©Ruben Östlund , Palme d'or pour "Triangle of Sadness" Crédit: Loic Venance/AFP
Ambiance décontractée à Cannes, où la bonne humeur était de mise durant la soirée de clôture, après deux années perturbées par la pandémie du Covid-19. Humeur, émotions et baisers de cinéma inattendus étaient au rendez-vous d’un moment jalonné de récompenses, donnant la priorité à celles et ceux qui ont dû fuir leur pays d’origine pour s’adonner librement à la passion-cinéma.
La maîtresse de cérémonie Virginie Efira a donné le ton d’une cérémonie où l’humour a trouvé sa place entre les moments d’émotions. Le 75e Festival de Cannes tirant à sa fin, la comédienne a dit dans son discours qu’il faudrait maintenant « rendre les bijoux et les faux cils ». « Dès demain, les gens âgés à Cannes auront vraiment l’air de gens âgés », a-t-elle conclu, sous les rires du public, allusion au défilé d’acteurs ou actrices parfois sans âge sur le tapis rouge pendant la quinzaine.
« Je pensais que c’était mon jury, mais non, j’avais une voix, c’est ça la démocratie », a commencé Vincent Lindon, président français du jury, au moment de son discours inaugural de la cérémonie de clôture. Le comédien a ensuite filé la métaphore politique en soulignant avec humour qu’être « président, une seule fois, pendant dix jours », c’était trop court. Et de demander à Thierry Frémaux, directeur général du festival, à « l’unanimité du jury », que ce dernier soit reconduit. « Four more years! » (« Quatre ans de plus ! ») a-t-il scandé pour le renouvellement de sa présidence, sous les rires du public.
L’actrice française Carole Bouquet est intervenue sur scène pour remettre un prix spécial, celui de la 75e édition. Elle a profité de l’occasion pour réclamer un baiser du président Vincent Lindon, qui s’est levé et l’a embrassée sur la bouche. Comme un vrai baiser de cinéma. Après la remise du trophée à « Tori et Lokita » de Jean-Pierre et Luc Dardenne, Vincent Lindon a suggéré que Carole Bouquet reste sur scène pour le prix suivant. « Pour recevoir une autre bise ? » a demandé la maîtresse de cérémonie Virginie Efira. « Jalouse ! » a alors répondu Carole Bouquet en partant.
Le prix du jury attribué à « EO (Hi-Han) » de Jerzy Skolimowski (ex aequo avec « Les Huit Montagnes » de Charlotte Vandermeersch et Felix van Groeningen) a donné lieu au discours de remerciement le plus surréaliste. À l’image de ce film iconoclaste qui raconte l’errance d’un âne en proie à la folie des hommes, osant faire de l’animal le personnage principal d’un film. « Je veux remercier mes ânes... » a lancé en anglais le cinéaste polonais, qui a donc salué, en les nommant, les six animaux qui se sont relayés en fonction des scènes pour incarner le personnage principal.
En recevant leur prix de la 75e édition pour « Tori et Lokita », les frères Jean-Pierre et Luc Dardenne, déjà auréolés de deux Palmes d’or, ont fait honneur à leur réputation de cinéastes humanistes et engagés socialement. « Quand on préparait notre film en janvier 2020, il y a un boulanger de Besançon qui a fait une grève de la faim pendant 12 jours pour qu’on n’expulse pas de France son apprenti qui était africain de Guinée et ça c’était formidable et notre film nous le dédions à ce Monsieur, à Monsieur (Stéphane) Ravacley de Besançon ».
« Le cinéma est l’expression du réalisateur, le cinéma c’est le réalisateur (...) longue vie au réalisateur », a commencé, d’un ton lunaire, le cinéaste Nicolas Winding Refn (« Drive »), invité à remettre le Prix de la mise en scène, en lisant son discours écrit sur son téléphone. Le choix du jury, le Sud-Coréen Park Chan-wook, récompensé pour « Decision to leave », lui a plu. « C’est vraiment cool », a dit au micro Nicolas Winding Refn.
Le Suédois Ruben Östlund remporte samedi une deuxième Palme d’Or avec la comédie « Triangle of Sadness »
Satire jouissive des super-riches et du luxe, « Triangle of Sadness » est sans conteste le film le plus divertissant de la compétition.
