©La répression des militants des droits humains continue d'alimenter la défiance des organisations internationales. (Photo : AFP / Kenzo TRIBOUILLARD)
Malgré une modernisation de façade, le royaume ultra-conservateur continue de serrer la vis contre les opposants.
Dans sa quête insistante d'une meilleure image, l'Arabie saoudite affiche sa volonté de moderniser son implacable système judiciaire mais les réformes annoncées peinent à masquer les exécutions de masse et la répression des opposants.
La riche monarchie du Golfe applique une version ultra-rigoriste de la charia, la loi islamique. Mais Ryad ne cesse de promettre des réformes cruciales sur des questions sensibles comme les droits des femmes en cas de divorce ou encore le pouvoir des juges infligeant la peine de mort.
Annoncées l'année dernière par le dirigeant de facto, le prince héritier Mohammed ben Salmane, surnommé "MBS", ces réformes prévoient l'élaboration du premier code pénal écrit, censé rendre la justice plus prévisible, bien que le roi reste au sommet de ce système judiciaire.
Mais l'exécution en mars en une seule journée de 81 hommes condamnés pour des crimes liés aux "terrorisme" a déçu les maigres espoirs des ONG de défense des droits humains.
Et la répression des militants des droits humains ou des dissidents politiques, dont beaucoup sont détenus, continue d'alimenter la défiance des organisations internationales à l'encontre du système judiciaire saoudien.
Dans un pays qui cherche à attirer les touristes et les investisseurs étrangers, l'objectif des réformes est bien de "changer l'image" de l'Arabie saoudite, selon Adel al-Saïd, vice-président de l'ONG European Saudi Organisation for Human Rights, basée à Londres et Berlin.
"Les détenteurs de capitaux ont peur d'investir dans ce pays, qui est bien connu pour son côté juridique", dit-il à l'AFP, en référence à l'opacité et l'imprévisibilité des décisions administratives et judiciaires.
Dans ce contexte, la justice saoudienne a par ailleurs récemment libéré des militants, parmi lesquels la féministe Loujain al-Hathloul et le blogueur Raif Badawi, l'une comme l'autre étant néanmoins interdits de quitter le territoire.
Nathan Brown, spécialiste du Moyen-Orient à l'Université américaine George Washington, estime qu'un code pénal permettrait des jugements fondés sur "des règles juridiques approuvées par l'Etat", au lieu de compter sur la seule "formation à la charia" des magistrats.
"L'Arabie saoudite ressemblera beaucoup au système de droit écrit (inspiré de l'Europe continentale) appliqué dans la plupart des Etats de la région", dit le chercheur à l'AFP.
Si cette réforme judiciaire pourrait offrir plus de "prévisibilité", elle risque néanmoins de renforcer encore davantage le "manque d'indépendance" des juges, accusés d'être instrumentalisés par le pouvoir politique, affirme à l'AFP Abdallah al-Awdah, militant saoudien basé aux Etats-Unis.
Son propre père, Salmane al-Awdah, un célèbre religieux, est détenu depuis 2017 pour avoir appelé à la fin du conflit diplomatique avec le Qatar, à l'époque où Ryad avait rompu ses relations diplomatiques avec Doha, rétablies l'année dernière.
D'autres figures gênantes pour le pouvoir sont aussi inquiétées, y compris au sein de la famille régnante. C'est le cas de l'ancien prince héritier Mohammed ben Nayef, évincé au profit de "MBS". Il n'a pas été vu en public depuis l'annonce de son arrestation en mars 2020 et sa détention n'a jamais été officiellement confirmée.
"La situation est très confuse", confie à l'AFP une source proche de Mohammed ben Nayef. "En parler pourrait mettre de la pression pour améliorer les conditions de sa détention, mais cela risquerait aussi de se traduire par davantage de restrictions pour lui", ajoute cette source qui a requis l'anonymat par crainte de représailles.
Face à cette répression opaque, les dissidents restent sceptiques quant aux réformes annoncées. "Tout cela n'est que de la poudre aux yeux", estime Madawi Al-Rasheed, universitaire basée au Royaume-Uni et porte-parole du parti l'Assemblée nationale fondé par des opposants exilés.
"Il est très difficile de voir quel est le sens de ces réformes au-delà du fait de présenter (MBS) comme un réformateur", dit-elle à l'AFP.
Pour les proches de détenus, la peur a augmenté avec l'assassinat du journaliste saoudien critique du pouvoir, Jamal Khashoggi, en 2018 à Istanbul. La Turquie, puissance rivale de Ryad, avait accusé les "plus hauts dirigeants" du royaume d'avoir commandité le crime.
Mais en avril, la justice turque a transmis le dossier aux autorités saoudiennes, suscitant les craintes des soutiens de Khashoggi au moment où Ankara, en grandes difficultés économiques, se réconcilie avec la riche monarchie du Golfe. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s'y est rendu en personne jeudi et vendredi.
"Nous avons peur", confie à l'AFP un ami d'un autre membre de la famille royale, le prince Salmane ben Abdelaziz, détenu avec son père depuis 2018: "Tout le monde sait ce qui est arrivé à Khashoggi".
