Pas de burkini dans les piscines de Grenoble
Jamais avare en polémiques à propos d'une supposée laïcité, la France s'est à nouveau illustrée ces dernières semaines en s'agitant à nouveau autour du burkini. Le feuilleton s'est conclu, pour l'instant, le 25 mai. La ville de Grenoble, qui voulait autoriser la tenue dans ses piscines municipales, a été débouté par le tribunal administratif de la ville. Son maire, Eric Piolle, a annoncé qu'il ferait appel devant le Conseil d'État.

Le tribunal administratif de Grenoble a suspendu mercredi 25 mai une très controversée disposition autorisant le port du burkini dans les piscines de la ville, au cœur d'un bras de fer entre le maire écologiste Eric Piolle et une grande partie de la classe politique.

L’exécution de l’article 10 du nouveau règlement des piscines de Grenoble autorisant l’usage de maillots de bains de type burkini est "suspendue" par ordonnance, indiquent les juges dans un communiqué publié dans la soirée. Eric Piolle a annoncé peu après que la ville ferait "appel devant le Conseil d’État", dans un court message posté sur Twitter.

Grenoble Burkini Eric Piolle va faire appel (AFP)

Le tribunal se prononçait suite au dépôt par le préfet de l'Isère d'un "référé laïcité" réclamant sa suspension. Cette disposition a été introduite par la loi séparatisme votée en août 2021 et concerne les actes qui portent "gravement atteinte au principe de laïcité et de neutralité du service public".

Le tribunal a estimé que l'article en cause permettrait aux usagers de "déroger à la règle générale d’obligation de porter des tenues ajustées près du corps pour permettre à certains usagers de s’affranchir de cette règle dans un but religieux", et ses auteurs ont par là-même "gravement porté atteinte au principe de neutralité du service public".

Une "excellente nouvelle"

Ce nouveau règlement, qui ouvre la porte au burkini, mais aussi à la baignade seins nus pour les femmes et aux maillots anti-UV pour tous, avait été adopté le 16 mai à une courte majorité par le conseil municipal, certains alliés du maire écologiste se désolidarisant du projet, sur fond de tempête politique nationale.

Le texte devait formellement entrer en vigueur le 1er juin. L'ouverture estivale des piscines municipales de Grenoble est quant à elle prévue du 13 juin au 30 août.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est immédiatement félicité sur Twitter de cette "excellente nouvelle".

Gerald Darmanin Une "excellente nouvelle" pour Gerald Darmanin

"Suite à notre recours, le tribunal administratif suspend la délibération de la mairie de #Grenoble autorisant le +burkini+ dans les piscines municipales grâce aux outils de la loi séparatisme voulue par @EmmanuelMacron !", a-t-il salué.


Alain Carignon, chef de file de l'opposition municipale qui avait, elle aussi, déposé un recours devant le tribunal administratif, a également salué une décision qui "marque un coup d’arrêt aux dérives séparatistes et à la volonté d’une partie de la majorité municipale derrière son maire de favoriser l’islamisme dans l’espace public au détriment de la cause des femmes".

Les juges des référés ont rendu leur jugement dans la soirée après avoir entendu pendant environ une heure trente les arguments des différentes parties, la préfecture de l'Isère d'une part, la Ville de Grenoble, la controversée association Alliance Citoyenne et la Ligue des Droits de l'Homme d'autre part, lors d'une audience tenue plus tôt dans l'après-midi.

Une association mise en cause

Le port du burkini est revendiqué depuis plusieurs années par Alliance Citoyenne, qui s'est fait connaître en organisant depuis 2019 plusieurs opérations coup de poing dans les piscines grenobloises pour faire passer son message.

Grenoble Burkini L'association Alliance Citoyenne milite depuis un moment pour le burkini dans les piscines grenobloises (AFP)

Quelques membres de l'association ont assisté à l'audience, de même qu'une poignée de militants de l'association étudiante UNI et qu'une élue d'opposition au conseil municipal de Grenoble, Brigitte Boer.

Pascale Léglise, directrice des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'Intérieur et qui représentait la préfecture à l'audience, a dénoncé une réglementation qui "méconnaît l'intérêt général" et relève de ce fait d'un "détournement de pouvoir".

"Une fois que le burkini ne sera pas interdit, il deviendra une ardente obligation, alors que c'est une frange très minoritaire qui le revendique", a-t-elle argué, dénonçant des "pressions" d'Alliance Citoyenne sur M. Piolle.

"On ne peut s'empêcher de penser que cette délibération est tombée à point nommé pour des motifs politiques qui n'ont rien à voir avec l'intérêt général, qui seul peut justifier d'une modification de ces règles", selon elle.

Sa principale contradictrice, Me Aude Evin, représentant la ville de Grenoble, a noté de son côté que le nouveau règlement n'autorise pas le burkini, qui n'y est d'ailleurs nulle part nommé, "mais se contente de ne pas l'interdire". Or, "seule la loi est susceptible de restreindre l'exercice d'une liberté".

Elle a également balayé les accusations de "clientélisme électoral" portées contre M. Piolle, estimant que "l'on s'égare hors du droit", ainsi que les risques supposés de d'atteinte à l'ordre public créés par le burkini.

Avec AFP
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