La Turquie menace de nouvelles attaques contre les Kurdes
La situation se complique à la frontière syro-turque. En pleines négociations pour une possible entrée de la Suède et de la Finlande dans l'Otan, Ankara, qui reproche aux pays nordiques un supposé soutien aux séparatistes kurdes, pourrait lancer prochainement des attaques contre ces derniers dans le nord de la Syrie. Une décision peu acceptée dans l'Ouest, notamment par les États-Unis.

La Turquie envisage une opération contre les Kurdes dans le nord de la Syrie, nouvel épisode d'un conflit récurrent depuis quatre décennies, en plein débat sur l'entrée de la Finlande et de la Suède dans l'Otan.

Le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé préparer une nouvelle offensive dans le nord de la Syrie, "actée sur le principe", a-t-il dit, dont les détails seront "étudiés jeudi lors de la réunion du Conseil national de sécurité" auquel participent les responsables militaires et les services de renseignement.

Au même moment, Stockholm et Helsinki ont dépêché mercredi 25 mai des diplomates à Ankara pour tenter de lever les objections turques à leur adhésion à l'Alliance atlantique, qui portent notamment sur l'accueil que ces deux pays réservent aux exilés kurdes.

Turquie Pour l'instant, la Turquie bloque l'accès de la Suède et de la Finlande à l'Otan, tant que les deux pays ne "clarifient pas" leur situation vis à vis des groupes kurdes (AFP)

La présidence turque entend leur présenter des "preuves" des activités du PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan, considéré comme une organisation terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux dont la Suède.

Création d'une zone tampon

Ankara, qui a déjà déclenché depuis 2016 trois opérations en Syrie contre les Unités de protection du peuple (YPG), alliées au PKK, et le groupe État Islamique, veut créer une "zone de sécurité" de 30 km de large le long de sa frontière sud.

Cette zone tampon permettrait de séparer la Turquie des territoires aux mains de la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), alliées au PKK et soutenues par les États-Unis lors de la lutte contre le groupe État islamique.

Les États-Unis ont mis en garde mardi 24 mai la Turquie contre tout lancement d'une nouvelle opération militaire dans le nord de la Syrie, affirmant que cet allié turbulent de l'Otan mettrait des soldats américains en danger.

Soldats américains Syrie De nombreux soldats américains sont présents au nord de la Syrie (AFP)

Pour Sedat Ergin, éditorialiste du quotidien Hurriyet, le lancement d'une nouvelle offensive en Syrie "compliquera encore davantage la situation" avec l'Occident.

Par ailleurs, l'armée turque mène depuis la mi-avril une nouvelle opération baptisée "Griffe refermée" dans le nord de l'Irak, visant des bases et camps d'entraînement du PKK dans la région autonome du Kurdistan d'Irak.

Un usage croissant de drones de combat


Selon un récent rapport de l'International Crisis Group, depuis mi-2019, la Turquie fait un usage croissant de ses drones de combat pour frapper les bases du PKK dans les montagnes du nord de l'Irak.

L'ICG cite des analystes turcs qui estiment qu'Ankara dispose de 2.000 à 3.000 hommes dans une quarantaine de postes en Irak, "parfois jusqu'à 40 km de la frontière".

Kurdes Syrie Des kurdes syriens pleurent des victimes de drones turques en novembre 2021 (AFP)

En Syrie, où elle contrôle trois poches du nord-est au nord-ouest le long de sa frontière, l'armée turque compterait quelque 8.000 à 10.000 hommes.

Selon Sedat Ergin, la prochaine opération viserait notamment Kobané, ville kurde restée célèbre pour la bataille qui, en 2015, a permis aux YPG, soutenues par la coalition occidentale, de repousser les jihadistes du groupe Etat Islamique.

Fondé en 1978, le PKK opère dans l'est et le sud-est de la Turquie, où se concentre la majorité de la population kurde turque (estimée à 20%), ainsi que dans le nord de l'Irak et de la Syrie.

Plus de 40 000 morts dont de nombreux civils

Depuis 1984, le conflit entre le PKK et l'État turc a fait plus de 40.000 morts, dont de nombreux civils.

M. Ergin rappelle que la Turquie a signé en 2019 un accord avec les Etats-Unis lui donnant le contrôle de certaines zones du nord de la Syrie.

La Turquie contrôle ainsi une partie du nord-ouest du pays où plus de trois millions de déplacés syriens ont trouvé refuge, échappant au régime de Damas.

Leur survie dépend en large partie de l'aide transfrontalière acheminée depuis la Turquie, sous l'égide des Nations unies. Mais la Russie a prévenu qu'elle ne permettra pas le renouvellement de cette autorisation qui expire début juillet. Au risque de compliquer encore la situation.

Preuve de la nervosité des observateurs, face au regain de tensions, la livre turque s'enfonce encore un peu plus mercredi (16,30 TL pour un dollar et 17,30 TL pour un euro à la mi-journée), au plus bas depuis décembre 2021.

Avec AFP
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