Euphorique sur la scène du Grand théâtre Lumière, le Suédois à l’humour grinçant rejoint, à 48 ans, le club très fermé des doubles palmés, parmi lesquels les frères Dardenne et Ken Loach. « Tout le jury a été extrêmement choqué par ce film », a annoncé Vincent Lindon, le président du jury.
« Lorsque nous avons commencé ce film, nous n’avions qu’un but : essayer de faire un film qui intéresse le public et qui le fasse réfléchir avec provocation », a déclaré le Suédois, en recevant son prix.
« Triangle of Sadness » suit l’aventure de Yaya et Carl, un couple de mannequins et influenceurs en vacances sur une croisière de luxe. Un voyage qui tourne à la catastrophe.
Dans une sorte de « Titanic » inversé, où les plus faibles ne sont pas forcément les perdants, le film décortique les ressorts de classe de fond en comble : les riches contre les pauvres, mais aussi les hommes contre les femmes, et les Blancs contre les Noirs.
Le réalisateur livre une critique sans concession du capitalisme et de ses excès.
Élevé par une mère communiste, se définissant lui-même comme « socialiste », le Suédois n’a pas cédé à la facilité de « décrire les riches comme méchants », mais plutôt à « comprendre leurs comportements », dit-il.
Après « Play » (2011), « Snow therapy » (2014) et « The Square » (2017), Ruben Östlund continue de disséquer les conventions sociales, les petites lâchetés et les dilemmes moraux.
Dans « Triangle of Sadness », le casting est anglophone : Östlund a mélangé nouveaux venus (la mannequin sud-africaine Charlbi Dean, notamment) et acteurs confirmés, comme l’Américain Woody Harrelson. Ce dernier excelle comme capitaine en roue libre, laissant son bateau chavirer pendant qu’il boit.
L’Iranienne Zar Amir Ebrahimi remporte le prix d’interprétation féminine
« C’est le prix d’interprétation, mais je pense que c’est le prix d’un film qui a été fait avec beaucoup de difficultés » a déclaré l’actrice iranienne Zar Amir Ebrahimi après avoir remporté le prix d’interprétation féminine pour son rôle dans le thriller d’Ali Abbasi « Les nuits de Mashhad ».
Après un parcours difficile fait d’« humiliations », l’Iranienne Zar Amir Ebrahimi a accédé à la récompense suprême pour une actrice à Cannes, grâce à son rôle de journaliste pugnace dans le thriller « Les nuits de Mashhad », sur un serial killer de prostitués.
« Ce film parle des femmes, de leur corps. C’est un film rempli de haine, de mains, de pieds, de seins, de sexes, tout ce qu’il est impossible de montrer en Iran », a-t-elle déclaré, en recevant son prix.
Dans « Les nuits de Mashhad », thriller à la sauce David Fincher au pays des mollahs, le réalisateur Ali Abbasi s’inspire d’un retentissant fait divers, il y a une vingtaine d’années en Iran : il retrace le parcours de l’assassin de 16 prostituées, qui lors de son procès a clamé avoir voulu nettoyer du vice les rues de Mashhad, l’une des principales villes saintes du chiisme.
Au cœur du film, Zar Amir Ebrahimi incarne la journaliste qui tente de percer le mystère de ces meurtres.
Zar Amir Ebrahimi a grandi à Téhéran où elle a suivi des cours d’art dramatique. Elle s’est produite au théâtre et a tenu des rôles importants dans des téléfilms et des séries. Puis, elle s’est fait remarquer grâce à des sitcoms comme « Help Me » (2004) et « Nargess » (2007). Sa carrière a été brutalement interrompue en 2006 à cause d’un scandale sexuel. Scandale qui l’a poussée à quitter son pays pour la France. « C’est une bonne histoire, mais qui a comporté des humiliations malgré mon amour pour le cinéma. Il y avait beaucoup de solitude, mais heureusement il y avait des films », a-t-elle déclaré en farsi, en revenant sur son parcours brisé, devant le public du Grand théâtre Lumière.
