©De nombreuses familles vivent dans des bâtisses à moitié effondrées dans le Nord de l'Irak, faute de reconstruction. (AFP)
Cinq ans après la défaite de l'État Islamique et la libération du territoire par l'armée irakienne, le Nord de l'Irak reste dans un état de dévastation totale, faute de reconstruction. Pas d'électricité, d'eau courante et de logement pour les habitants, qui vivent dans des conditions de vie plus que précaires et sont victimes de l'insécurité et des discriminations de la part des autorités, notamment pour les sunnites.
Dans le dialecte irakien, "makou" signifie "rien". Issa dit beaucoup "makou": "pas d'électricité, pas de maison". Huit ans après de violents combats entre le groupe État islamique (EI) et l'armée, la reconstruction de son village dans le nord de l'Irak est au point mort.
Issa al-Zamzoum vit à Habach, un bourg planté à 180 km au nord de Bagdad. Avec sa femme, Oum Warda, et leurs cinq enfants, il occupe une bâtisse en béton dont une partie du toit s'est effondrée pendant les combats en 2014, mais ne s'est pas désolidarisée du reste de la structure. Dans une pièce, une poule surveille ses poussins. Dans une autre, des matelas crasseux sont entassés contre le mur. Cette maison n'appartient pas à M. Zamzoum, 42 ans, car la sienne a été détruite. Elle lui est prêtée. "Il n'y a rien ici, pas d'électricité. Même le travail, il n'y en a pas", dit-il: "La reconstruction, on ne la voit pas. Il ne s'est rien passé depuis la guerre".
Au gouvernorat de Salaheddine, dont dépend Habach, un conseiller met en avant "l'étendue" de la province pour expliquer ces lenteurs. "On ne peut pas toujours faire les choses à 100%", dit cette source qui ne souhaite pas être identifiée. À Habach, les maisons en ruines ou partiellement détruites se comptent par dizaines. Le village a payé le prix fort lors du siège imposé à l'été 2014 par l'EI à la ville d'Amerli, à moins de 10 km de là.
À l'époque, les jihadistes contrôlent Mossoul et certains territoires du nord de l'Irak. Ils font route vers le sud et assiègent Amerli. Fin août, l'armée irakienne, les milices chiites et les Peshmergas kurdes brisent le siège après des combats acharnés à Amerli, mais aussi à Habach et dans les villages alentour que les jihadistes utilisaient comme bases. Fin 2017, le gouvernement de Bagdad déclare sa "victoire" militaire sur l'EI. Mais l'histoire ne s'arrête pas là.
Une vie dans le dénuement le plus total
Selon Human Rights Watch, à la suite du siège de 2014, "des milices pro-gouvernementales, des combattants volontaires et des membres des forces de sécurité ont pillé des villages sunnites autour d'Amerli", y compris Habach. L'ONG y avait identifié "d'épais nuages de fumée se dégageant de bâtiments en feu, dus à des incendies criminels".
Aujourd'hui, dans le district de Touz Khourmatou, où se trouve Habach, "les besoins humanitaires sont significatifs. Près de 20.000 déplacés y vivent", explique à l'AFP le Norwegian Refugee Council. Les papiers d'identité sont un autre casse-tête, souligne l'ONG. Pour les obtenir, certains habitants "rencontrent des difficultés pour être blanchis de tout soupçon lié à la sécurité parce qu'ils sont perçus comme appartenant à l'État islamique".
À l'instar d'Issa al-Zamzoum et de son voisin Abdelkarim Nouri, les habitants de Habach sont pour la plupart arabes sunnites, branche de l'islam minoritaire en Irak où le chiisme est majoritaire. "Notre vie est une honte. Je suis sans travail. J'ai cinq moutons et ils me font vivre", explique Abdelkarim Nouri. Il dit avoir interpellé son député. En vain.
Une situation sécuritaire inquiétante
M. Nouri n'évoque pas spontanément son appartenance religieuse, pas plus qu'il ne parle de sectarisme, un sujet brûlant dans un Irak où des dizaines de milliers de personnes sont mortes lors du conflit interreligieux de 2006-2008.
Pourtant, quatre ans et demi après la fin du "califat" autoproclamé de l'EI, nombre de sunnites se disent victimes de vexations et de discriminations.
Dans un rapport de 2021, le département d'État américain se faisait l'écho de responsables sunnites dénonçant des "déplacements forcés de sunnites" par le Hachd al-Chaabi, d'ex-paramilitaires chiites pro-Iran intégrés aux troupes régulières, et d'"arrestations aléatoires" de membres de leurs communautés "soupçonnés d'être liés à l'EI".
L'EI, justement. Sans évoquer nommément les jihadistes, le conseiller du gouvernorat de Salaheddine parle "de risques sécuritaires" qui retardent la reconstruction. Car si Habach est pacifié, à une quinzaine de kilomètres plus au nord, des cellules de l'EI rôdent.
