Les évêques de Terre sainte ont dénoncé lundi "l'invasion de la police" israélienne dans l'hôpital Saint-Joseph à Jérusalem-Est, lors des obsèques de la journaliste palestinienne tuée Shirine Abou Akleh. Entre son cercueil qui manque de tomber, et sa famille provoquée en plein deuil, les évêques accusent l'État hébreu d'avoir "manqué de respect" à l'Église.
Tomasz Grysa (second en partant de la gauche), premier conseiller de la nonciature apostolique en Israël, prend la parole lors d'une conférence de presse concernant les événements des funérailles de la journaliste Shirine Abou Akleh. Il est accompagné du patriarche latin de Jérusalem Pierbattista Pizzaballa (second en partant de la droite), du patriarche grec orthodoxe de Jérusalem Theophilos III (à droite) et du directeur général de l'hôpital Saint Joseph Jamil Koussa (au centre). (AFP)
"Usage disproportionné de la force"
Vendredi, des milliers de Palestiniens ont participé aux obsèques de la journaliste de la TV Al Jazeera, tuée mercredi d'une balle dans la tête alors qu'elle couvrait un raid militaire israélien dans le camp de réfugiés de Jénine en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967.
A la sortie du cercueil de la journaliste l'hôpital Saint-Joseph à Jérusalem-Est, secteur palestinien de la ville également occupé par Israël, la police a pénétré dans l'enceinte de l'établissement et chargé une foule brandissant des drapeaux palestiniens, frappant avec des matraques des Palestiniens et des porteurs du cercueil qui a failli tomber par terre, selon des images qui ont fait le tour des réseaux sociaux.
Lundi, lors d'une conférence de presse à l'hôpital Saint-Joseph, l'administrateur apostolique du patriarcat latin de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa, a dénoncé "l'invasion de la police israélienne et son usage disproportionné de la force". La police "a attaqué la foule, frappant les gens à coups de matraque, lançant des grenades lacrymogènes et tirant des balles en caoutchouc", a-t-il accusé.
Le frère de Shirine Abou Akleh assiste à une veillée aux chandelles devant l'église de la Nativité dans la ville biblique de Bethléem en Cisjordanie.
Coup de force à l'hôpital
Les forces israéliennes ont "manqué de respect à l'Église, à l'établissement de santé et à la mémoire des morts", a-t-il ajouté. L'hôpital appartient à la congrégation française des Soeurs de Saint-Joseph-de-l'Apparition présente sur cette terre depuis près de 200 ans. La police a annoncé l'ouverture d'une enquête, en affirmant que les policiers avaient été "poussés à recourir à la force face à des émeutiers" parmi le cortège funèbre. Elle a aussi accusé la foule d'avoir empêché le transport du cercueil dans un corbillard, "tel qu'il a été convenu avec la famille".
Mais la famille de Shirine Abou Akleh, qui détenait également la nationalité américaine, ont rejeté cette version des faits. Son frère, Antoun Abou Akleh, a affirmé à la même conférence de presse à l'hôpital, que la police l'avait interpellé la veille des funérailles pour lui signifier qu'elle s'opposerait à tout "chant (nationaliste) ou drapeau palestiniens" lors du cortège. Israël considère toute la ville de Jérusalem comme sa capitale "éternelle et indivisible".
Lina Abou Akleh, une nièce de la journaliste, a affirmé qu'un policier avait "menacé" de la "frapper" et qu’elle avait dû se cacher à l'intérieur de l'hôpital quand les forces israéliennes ont commencé à lancer des grenades lacrymogènes. Père Luc Pareydt, conseiller pour les affaires religieuses au consulat général de France à Jérusalem, a affirmé à l'AFP avoir été saisi à quel point le cortège était "calme et solennel" avant l'intervention de la police.
"Enquête transparente"
Le directeur de l'hôpital Saint-Joseph, Jamil Koussa a déclaré à l'AFP qu'il avait plaidé vendredi auprès de la police pour laisser le cortège "se dérouler pacifiquement". Un médecin a été blessé par une balle en caoutchouc lors de la charge de la police, selon lui. La réaction israélienne était "complètement injustifiée".
La foule a pu ensuite accompagner le cercueil vers une église de la Vieille Ville où une messe a été célébrée, puis au cimetière. Le meurtre" de la journaliste de 51 ans a été condamnée à l'unanimité par le Conseil de sécurité de l'ONU qui a réclamé "une enquête transparente et impartiale".
L'Autorité palestinienne, la télévision du Qatar Al Jazeera et le gouvernement du Qatar ont accusé l'armée israélienne d'avoir tué la journaliste. Israël, après avoir affirmé qu'elle avait "probablement" succombé à un tir palestinien, a ensuite dit ne pas écarter que la balle ait été tirée par ses soldats.
Avec AFP
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