AFP
Dans sa quête insistante d'une meilleure image, l'Arabie saoudite affiche sa volonté de moderniser son implacable système judiciaire mais les réformes annoncées peinent à masquer les exécutions de masse et la répression des opposants.
La riche monarchie du Golfe applique une version ultra-rigoriste de la charia, la loi islamique. Mais Ryad ne cesse de promettre des réformes cruciales sur des questions sensibles comme les droits des femmes en cas de divorce ou encore le pouvoir des juges infligeant la peine de mort.
Annoncées l'année dernière par le dirigeant de facto, le prince héritier Mohammed ben Salmane, surnommé "MBS", ces réformes prévoient l'élaboration du premier code pénal écrit, censé rendre la justice plus prévisible, bien que le roi reste au sommet de ce système judiciaire.
Mais l'exécution en mars en une seule journée de 81 hommes condamnés pour des crimes liés aux "terrorisme" a déçu les maigres espoirs des ONG de défense des droits humains.
Et la répression des militants des droits humains ou des dissidents politiques, dont beaucoup sont détenus, continue d'alimenter la défiance des organisations internationales à l'encontre du système judiciaire saoudien.
Dans un pays qui cherche à attirer les touristes et les investisseurs étrangers, l'objectif des réformes est bien de "changer l'image" de l'Arabie saoudite, selon Adel al-Saïd, vice-président de l'ONG European Saudi Organisation for Human Rights, basée à Londres et Berlin.
"Les détenteurs de capitaux ont peur d'investir dans ce pays, qui est bien connu pour son côté juridique", dit-il à l'AFP, en référence à l'opacité et l'imprévisibilité des décisions administratives et judiciaires.
Dans ce contexte, la justice saoudienne a par ailleurs récemment libéré des militants, parmi lesquels la féministe Loujain al-Hathloul et le blogueur Raif Badawi, l'une comme l'autre étant néanmoins interdits de quitter le territoire.
"Manque d'indépendance"
Nathan Brown, spécialiste du Moyen-Orient à l'Université américaine George Washington, estime qu'un code pénal permettrait des jugements fondés sur "des règles juridiques approuvées par l'Etat", au lieu de compter sur la seule "formation à la charia" des magistrats.
"L'Arabie saoudite ressemblera beaucoup au système de droit écrit (inspiré de l'Europe continentale) appliqué dans la plupart des Etats de la région", dit le chercheur à l'AFP.
Si cette réforme judiciaire pourrait offrir plus de "prévisibilité", elle risque néanmoins de renforcer encore davantage le "manque d'indépendance" des juges, accusés d'être instrumentalisés par le pouvoir politique, affirme à l'AFP Abdallah al-Awdah, militant saoudien basé aux Etats-Unis.
Son propre père, Salmane al-Awdah, un célèbre religieux, est détenu depuis 2017 pour avoir appelé à la fin du conflit diplomatique avec le Qatar, à l'époque où Ryad avait rompu ses relations diplomatiques avec Doha, rétablies l'année dernière.
D'autres figures gênantes pour le pouvoir sont aussi inquiétées, y compris au sein de la famille régnante. C'est le cas de l'ancien prince héritier Mohammed ben Nayef, évincé au profit de "MBS". Il n'a pas été vu en public depuis l'annonce de son arrestation en mars 2020 et sa détention n'a jamais été officiellement confirmée.
"La situation est très confuse", confie à l'AFP une source proche de Mohammed ben Nayef. "En parler pourrait mettre de la pression pour améliorer les conditions de sa détention, mais cela risquerait aussi de se traduire par davantage de restrictions pour lui", ajoute cette source qui a requis l'anonymat par crainte de représailles.
"Poudre aux yeux"
Face à cette répression opaque, les dissidents restent sceptiques quant aux réformes annoncées. "Tout cela n'est que de la poudre aux yeux", estime Madawi Al-Rasheed, universitaire basée au Royaume-Uni et porte-parole du parti l'Assemblée nationale fondé par des opposants exilés.
"Il est très difficile de voir quel est le sens de ces réformes au-delà du fait de présenter (MBS) comme un réformateur", dit-elle à l'AFP.
Pour les proches de détenus, la peur a augmenté avec l'assassinat du journaliste saoudien critique du pouvoir, Jamal Khashoggi, en 2018 à Istanbul. La Turquie, puissance rivale de Ryad, avait accusé les "plus hauts dirigeants" du royaume d'avoir commandité le crime.
Mais en avril, la justice turque a transmis le dossier aux autorités saoudiennes, suscitant les craintes des soutiens de Khashoggi au moment où Ankara, en grandes difficultés économiques, se réconcilie avec la riche monarchie du Golfe. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s'y est rendu en personne jeudi et vendredi.
"Nous avons peur", confie à l'AFP un ami d'un autre membre de la famille royale, le prince Salmane ben Abdelaziz, détenu avec son père depuis 2018: "Tout le monde sait ce qui est arrivé à Khashoggi".
AFP
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