes, présentations, en plus d'un atelier pour enfants, l’événement sera l'occasion d'aborder les enjeux liés au musée sous différents angles. La collection permanente du musée Sursock sera présentée du point de vue de sa constitution historique et de l’exposition prévue lors de la réouverture prochaine. Ce week-end, le public de tous âges sera convié à découvrir les coulisses du musée, de la conservation à la restauration des œuvres d'art.

Mathilde Ayoub devant le Musée Sursock en travaux (Crédits : Nada Ghosn)

La partie cachée des musées

La curatrice de l’événement, Mathilde Ayoub, mène depuis deux ans une recherche autour de l’histoire du Musée de Damas, ainsi que sa collection d’art moderne et les possibilités de sa réhabilitation, dont la première étape a été la publication de Préfaces à un livre pour un musée syrien (Zamân Books, 2020), à l’occasion du centenaire de l’institution. «J’ai découvert qu’on connaissait surtout le Musée national syrien pour ses antiquités sans savoir qu’il recelait une collection d’art moderne très invisibilisée», déclare-t-elle lors d’un entretien avec Ici Beyrouth.

La chercheuse franco-syrienne tient avant tout à ce que ses recherches profitent aux institutions avec lesquelles elle collabore, en initiant des échanges et des réflexions collectives. Depuis six mois, elle discute avec Marie-Nour Hechaimé, chargée de programmation au musée Sursock, de possibles similitudes entre les deux établissements.

«Le fait que les deux musées aient été forcés de fermer ne constituait pas un critère suffisant au vu du contexte sanitaire actuel. Marie-Nour et moi sommes donc parties du constat que tous les musées du monde recèlent une invisibilité: il y a ce qu’on montre et ce qui est gardé en réserve. Nous voulions présenter des choses que les visiteurs ne voient pas habituellement. C’est la raison pour laquelle une visite du storage situé au sous-sol est prévue ce samedi», explique-t-elle.

L’enjeu politique des collections

Au Moyen-Orient, l’invisibilisation des musées a cependant un point commun: le contexte politique lié aux guerres, aux crises et aux catastrophes. Sursock a été forcé de fermer ses portes à la suite de l'explosion du 4 août 2020. Fermé en 2012, le musée de Damas a rouvert une partie de ses salles en 2018, pourtant la collection d’art moderne demeure à ce jour invisible et l’on ignore ce qui s’est passé durant la guerre.

La réédition-palimpseste des préfaces publiées dans les différentes éditions du catalogue du musée national de Damas, de 1919 à la fin du siècle dernier.

«Cette question de la traçabilité se pose de manière plus accrue pour les pièces d’art moderne. Il y a eu beaucoup de pillage et de trafic. Au musée de Bagdad, une partie des œuvres du catalogue de la collection d’art moderne a disparu. On sait très peu de choses concernant le Musée de Damas. Avant la guerre, on parlait de 2400 pièces d’art moderne. Aujourd’hui, l’inventaire n’est pas encore finalisé, mais on peut d’ores et déjà noter une différence importante», souligne la chercheuse.


Les collections d’art moderne s’avèrent en outre moins prioritaires dans les réhabilitations, en comparaison avec le patrimoine antique qui émeut davantage et joue un rôle dans la construction nationale. «En Syrie, jusqu’à la fin des années 1960, l’art moderne était très valorisé avant que des changements politiques interviennent. Ce ne sont plus les mêmes choses qu’on a voulu mettre en valeur, et les budgets dédiés à l’art moderne ont été réduits.»

Inauguré en 1978, le Musée d’art moderne et contemporain de Téhéran, abritant la grande collection d’art moderne international du shah d’Iran, a été fermé après l’accession au pouvoir de Khomeini. «La révolution islamique a changé la représentation de la modernité, et tout ce qui représentait la période d’avant a été invisibilisé», conclut Mathilde Ayoub. «Mais la spécialiste Firouzeh Saghafi sera plus à même d’en parler lors de son intervention vendredi.»

Programme de l'événement:

Entrée libre

Jeudi 28 avril:
19h: Conférence de Charbel Dagher: «Imaginary Visit: Seeing, Image, and Museum»

Vendredi 29 avril:
15h: Présentations par Nadia von Maltzahn et Natasha Gasparian: «The Constructions of Art Canons in and around the Nicolas Sursock Museum»
17h: Table ronde avec Mathilde Ayoub, Émilie Goudal, Morad Montazami et Firouzeh Saghafi: «Stratégies curatoriales en contexte de crise, moments et lieux clés: Damas, Alger, Bagdad et Téhéran»

Samedi 30 avril:
15h: Visite guidée de la réserve du musée Sursock
(Réservation obligatoire sur ihjoz.com/events/6505)
16h30: Atelier pour enfants: «Recréer les couleurs des tableaux d'Etel Adnan»
(Réservation obligatoire sur ihjoz.com/events/6504)

Jeudi 28 avril, 18h-19h/ Vendredi 29 avril, 14h-20h/ Samedi 30 avril, 14h-18h:
Affichage des documents d'archives à la bibliothèque du musée Sursock
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