« Ils voulaient m’effacer de partout, du cinéma... Ils voulaient qu’on ne me voie plus nulle part. Mais je suis là. C’est là notre pouvoir, le pouvoir des femmes. Si on croit en soi, on peut y arriver », a-t-elle déclaré lors de sa conférence de presse. Et d’ajouter que l’Iran demeure « (s) on pays (...) Il y a seulement quelques personnes qui ont détruit ma vie ».
Lorsqu’elle arrive à Paris, elle ne parle pas un mot de français. Elle l’apprend toute seule et enchaîne les petits boulots. « Je ne connaissais rien au milieu du cinéma en France. Il n’y avait personne pour m’aider. J’ai mis deux, trois ans pour comprendre où j’étais », a-t-elle confié au journal Le Monde. Elle a remercié la France samedi soir, ce pays « exotique et paradoxal » qui « adore être malheureux ». Interrogée sur son exil, elle explique qu’il a aussi été « une renaissance ». Une « chance » de « vivre une nouvelle vie (...) je souhaite ça pour tous les exilés du monde ».
Dans « Les nuits de Mashhad », son personnage est aussi victime de discriminations sexistes.
« Je sais les difficultés que les femmes iraniennes rencontrent tous les jours », a-t-elle dit lors de la conférence de presse du film. « Plusieurs de mes amis journalistes et notamment des femmes ont quitté le pays juste après moi », dit celle qui a évoqué sur scène « sa sœur Golshifteh » Farahani, elle aussi Iranienne qui a quitté son pays et vit désormais en France.
Zar Amir Ebrahimi s’est produite au théâtre et a tenu des rôles dans des téléfilms et des séries. En Iran, les films dans lesquels elle joue ne sont pas projetés en raison de la censure gouvernementale.
Elle est connue pour avoir prêté sa voix au film d’animation « Téhéran Tabou » d’Ali Soozandeh (2017), présenté au Festival de Cannes. Elle a remporté le prix d’interprétation au festival du film de Nice avec « Bride Price vs Democracy ».
Elle a aussi joué dans « Demain nous serons libres » d’Hossein Pourseifi.
Song Kang-ho, le visage du cinéma coréen le Sud-coréen gagne le prix d’interprétation masculine.
Star du cinéma coréen, acteur fétiche de son compatriote Bong Joon-ho, Song Kang-Ho a accédé à la notoriété internationale grâce à « Parasite », Palme d’or 2019 et Oscar du meilleur film, où il incarnait un père de famille pauvre qui va faire imploser un foyer de riches Coréens.
À 55 ans, l’acteur a franchi une étape supplémentaire en recevant samedi le prix d’interprétation à Cannes pour son rôle dans le film « Les bonnes étoiles » du Japonais Kore-Eda. Visiblement ému, il a seulement remercié et salué toute sa famille, présente en partie dans la salle.
Dans le film, il joue un homme criblé de dettes qui découvre un bébé abandonné et se porte volontaire pour lui trouver une nouvelle famille, en échange d’argent. La vente du bébé va se transformer en voyage entre Busan et Séoul, dans un van décati. C’est son deuxième succès à Cannes, après la Palme d’Or décernée au film coréen « Parasite ». Devenu le visage le plus connu du cinéma sud-coréen, Song Kang-ho était aussi revenu à Cannes en juillet 2021, en tant que membre du jury présidé par Spike Lee.
C’est sa première collaboration avec Kore-eda, grand analyste de la famille et des liens entre parents et enfants. Dans « Les bonnes étoiles », il a imaginé des êtres se rencontrant fortuitement qui recréent une forme de famille, cette fois-ci autour d’un bébé abandonné dans une de ces boites où les mères peuvent laisser leur nouveau-né.
L’occasion de s’interroger sur les liens du sang, les séquelles de l’abandon, la douleur des séparations...
« Ce n’est pas l’histoire, le thème ou même le scénario des +Bonnes étoiles+ qui m’a motivé, mais le fait même de travailler avec lui (Kore-eda). J’aime beaucoup son cinéma, pour son humanité, et pour l’amour qu’il porte à ses personnages », a expliqué l’acteur dans une interview à Paris Match.
Début mai, Song Kang-ho avait raconté à Séoul qu’il s’attendait à une direction d’acteurs « méticuleuse et calculée » de Kore-eda. « Mais il nous a vraiment respectés et a fait ressortir nos émotions d’une manière qui soit vraiment libre, bienveillante et inépuisable ».
