©Pastel, Abdelwahab Addada (1938)
Depuis le 5 février, le Musée Nabu présente d’importantes toiles du début 20e siècle, encore jamais vues au Liban.
Situé dans le village d'El-Heri, près de Chekka, le Musée Nabu, inspiré du nom du dieu mésopotamien de la sagesse, accueille en parallèle à ses pièces d’antiquité à l’origine controversée, une exposition temporaire intitulée La scène artistique au Liban 1920-1948. Jusqu’au 12 juin, les visiteurs peuvent découvrir au rez-de-chaussée du bâtiment cubique, fruit de l’imagination de deux artistes réputés, Dia Azzawi et Mahmoud Obaidi, des pièces uniques, présentées pour la première fois au Liban, datant de la période du Mandat français qui a ouvert la porte à la modernité.
Le Musée Nabu vu de l’intérieur (Crédits : Nada Ghosn)
Une histoire mouvementée
L’historique de cet événement est compliqué. « Une grande exposition sur l’art durant la période du mandat était initialement prévue pour célébrer le centenaire de la proclamation du Grand Liban », raconte son curateur Saleh Barakat dans un entretien à Ici Beyrouth.
« En menant une recherche extensive sur toutes les expositions au sein des magazines et ouvrages de l’époque, nous avons réussi à trouver beaucoup de choses. Néanmoins, l’exposition, qui devait ouvrir en novembre 2019, s’est vue reportée en raison de la Révolution du 17 octobre, puis des confinements successifs », poursuit Saleh Barakat, directeur de la galerie beyrouthine éponyme.
« Vu la situation financière fin 2019, il est devenu impossible de couvrir les frais d’assurance tous risques pour emprunter les œuvres à l’étranger. L’exposition a donc été réduite, et comprend plus d’une cinquantaine d’œuvres issues des collections du musée Nabu, Saleh Barakat et quelques autres individus ayant accepté de prendre le risque », explique-t-il.
Entre-temps, le livre de la grande exposition était déjà prêt… Sorti en version arabe et française, L’art au Liban du Mandat français à l’indépendance offre une recherche très aboutie sur cette période, conduite par Maha Sultan.
L’Ouvrage majeur de Maha Sultan (Couverture : Le cèdre du Liban de Philippe Mourani - 1931)
Une vie artistique prolifique
L’exposition donne à voir les toiles phare du Pavillon libanais à l’Exposition universelle de New-York en 1939, tels Traités Phéniciens de Blanche Lohéac Ammoun, mais surtout l’immense cèdre de Philippe Mourani, montré pour la première fois au Liban grâce à un prêt du ministère des Affaires étrangères, et miraculeusement arrivé avant le 17 octobre 2019.
Vue générale de l’exposition (Crédits : Nada Ghosn)
Le parcours commence avec l’entrée des troupes françaises au Moyen Orient et la déclaration du Grand Liban en 1920. Cet avènement marque en fait le début d’un foisonnement dans le domaine de la peinture et de la sculpture.
Comme le souligne Saleh Barakat : « On ne peut pas célébrer le Mandat français, mais il y a eu des côtés positifs, notamment dans le domaine de l’art. La scène libanaise a connu une grande effervescence entre 1920 et 1948 ». Elle est alors témoin d’un conflit politique et artistique entre les deux identités phénicienne et arabe, défendue par des peintres tel Mustafa Farroukh.
Traités phéniciens, Blanche Lohéac Ammoun (1939)
Avant le mandat, les ateliers des quatre grands peintres Daoud Corm, Habib Srour, Khalil Saleeby, et Youssef Howayek, apparentés à ce qu’on appelle « l’école ottomane », sont les seuls centres d’enseignement. Inspirés par la nature et la vie, ces pionniers formés à Rome, Paris, ou Edinburgh, éduquent la deuxième génération de Gibran, Farroukh, Onsi, Douaihy, ou encore Wehbi, qui partiront à leur tour faire les Beaux-Arts en Europe.
Huile sur canevas, Mustapha Farroukh (1937)
Au début du 20e siècle, les cours d’enseignement artistiques sont intégrés dans les programmes scolaires des écoles beyrouthines, au Collège de la Sagesse et au Collège ottoman, puis dans les programmes universitaires de l’Université américaine de Beyrouth, en 1920. L’Académie libanaise des Beaux-Arts (ALBA) est fondée par les autorités mandataires en 1943. Il faudra attendre 1965 pour que l’art soit enseigné à l’Université libanaise.
Durant la période du mandat, les artistes exposent dans les clubs, les associations et les salons d’art de Beyrouth, tels l’Union Français Hall, l’Hôtel Saint George, ou la salle du Parlement libanais. Au niveau international, ils sont la plupart du temps invités à participer à des salons coloniaux. En 1934, Marie Haddad remporte le premier prix au Salon d’Automne de Paris. L’Exposition coloniale en 1939, à laquelle Corm est chargé d’inviter les artistes libanais, marque un point culminant.
Jusqu’en 1943, cette peinture se caractérise cependant par un certain classicisme et maniérisme. « On ne peut pas vraiment parler d’art moderne. Les tableaux restent figuratifs, avec un impressionnisme tardif », conclut Saleh Barakat.
Cette dernière école est abordée dans la seconde partie de l’exposition. En plus de portraits de types mondains ou de genre, ce dernier volet met en évidence une tolérance envers la nudité, qui provoque jusque aujourd’hui des réactions passionnées.
