Alors que l'horreur de l'internement infligé à plus d'un million de personnes au Xijiang - en majorité ouïghoures - n'est un secret pour personne, les représentants de la communauté ouïghoure en Turquie ont exhorté mardi la Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Michelle Bachelet à dénoncer "librement" la situation lors de sa prochaine visite en Chine.
Des "camps de concentration"
Des Ouïghours, dont quelque 50.000 représentants ont trouvé refuge en Turquie, ont organisé ces dernières années plusieurs manifestations devant le consulat chinois à Istanbul, brandissant les portraits de membres de leur famille dont ils sont sans nouvelles parfois depuis des années.
"J'appelle la Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme à visiter les camps de concentration et à parler librement avec les gens, sans les caméras de surveillance ni la présence de la police chinoise et à révéler au monde la situation des droits de l'Homme là-bas", a lancé Ahmet Ilyasoglu, un Ouïghour installé en Turquie, lors d'une conférence de presse organisée par l'association "Victimes des camps de concentration" à Istanbul.
"Si l'Onu va là-bas et écoute les arguments partiaux de la Chine, il en résultera un rapport à la fois faux et embarrassant pour l'Onu et l'organisation des droits de l'Homme", a-t-il ajouté.
"La Chine, relâche ma sœur!"
Des études occidentales et de nombreuses associations accusent Pékin d'avoir interné dans des "camps de concentration" au Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine, au moins un million de personnes, majoritairement ouïghoures, de pratiquer sur elles stérilisations et avortements "forcés" et d'imposer du "travail forcé".
Plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, ont dénoncé un "génocide" en cours contre les Ouïghours. Pékin rejette ces accusations et présente ces installations comme des "centres de formation professionnelle".
Medine Nazimi a réclamé de "vraies réponses" sur le sort de sa sœur détenue dans un camp au Xinjiang, tenant en main une photo d'elle avec une inscription "La Chine, relâche ma sœur!". "Nous voudrions que l'Onu puisse aller dans notre pays et tout vérifier. Ne croyez pas le gouvernement chinois, croyez-nous!", a-t-elle insisté. "Ma sœur est seulement une des victimes des camps de concentration. Où est-elle? Est-elle saine et sauve? Nous n'en savons rien", a affirmé Mme Nazimi, sans nouvelles de sa sœur depuis cinq ans.
Emprisonné pour réciter le Coran
Selon une autre femme, Fatma Aziz, le gouvernement chinois a obligé ses proches à rester cloitrés chez eux pendant la visite de la Haute-Commissaire de l'ONU, dont la date reste imprécise, prétextant la pandémie du Covid-19.
"Ma tante est coincée là-bas avec ses deux enfants. La Chine a emprisonné son mari parce qu'il récitait le Coran", explique-t-elle. "Nous voulons que l'Onu libère nos proches", espère-t-elle. Fatma Aziz s'est réfugiée en Turquie en 2015 avec son mari et ses cinq enfants. Les Ouïghours fuyant les persécutions ont trouvé refuge en Turquie, pays culturellement proche et qui a longtemps été l'un des principaux défenseurs de leur cause face à Pékin.
L'avocate Gulden Sonmez espère voir Mme Bachelet marcher librement dans les rues du Xinjiang. "Si elle y arrive, elle verra la réalité. Le Turkistan oriental a quasiment été transformé en un camp de concentration. Il s'agit de millions de personnes", insiste-t-elle.
En janvier, un groupe de Ouïghours a porté plainte auprès de la justice turque contre les autorités chinoises, les accusant d'être responsables de viols, de torture et de travail forcé.
Avec AFP
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