Présidentielle française, une vaste foire d’empoigne
©Présidentielle française
C’est une campagne présidentielle sans boussole qui s’engage en France. Pour la première fois sous la Ve République, les mouvements politiques y jouent un rôle de figuration, les programmes sont inexistants et les sondages si chers aux journalistes politiques contestés.

Une flopée de candidats, trop souvent sans relief et sans troupes, lancent quelques saillies pour exister sur les réseaux sociaux et être invités dans les débats télévisés. Candidat non déclaré, Emmanuel Macron distribue les gâteries budgétaires sans retenue, multiplie les échappées aux quatre coins du pays et joue au rassembleur dans la croisade contre le virus du Covid qui revient en force...

Champ de ruines

Souvent indisciplinés, les Français avaient enfin tourné le dos à l’instabilité chronique qui marquait leur vie politique grâce au carcan institutionnel que leur a imposé le général de Gaulle en 1958. Tous les cinq ans, l’élection présidentielle voit s’affronter deux candidats choisis des mouvements politiques représentatifs et porteurs de projets politiques antagonistes.

Paris avait même pris l’habitude d’observer avec un peu de condescendance l’émiettement de la vie politique à Beyrouth où on a parfois l’impression que chaque Libanais représente à lui seul un mouvement politique.

Or depuis l’élection d’Emmanuel Macron, le système partisan s’effondre. Au point de devenir, en ce début de campagne électorale, un véritable champ de ruines où surgissent parfois des personnalités sans réel adossement politique.

Repli identitaire !

C’est ainsi qu’un polémiste condamné pour racisme, Eric Zemmour, sans parcours politique ni légitimité populaire, est parvenu depuis un mois à créer le buzz. Ce plumitif de la droite extrême, craint-on, pourrait bien obtenir une deuxième place sur le podium. À moins qu’il ne retombe vite dans l’oubli ! Ces interrogations qui reviennent en boucle ont largement plombé le débat politique français

De quoi Eric Zemmour est-il le nom ? Il semble bien que les valeurs identitaires, sécuritaires et xénophobes soient devenues majoritaires dans l’opinion publique française. Elles imprègnent peu ou prou les interventions de tous les candidats à la présidentielle. À gauche, un ancien ministre socialiste, Arnaud Montebourg, propose d’interdire les transferts d’argent vers les pays qui refusent de reprendre leurs ressortissants entrés illégalement en France. À droite, Michel Barnier, l'ex-commissaire européen et négociateur du Brexit, propose « une pause de trois à cinq ans » pour donner un coup de frein aux régularisations « inconditionnelles », au regroupement familial, à la délivrance des visas long séjour.


C’est comme si l’Europe et la France étaient de généreuses terres d’accueil pour les migrants du monde entier ! La réalité est nettement plus nuancée !

Emmanuel Macron, seul contre tous

Bien calé sur des sondages qui lui attribuent un socle de 25 % des électeurs et avec un talent de communicant qui s’affine de jour en jour, un Emmanuel Macron omniprésent fait la course en tête. D’autant plus qu’il est servi par une réelle reprise économique qui voit « la courbe du chômage s’inverser », comme l’avait espéré son prédécesseur, François Hollande. Mais c’est surtout la fâcheuse tendance de ses adversaires – « les oppositions », comme il les désigne - à s’affronter au sein de leur propre camp qui lui permet de croire en ses chances de réélection.

À gauche, pas moins de quatre candidats se présentent aux suffrages des Français, sans même prendre la peine, dans le cas d’Anne Hidalgo, de se rendre au congrès du Parti socialiste qui l’a intronisée. À l’extrême droite, où l’on cultive la haine comme d’autres les orchidées, Eric Zemmour et Marine le Pen sont prêts à tout, sauf à s’entendre entre eux, quitte à ce que leurs idées ne soient pas représentées au deuxième tour.

Quant aux héritiers de Chirac et de Sarkozy, réunis au sein des Républicains (LR) et forts de leurs succès aux élections locales, ils doivent désigner, le 4 décembre, leur champion. Favori de ces primaires parce que crédité de 14 % des voix par les sondages, Xavier Bertrand représenterait une menace pour l’actuel chef d’État. Sauf que rien ou presque, sur le fond, ne sépare les deux hommes.

Une élection sans poids lourds

Sans états d’âme, Emmanuel Macron excelle à éliminer le moindre concurrent, y compris son ex-Premier ministre, Edouard Philippe, qui lui faisait de l’ombre. Inquiet d’une poussée de la droite, le président français lui coupe l’herbe sous le pied en pillant son programme. Qu’il s’agisse de la valeur travail, de la réforme des retraites ou de la relance du nucléaire. Sans oublier de consulter régulièrement Nicolas Sarkozy que lui et son épouse Brigitte reçoivent, non sans arrière-pensées, à l’Élysée.

C’est une élection sans poids lourds qui se dessine aujourd’hui. Avec le risque pour le challenger final d’Emmanuel Macron de ne pas dépasser 15 % des voix au premier tour, ce qui lui ferait aborder avec un sérieux handicap la dernière ligne droite vers une possible élection

« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Emmanuel Macron, seul contre tous mais sans un rival à sa mesure, devrait méditer Pierre Corneille.
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