Situé dans le village d'El-Heri, près de Chekka, le Musée Nabu, inspiré du nom du dieu mésopotamien de la sagesse, accueille en parallèle à ses pièces d’antiquité à l’origine controversée, une exposition temporaire intitulée La scène artistique au Liban 1920-1948. Jusqu’au 12 juin, les visiteurs peuvent découvrir au rez-de-chaussée du bâtiment cubique, fruit de l’imagination de deux artistes réputés, Dia Azzawi et Mahmoud Obaidi, des pièces uniques, présentées pour la première fois au Liban, datant de la période du Mandat français qui a ouvert la porte à la modernité.
Le Musée Nabu vu de l’intérieur (Crédits : Nada Ghosn)
Une histoire mouvementée
L’historique de cet événement est compliqué. « Une grande exposition sur l’art durant la période du mandat était initialement prévue pour célébrer le centenaire de la proclamation du Grand Liban », raconte son curateur Saleh Barakat dans un entretien à Ici Beyrouth.
« En menant une recherche extensive sur toutes les expositions au sein des magazines et ouvrages de l’époque, nous avons réussi à trouver beaucoup de choses. Néanmoins, l’exposition, qui devait ouvrir en novembre 2019, s’est vue reportée en raison de la Révolution du 17 octobre, puis des confinements successifs », poursuit Saleh Barakat, directeur de la galerie beyrouthine éponyme.
« Vu la situation financière fin 2019, il est devenu impossible de couvrir les frais d’assurance tous risques pour emprunter les œuvres à l’étranger. L’exposition a donc été réduite, et comprend plus d’une cinquantaine d’œuvres issues des collections du musée Nabu, Saleh Barakat et quelques autres individus ayant accepté de prendre le risque », explique-t-il.
Entre-temps, le livre de la grande exposition était déjà prêt… Sorti en version arabe et française, L’art au Liban du Mandat français à l’indépendance offre une recherche très aboutie sur cette période, conduite par Maha Sultan.
L’Ouvrage majeur de Maha Sultan (Couverture : Le cèdre du Liban de Philippe Mourani - 1931)
Une vie artistique prolifique
L’exposition donne à voir les toiles phare du Pavillon libanais à l’Exposition universelle de New-York en 1939, tels Traités Phéniciens de Blanche Lohéac Ammoun, mais surtout l’immense cèdre de Philippe Mourani, montré pour la première fois au Liban grâce à un prêt du ministère des Affaires étrangères, et miraculeusement arrivé avant le 17 octobre 2019.
Vue générale de l’exposition (Crédits : Nada Ghosn)
Le parcours commence avec l’entrée des troupes françaises au Moyen Orient et la déclaration du Grand Liban en 1920. Cet avènement marque en fait le début d’un foisonnement dans le domaine de la peinture et de la sculpture.
Comme le souligne Saleh Barakat : « On ne peut pas célébrer le Mandat français, mais il y a eu des côtés positifs, notamment dans le domaine de l’art. La scène libanaise a connu une grande effervescence entre 1920 et 1948 ». Elle est alors témoin d’un conflit politique et artistique entre les deux identités phénicienne et arabe, défendue par des peintres tel Mustafa Farroukh.
Traités phéniciens, Blanche Lohéac Ammoun (1939)
Avant le mandat, les ateliers des quatre grands peintres Daoud Corm, Habib Srour, Khalil Saleeby, et Youssef Howayek, apparentés à ce qu’on appelle « l’école ottomane », sont les seuls centres d’enseignement. Inspirés par la nature et la vie, ces pionniers formés à Rome, Paris, ou Edinburgh, éduquent la deuxième génération de Gibran, Farroukh, Onsi, Douaihy, ou encore Wehbi, qui partiront à leur tour faire les Beaux-Arts en Europe.
Huile sur canevas, Mustapha Farroukh (1937)
Au début du 20e siècle, les cours d’enseignement artistiques sont intégrés dans les programmes scolaires des écoles beyrouthines, au Collège de la Sagesse et au Collège ottoman, puis dans les programmes universitaires de l’Université américaine de Beyrouth, en 1920. L’Académie libanaise des Beaux-Arts (ALBA) est fondée par les autorités mandataires en 1943. Il faudra attendre 1965 pour que l’art soit enseigné à l’Université libanaise.
Durant la période du mandat, les artistes exposent dans les clubs, les associations et les salons d’art de Beyrouth, tels l’Union Français Hall, l’Hôtel Saint George, ou la salle du Parlement libanais. Au niveau international, ils sont la plupart du temps invités à participer à des salons coloniaux. En 1934, Marie Haddad remporte le premier prix au Salon d’Automne de Paris. L’Exposition coloniale en 1939, à laquelle Corm est chargé d’inviter les artistes libanais, marque un point culminant.
Jusqu’en 1943, cette peinture se caractérise cependant par un certain classicisme et maniérisme. « On ne peut pas vraiment parler d’art moderne. Les tableaux restent figuratifs, avec un impressionnisme tardif », conclut Saleh Barakat.
Cette dernière école est abordée dans la seconde partie de l’exposition. En plus de portraits de types mondains ou de genre, ce dernier volet met en évidence une tolérance envers la nudité, qui provoque jusque aujourd’hui des réactions passionnées.
Lire aussi
Villa Al-Qamar: qui sont les lauréats?
Villa Al-Qamar: qui sont les lauréats?
Lire aussi
Commentaires