« Close » du Belge Lukas Dhont, Grand prix du jury, dévoile le talent du jeune Eden Dambrine, 15 ans…
Le talent n’attend pas les années : l’adolescent de 15 ans, Eden Dambrine, s’est acheté un ticket gagnant pour prix à Cannes dès son premier rôle, celui, déchirant, d’un garçon meurtri par une amitié perdue, dans « Close » du Belge Lukas Dhont.
Quatre ans après « Girl », drame sur une adolescente transsexuelle passionnée de danse, récompensé par la Caméra d’Or (meilleur premier film) sur la Croisette en 2018, le réalisateur Belge de 31 ans, le benjamin de la compétition, confirme son talent pour filmer cet âge de la vie, et la « violence d’être obligé de se conformer à la norme », avec ce drame (01H45), plein de poésie.
Tourné à hauteur d’enfants, le film, en lice pour la Palme d’Or, suit Léo (Eden Dambrine) et Rémi (Gustav de Waele), deux garçons de treize ans, amis à la vie à la mort. L’insouciance de leur enfance dans la campagne belge, rythmée par les récoltes de fleurs dans les champs à perte de vue qui entourent leurs maisons, va être percutée par l’entrée au collège.
Tout à coup, le regard de leurs congénères sur cette amitié trop fusionnelle, trop physique à leurs yeux, va s’immiscer : si Rémi ne change rien à son comportement, Léo va peu à peu s’éloigner, désireux de faire plus « garçon » pour mieux coller à la norme masculine dominante : hockey sur glace et burgers, plutôt que promenades champêtres et inventions d’histoires.
« Amis depuis toujours, Léo et Rémi sont trop close (proches) aux yeux des autres, ils vont beaucoup se faire juger, surtout quand Léo va vouloir être dans le groupe des garçons cool », résume Eden Dambrine.
La rencontre de ce frêle blondinet, fils d’agents immobiliers, avec le réalisateur Lukas Dhont ? « C’était un peu le destin, j’étais dans le train avec des amis quand tout à coup un homme m’a demandé “tu veux faire du cinéma ?” J’ai dit “oui”, et j’ai appelé ma maman ! », s’amuse celui qui était alors âgé de onze ans, dévoilant d’un sourire son appareil dentaire.
Avec AFP
La maîtresse de cérémonie Virginie Efira a donné le ton d’une cérémonie où l’humour a trouvé sa place entre les moments d’émotions. Le 75e Festival de Cannes tirant à sa fin, la comédienne a dit dans son discours qu’il faudrait maintenant « rendre les bijoux et les faux cils ». « Dès demain, les gens âgés à Cannes auront vraiment l’air de gens âgés », a-t-elle conclu, sous les rires du public, allusion au défilé d’acteurs ou actrices parfois sans âge sur le tapis rouge pendant la quinzaine.
« Je pensais que c’était mon jury, mais non, j’avais une voix, c’est ça la démocratie », a commencé Vincent Lindon, président français du jury, au moment de son discours inaugural de la cérémonie de clôture. Le comédien a ensuite filé la métaphore politique en soulignant avec humour qu’être « président, une seule fois, pendant dix jours », c’était trop court. Et de demander à Thierry Frémaux, directeur général du festival, à « l’unanimité du jury », que ce dernier soit reconduit. « Four more years! » (« Quatre ans de plus ! ») a-t-il scandé pour le renouvellement de sa présidence, sous les rires du public.
L’actrice française Carole Bouquet est intervenue sur scène pour remettre un prix spécial, celui de la 75e édition. Elle a profité de l’occasion pour réclamer un baiser du président Vincent Lindon, qui s’est levé et l’a embrassée sur la bouche. Comme un vrai baiser de cinéma. Après la remise du trophée à « Tori et Lokita » de Jean-Pierre et Luc Dardenne, Vincent Lindon a suggéré que Carole Bouquet reste sur scène pour le prix suivant. « Pour recevoir une autre bise ? » a demandé la maîtresse de cérémonie Virginie Efira. « Jalouse ! » a alors répondu Carole Bouquet en partant.