Sur la route qui mène au hameau de Bir Ahmed, le Hachd al-Chaabi monte la garde. "La situation à Bir Ahmed est hors de notre contrôle et de celui de l'armée", dit un haut gradé : "Vous pouvez y entrer, mais je ne garantis pas que vous pourrez en sortir".
Avec AFP
Dans le dialecte irakien, "makou" signifie "rien". Issa dit beaucoup "makou": "pas d'électricité, pas de maison". Huit ans après de violents combats entre le groupe État islamique (EI) et l'armée, la reconstruction de son village dans le nord de l'Irak est au point mort.
Issa al-Zamzoum vit à Habach, un bourg planté à 180 km au nord de Bagdad. Avec sa femme, Oum Warda, et leurs cinq enfants, il occupe une bâtisse en béton dont une partie du toit s'est effondrée pendant les combats en 2014, mais ne s'est pas désolidarisée du reste de la structure. Dans une pièce, une poule surveille ses poussins. Dans une autre, des matelas crasseux sont entassés contre le mur. Cette maison n'appartient pas à M. Zamzoum, 42 ans, car la sienne a été détruite. Elle lui est prêtée. "Il n'y a rien ici, pas d'électricité. Même le travail, il n'y en a pas", dit-il: "La reconstruction, on ne la voit pas. Il ne s'est rien passé depuis la guerre".
Au gouvernorat de Salaheddine, dont dépend Habach, un conseiller met en avant "l'étendue" de la province pour expliquer ces lenteurs. "On ne peut pas toujours faire les choses à 100%", dit cette source qui ne souhaite pas être identifiée. À Habach, les maisons en ruines ou partiellement détruites se comptent par dizaines. Le village a payé le prix fort lors du siège imposé à l'été 2014 par l'EI à la ville d'Amerli, à moins de 10 km de là.
À l'époque, les jihadistes contrôlent Mossoul et certains territoires du nord de l'Irak. Ils font route vers le sud et assiègent Amerli. Fin août, l'armée irakienne, les milices chiites et les Peshmergas kurdes brisent le siège après des combats acharnés à Amerli, mais aussi à Habach et dans les villages alentour que les jihadistes utilisaient comme bases. Fin 2017, le gouvernement de Bagdad déclare sa "victoire" militaire sur l'EI. Mais l'histoire ne s'arrête pas là.
Une vie dans le dénuement le plus total
Selon Human Rights Watch, à la suite du siège de 2014, "des milices pro-gouvernementales, des combattants volontaires et des membres des forces de sécurité ont pillé des villages sunnites autour d'Amerli", y compris Habach. L'ONG y avait identifié "d'épais nuages de fumée se dégageant de bâtiments en feu, dus à des incendies criminels".
Aujourd'hui, dans le district de Touz Khourmatou, où se trouve Habach, "les besoins humanitaires sont significatifs. Près de 20.000 déplacés y vivent", explique à l'AFP le Norwegian Refugee Council. Les papiers d'identité sont un autre casse-tête, souligne l'ONG. Pour les obtenir, certains habitants "rencontrent des difficultés pour être blanchis de tout soupçon lié à la sécurité parce qu'ils sont perçus comme appartenant à l'État islamique".
À l'instar d'Issa al-Zamzoum et de son voisin Abdelkarim Nouri, les habitants de Habach sont pour la plupart arabes sunnites, branche de l'islam minoritaire en Irak où le chiisme est majoritaire. "Notre vie est une honte. Je suis sans travail. J'ai cinq moutons et ils me font vivre", explique Abdelkarim Nouri. Il dit avoir interpellé son député. En vain.
Une situation sécuritaire inquiétante
M. Nouri n'évoque pas spontanément son appartenance religieuse, pas plus qu'il ne parle de sectarisme, un sujet brûlant dans un Irak où des dizaines de milliers de personnes sont mortes lors du conflit interreligieux de 2006-2008.
Pourtant, quatre ans et demi après la fin du "califat" autoproclamé de l'EI, nombre de sunnites se disent victimes de vexations et de discriminations.
Dans un rapport de 2021, le département d'État américain se faisait l'écho de responsables sunnites dénonçant des "déplacements forcés de sunnites" par le Hachd al-Chaabi, d'ex-paramilitaires chiites pro-Iran intégrés aux troupes régulières, et d'"arrestations aléatoires" de membres de leurs communautés "soupçonnés d'être liés à l'EI".
L'EI, justement. Sans évoquer nommément les jihadistes, le conseiller du gouvernorat de Salaheddine parle "de risques sécuritaires" qui retardent la reconstruction. Car si Habach est pacifié, à une quinzaine de kilomètres plus au nord, des cellules de l'EI rôdent.
Sur la route qui mène au hameau de Bir Ahmed, le Hachd al-Chaabi monte la garde. "La situation à Bir Ahmed est hors de notre contrôle et de celui de l'armée", dit un haut gradé : "Vous pouvez y entrer, mais je ne garantis pas que vous pourrez en sortir".
Avec AFP
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