©Une femme ouïghoure réfugiée en Turquie montre la photo de sa famille du Xinjiang, dont elle est sans nouvelles. (AFP)
Depuis 2018, la Chine est accusée d'enfermer un million de personnes ouïghoures dans des camps. Alors que la cheffe des droits humains de l'ONU entame mardi une visite de la région, un consortium de 14 médias publient des documents compromettants pour la Chine. L'État cautionnerait "au plus haut niveau" les exactions contre la minorité musulmane au Xinjiang.
Médias contre État chinois
Un consortium de 14 médias étrangers a publié mardi des documents qu'il dit provenir du piratage d'ordinateurs de la police du Xinjiang, région du nord-ouest de la Chine. Ces révélations interviennent alors que la Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Michelle Bachelet, entame une visite très attendue dans la région chinoise du Xinjiang, après les accusations récurrentes contre Pékin de réprimer férocement les musulmans ouïghours.
Ceux-ci jettent une lumière crue sur la situation des musulmans ouïghours. Parmi eux figurent des milliers de photographies présentées comme ayant été prises dans des "camps de détention" et montrant les visages de nombreux "détenus", dont des femmes, des mineurs et des personnes âgées.
Les documents écrits accréditent l'idée d'une répression ordonnée depuis le sommet de l'État chinois. Ces nouvelles accusations sont "le dernier exemple en date du dénigrement du Xinjiang effectué par les forces anti-chinoises", a fustigé mardi Wang Wenbin, un porte-parole de la diplomatie chinoise.
Des manifestants ouïghours arborent des drapeaux du Turkestan Oriental, État qu'ils estiment indépendants et qui correspond peu ou prou au territoire du Xinjiang actuel. (AFP)
"Mensonge du siècle"
"Nous sommes consternés par ces informations et ces images choquantes", a déclaré le porte-parole du département d'État américain, Ned Price, à propos de la fuite de fichiers attribués à la police chinoise.
"Il semble très difficile d'imaginer qu'une action systématique visant à supprimer, à emprisonner, à mener une campagne de génocide et de crimes contre l'humanité n'ait pas la bénédiction - ou l'approbation - des plus hauts niveaux du gouvernement de la République populaire de Chine", a-t-il ajouté.
Washington accuse régulièrement Pékin d'être responsable d'un "génocide" au Xinjiang. La Chine dénonce le "mensonge du siècle" et présente les camps comme des "centres de formation professionnelle" destinés à combattre l'extrémisme religieux.
"Clarifier la désinformation"
Ce déplacement se fait pour l'heure dans la discrétion, la délégation onusienne étant tenue d'intégrer, au nom de la situation épidémique en Chine, une bulle sanitaire qui la tient à l'écart de la presse étrangère. Aucun détail sur les lieux précis où ira Michelle Bachelet n'a été rendu public, ce qui interroge sur la latitude dont elle bénéficiera concrètement sur le terrain.
D'autant plus que le ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, lui a dès lundi déclaré qu'il s'attendait avant tout à une visite qui puisse "clarifier la désinformation" dont la Chine s'estime victime. Dès mardi, l'agence de presse officielle Chine nouvelle a assuré que Mme Bachelet, devant Wang Yi, avait "félicité la Chine pour ses importantes réalisations en matière de développement économique et social et de promotion de la protection des droits de l'homme".
Le Xinjiang, longtemps frappé par des attentats sanglants attribués à des séparatistes et des islamistes ouïghours, fait l'objet depuis quelques années d'une répression menée au nom de l'antiterrorisme.
Peu d'espoirs pour la diaspora
Inquiets, Ouïghours de la diaspora et associations de défense des droits humains ont exhorté l'ex-présidente chilienne âgée de 70 ans à ne pas se laisser entraîner dans une opération de communication orchestrée par Pékin.
Nursimangul Abdureshid, Ouïghoure installée en Turquie, dit toutefois n'avoir "pas beaucoup d'espoir" que les visiteurs de l'ONU puissent "apporter un quelconque changement". "Il faut qu'ils rendent visite à des victimes, comme les membres de ma famille, pas qu'ils participent à des mises en scène préparées à l'avance" par Pékin, déclare-t-elle à l'AFP.
Son frère a été condamné à près de 16 ans de prison, notamment pour "préparation (d'actes) violents et terroristes", a-t-elle récemment découvert dans un fichier révélé par l'AFP et réputé provenir d'une fuite des archives de la police.
Un million de personnes
Des études occidentales accusent la Chine d'y avoir interné au moins un million de Ouïghours et de membres d'autres minorités musulmanes dans des camps de rééducation, voire d'imposer du "travail forcé" et des "stérilisations forcées". Pékin dit n'imposer aucune stérilisation, mais uniquement appliquer la politique de limitation des naissances à l'œuvre dans l'ensemble du pays, auparavant peu mise en pratique dans la région.
Michelle Bachelet doit se rendre dans la capitale régionale Urumqi, théâtre dans le passé de plusieurs attentats visant des civils. Mme Bachelet ira également à Kashgar, dans le sud du Xinjiang, où la population ouïghoure est majoritaire et la campagne sécuritaire réputée être particulièrement féroce.
Michelle Bachelet est la première responsable onusienne des droits humains à se rendre en Chine depuis 2005, après des années d'âpres négociations avec Pékin sur les termes de sa visite. "Mme Bachelet doit comprendre que ce qui est en jeu, c'est la confiance du monde dans les Nations unies", déclare Raphael David, de l'organisation International Service for Human Rights (ISHR).
Avec AFP
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