Le prix du jury attribué à « EO (Hi-Han) » de Jerzy Skolimowski (ex aequo avec « Les Huit Montagnes » de Charlotte Vandermeersch et Felix van Groeningen) a donné lieu au discours de remerciement le plus surréaliste. À l’image de ce film iconoclaste qui raconte l’errance d’un âne en proie à la folie des hommes, osant faire de l’animal le personnage principal d’un film. « Je veux remercier mes ânes... » a lancé en anglais le cinéaste polonais, qui a donc salué, en les nommant, les six animaux qui se sont relayés en fonction des scènes pour incarner le personnage principal.
En recevant leur prix de la 75e édition pour « Tori et Lokita », les frères Jean-Pierre et Luc Dardenne, déjà auréolés de deux Palmes d’or, ont fait honneur à leur réputation de cinéastes humanistes et engagés socialement. « Quand on préparait notre film en janvier 2020, il y a un boulanger de Besançon qui a fait une grève de la faim pendant 12 jours pour qu’on n’expulse pas de France son apprenti qui était africain de Guinée et ça c’était formidable et notre film nous le dédions à ce Monsieur, à Monsieur (Stéphane) Ravacley de Besançon ».
« Le cinéma est l’expression du réalisateur, le cinéma c’est le réalisateur (...) longue vie au réalisateur », a commencé, d’un ton lunaire, le cinéaste Nicolas Winding Refn (« Drive »), invité à remettre le Prix de la mise en scène, en lisant son discours écrit sur son téléphone. Le choix du jury, le Sud-Coréen Park Chan-wook, récompensé pour « Decision to leave », lui a plu. « C’est vraiment cool », a dit au micro Nicolas Winding Refn.
Le Suédois Ruben Östlund remporte samedi une deuxième Palme d’Or avec la comédie « Triangle of Sadness »
Satire jouissive des super-riches et du luxe, « Triangle of Sadness » est sans conteste le film le plus divertissant de la compétition.
Euphorique sur la scène du Grand théâtre Lumière, le Suédois à l’humour grinçant rejoint, à 48 ans, le club très fermé des doubles palmés, parmi lesquels les frères Dardenne et Ken Loach. « Tout le jury a été extrêmement choqué par ce film », a annoncé Vincent Lindon, le président du jury.
« Lorsque nous avons commencé ce film, nous n’avions qu’un but : essayer de faire un film qui intéresse le public et qui le fasse réfléchir avec provocation », a déclaré le Suédois, en recevant son prix.
« Triangle of Sadness » suit l’aventure de Yaya et Carl, un couple de mannequins et influenceurs en vacances sur une croisière de luxe. Un voyage qui tourne à la catastrophe.
Dans une sorte de « Titanic » inversé, où les plus faibles ne sont pas forcément les perdants, le film décortique les ressorts de classe de fond en comble : les riches contre les pauvres, mais aussi les hommes contre les femmes, et les Blancs contre les Noirs.
Le réalisateur livre une critique sans concession du capitalisme et de ses excès.
Élevé par une mère communiste, se définissant lui-même comme « socialiste », le Suédois n’a pas cédé à la facilité de « décrire les riches comme méchants », mais plutôt à « comprendre leurs comportements », dit-il.
Après « Play » (2011), « Snow therapy » (2014) et « The Square » (2017), Ruben Östlund continue de disséquer les conventions sociales, les petites lâchetés et les dilemmes moraux.
Dans « Triangle of Sadness », le casting est anglophone : Östlund a mélangé nouveaux venus (la mannequin sud-africaine Charlbi Dean, notamment) et acteurs confirmés, comme l’Américain Woody Harrelson. Ce dernier excelle comme capitaine en roue libre, laissant son bateau chavirer pendant qu’il boit.
L’Iranienne Zar Amir Ebrahimi remporte le prix d’interprétation féminine
« C’est le prix d’interprétation, mais je pense que c’est le prix d’un film qui a été fait avec beaucoup de difficultés » a déclaré l’actrice iranienne Zar Amir Ebrahimi après avoir remporté le prix d’interprétation féminine pour son rôle dans le thriller d’Ali Abbasi « Les nuits de Mashhad ».
