Puisque la vie n’est pas toujours rose
©Toile de Fady Chammas, "Ain el Mreisseh 1960", 60 x 60 cm.
Puisque la vie n’est pas toujours rose, j’ai décidé de vivre. Non pas juste exister, mais vivre. Vivre dans mon propre sens du terme, selon ma définition personnelle du bonheur, dans l’univers qui me définit, même s’il ne correspond pas toujours à l’image imposée par les autres. Vivre dans le cadre qui m’identifie, qu’il soit une toute petite bulle ou plus illimité que le ciel, il me revient à chaque matin de le décider. J’ai appris à apprivoiser les sentiments négatifs qui accompagnent naturellement la vie quotidienne, à ouvrir grand les bras pour accueillir la peur, le chagrin, la déception, les laisser venir à moi sans résistance, sans lutte, m’effleurer à fleur de peau pour ensuite les laisser partir en paix.

J’ai appris que la souffrance émane du sens qu’on donne aux choses de la vie. Alors j’ai décidé d’aborder les mauvaises nouvelles et les grands défis selon la signification qui m’apaise, de voir le monde sous l’angle qui me convient, à travers ma loupe aux faisceaux lumineux. J’ai arrêté de rejeter les difficultés et les pertes. Avec le recul, elles se sont avérées être un tremplin vers un nouveau départ, vers une découverte plus poussée de ce «moi» qui ne cesse de m’intriguer. Quand elles me frappent de plein fouet, je respire à fond et je puise au plus profond de mon être la force qu’engendre le calme. Selon les normes sociales, l’immobilité serait synonyme de faiblesse, d’abdication. Dans mon cadre à moi, elle est souvent ma source de puissance. «Parfois, lâcher prise est un acte plus puissant que se défendre ou s’accrocher», selon Eckhart Tolle. Ça me permet de retrouver mon centre telle la fleur de lotus à la surface de l'eau, de calmer les tempêtes qui déferlent sur moi quand les rafales de vent secouent ma voile. Lorsque les péripéties du monde extérieur menacent de faire chavirer mon navire, je me ressource dans mon monde fait de silence, de méditation, d’effort physique. C’est là que je me libère de leur poids pour me faire plus légère, pour décoller du sol aride telle une montgolfière. Pour voler plus haut, plus loin, le regard droit devant.


J’ai appris que vivre dans le passé ou dans le futur n’apporte que de la souffrance. Il n’est pas d’autre réalité que le présent, sinon je n’existerais qu’à travers les souvenirs du passé ou l’anticipation de l’avenir. Alors j’essaie de vivre le moment présent dans toute sa profondeur. Je savoure le plaisir d’être en vie. En chair et en os. Je prends le temps de vivre mon quotidien, de vaquer à mes occupations terrestres. J’écoute mon corps quand il parle. J’ouvre mon cœur à la vulnérabilité et mon esprit à la nouveauté. Dans le brouhaha assourdissant de Beyrouth, je ferme les yeux pour entendre le chant des oiseaux perchés sur les rares arbres de ma ville. À l’heure flamboyante du crépuscule, je ralentis ma course sur la corniche pour contempler le ciel enflammé qui embrasse farouchement la Méditerranée. Je me fonds dans la foule sans pour autant rythmer mes pas à la cadence de son empressement. Je me fonds dans la foule comme une inconnue sans passé, sans identité définie, comme on laisse son ego se dissiper dans l’esprit commun de l’humanité, comme on voltige légèrement, le sourire dans le cœur, l’âme libre, parce que la vie éphémère d’ici-bas n’est pas aussi grave qu’elle ne le paraît.
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