Après un parcours difficile fait d’« humiliations », l’Iranienne Zar Amir Ebrahimi a accédé à la récompense suprême pour une actrice à Cannes, grâce à son rôle de journaliste pugnace dans le thriller « Les nuits de Mashhad », sur un serial killer de prostitués.
« Ce film parle des femmes, de leur corps. C’est un film rempli de haine, de mains, de pieds, de seins, de sexes, tout ce qu’il est impossible de montrer en Iran », a-t-elle déclaré, en recevant son prix.
Dans « Les nuits de Mashhad », thriller à la sauce David Fincher au pays des mollahs, le réalisateur Ali Abbasi s’inspire d’un retentissant fait divers, il y a une vingtaine d’années en Iran : il retrace le parcours de l’assassin de 16 prostituées, qui lors de son procès a clamé avoir voulu nettoyer du vice les rues de Mashhad, l’une des principales villes saintes du chiisme.
Au cœur du film, Zar Amir Ebrahimi incarne la journaliste qui tente de percer le mystère de ces meurtres.
Zar Amir Ebrahimi a grandi à Téhéran où elle a suivi des cours d’art dramatique. Elle s’est produite au théâtre et a tenu des rôles importants dans des téléfilms et des séries. Puis, elle s’est fait remarquer grâce à des sitcoms comme « Help Me » (2004) et « Nargess » (2007). Sa carrière a été brutalement interrompue en 2006 à cause d’un scandale sexuel. Scandale qui l’a poussée à quitter son pays pour la France. « C’est une bonne histoire, mais qui a comporté des humiliations malgré mon amour pour le cinéma. Il y avait beaucoup de solitude, mais heureusement il y avait des films », a-t-elle déclaré en farsi, en revenant sur son parcours brisé, devant le public du Grand théâtre Lumière.
« Ils voulaient m’effacer de partout, du cinéma... Ils voulaient qu’on ne me voie plus nulle part. Mais je suis là. C’est là notre pouvoir, le pouvoir des femmes. Si on croit en soi, on peut y arriver », a-t-elle déclaré lors de sa conférence de presse. Et d’ajouter que l’Iran demeure « (s) on pays (...) Il y a seulement quelques personnes qui ont détruit ma vie ».
Lorsqu’elle arrive à Paris, elle ne parle pas un mot de français. Elle l’apprend toute seule et enchaîne les petits boulots. « Je ne connaissais rien au milieu du cinéma en France. Il n’y avait personne pour m’aider. J’ai mis deux, trois ans pour comprendre où j’étais », a-t-elle confié au journal Le Monde. Elle a remercié la France samedi soir, ce pays « exotique et paradoxal » qui « adore être malheureux ». Interrogée sur son exil, elle explique qu’il a aussi été « une renaissance ». Une « chance » de « vivre une nouvelle vie (...) je souhaite ça pour tous les exilés du monde ».
Dans « Les nuits de Mashhad », son personnage est aussi victime de discriminations sexistes.
« Je sais les difficultés que les femmes iraniennes rencontrent tous les jours », a-t-elle dit lors de la conférence de presse du film. « Plusieurs de mes amis journalistes et notamment des femmes ont quitté le pays juste après moi », dit celle qui a évoqué sur scène « sa sœur Golshifteh » Farahani, elle aussi Iranienne qui a quitté son pays et vit désormais en France.
Zar Amir Ebrahimi s’est produite au théâtre et a tenu des rôles dans des téléfilms et des séries. En Iran, les films dans lesquels elle joue ne sont pas projetés en raison de la censure gouvernementale.
Elle est connue pour avoir prêté sa voix au film d’animation « Téhéran Tabou » d’Ali Soozandeh (2017), présenté au Festival de Cannes. Elle a remporté le prix d’interprétation au festival du film de Nice avec « Bride Price vs Democracy ».
Elle a aussi joué dans « Demain nous serons libres » d’Hossein Pourseifi.
Song Kang-ho, le visage du cinéma coréen le Sud-coréen gagne le prix d’interprétation masculine.
Star du cinéma coréen, acteur fétiche de son compatriote Bong Joon-ho, Song Kang-Ho a accédé à la notoriété internationale grâce à « Parasite », Palme d’or 2019 et Oscar du meilleur film, où il incarnait un père de famille pauvre qui va faire imploser un foyer de riches Coréens.
À 55 ans, l’acteur a franchi une étape supplémentaire en recevant samedi le prix d’interprétation à Cannes pour son rôle dans le film « Les bonnes étoiles » du Japonais Kore-Eda. Visiblement ému, il a seulement remercié et salué toute sa famille, présente en partie dans la salle.
Dans le film, il joue un homme criblé de dettes qui découvre un bébé abandonné et se porte volontaire pour lui trouver une nouvelle famille, en échange d’argent. La vente du bébé va se transformer en voyage entre Busan et Séoul, dans un van décati. C’est son deuxième succès à Cannes, après la Palme d’Or décernée au film coréen « Parasite ». Devenu le visage le plus connu du cinéma sud-coréen, Song Kang-ho était aussi revenu à Cannes en juillet 2021, en tant que membre du jury présidé par Spike Lee.
C’est sa première collaboration avec Kore-eda, grand analyste de la famille et des liens entre parents et enfants. Dans « Les bonnes étoiles », il a imaginé des êtres se rencontrant fortuitement qui recréent une forme de famille, cette fois-ci autour d’un bébé abandonné dans une de ces boites où les mères peuvent laisser leur nouveau-né.
L’occasion de s’interroger sur les liens du sang, les séquelles de l’abandon, la douleur des séparations...
« Ce n’est pas l’histoire, le thème ou même le scénario des +Bonnes étoiles+ qui m’a motivé, mais le fait même de travailler avec lui (Kore-eda). J’aime beaucoup son cinéma, pour son humanité, et pour l’amour qu’il porte à ses personnages », a expliqué l’acteur dans une interview à Paris Match.
Début mai, Song Kang-ho avait raconté à Séoul qu’il s’attendait à une direction d’acteurs « méticuleuse et calculée » de Kore-eda. « Mais il nous a vraiment respectés et a fait ressortir nos émotions d’une manière qui soit vraiment libre, bienveillante et inépuisable ».
« Close » du Belge Lukas Dhont, Grand prix du jury, dévoile le talent du jeune Eden Dambrine, 15 ans…
Le talent n’attend pas les années : l’adolescent de 15 ans, Eden Dambrine, s’est acheté un ticket gagnant pour prix à Cannes dès son premier rôle, celui, déchirant, d’un garçon meurtri par une amitié perdue, dans « Close » du Belge Lukas Dhont.
Quatre ans après « Girl », drame sur une adolescente transsexuelle passionnée de danse, récompensé par la Caméra d’Or (meilleur premier film) sur la Croisette en 2018, le réalisateur Belge de 31 ans, le benjamin de la compétition, confirme son talent pour filmer cet âge de la vie, et la « violence d’être obligé de se conformer à la norme », avec ce drame (01H45), plein de poésie.
Tourné à hauteur d’enfants, le film, en lice pour la Palme d’Or, suit Léo (Eden Dambrine) et Rémi (Gustav de Waele), deux garçons de treize ans, amis à la vie à la mort. L’insouciance de leur enfance dans la campagne belge, rythmée par les récoltes de fleurs dans les champs à perte de vue qui entourent leurs maisons, va être percutée par l’entrée au collège.
Tout à coup, le regard de leurs congénères sur cette amitié trop fusionnelle, trop physique à leurs yeux, va s’immiscer : si Rémi ne change rien à son comportement, Léo va peu à peu s’éloigner, désireux de faire plus « garçon » pour mieux coller à la norme masculine dominante : hockey sur glace et burgers, plutôt que promenades champêtres et inventions d’histoires.
« Amis depuis toujours, Léo et Rémi sont trop close (proches) aux yeux des autres, ils vont beaucoup se faire juger, surtout quand Léo va vouloir être dans le groupe des garçons cool », résume Eden Dambrine.
La rencontre de ce frêle blondinet, fils d’agents immobiliers, avec le réalisateur Lukas Dhont ? « C’était un peu le destin, j’étais dans le train avec des amis quand tout à coup un homme m’a demandé “tu veux faire du cinéma ?” J’ai dit “oui”, et j’ai appelé ma maman ! », s’amuse celui qui était alors âgé de onze ans, dévoilant d’un sourire son appareil dentaire.
Avec AFP
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