La journée sans tabac est célébrée chaque année le 31 mai. Si on en croit les chiffres, les fumeurs sont de moins en moins nombreux, mais le taux de mortalité est toujours aussi effrayant. Même si en 2022, on compte 20 millions de fumeurs en moins qu’en 2018, la cigarette tue toujours autant, selon l’Organisation mondiale de la santé.
«C’est facile d’arrêter de fumer, j’arrête 20 fois par jour», disait l’écrivain et poète Irlandais, Oscar Wilde. Nombreux sont ceux qui ont maintes fois essayé sans y arriver, jusqu’au jour où ils arrêtent pour de bon. «J’ai commencé à fumer à l’âge de 17 ans avec des amis. Je suis tombé amoureux de la cigarette. J'ai fumé deux paquets par jour pendant 25 ans», raconte Raphaël, 50 ans. «Durant toutes ces années, j’ai essayé d’arrêter à plusieurs reprises, dont une fois pendant un an, mais je retombais immanquablement dans ses filets», poursuit-il. Raphaël a cessé de fumer en 2010, du jour au lendemain, quand son fils lui a dit «si tu n’arrêtes pas de fumer, tu vas mourir papa». Cette phrase a eu un effet d’électrochoc pour lui. Il explique que le sevrage a été difficile au début, et qu’il a dû diminuer sa consommation d’alcool et de café car il n’arrivait plus à apprécier ces boissons sans la cigarette. «Pour moi, elle représentait le plaisir, mais aujourd’hui je suis bien plus heureux sans elle», affirme-t-il.
La loi sans tabac partiellement appliquée
La cigarette fait indéniablement partie du style de vie libanais. On la trouvait dans toutes les maisons libanaises. Qui se souvient de cette assiette pleine de paquets de cigarettes, posée sur la table du salon, qu’on présentait aux invités comme on offre du chocolat? «Allergique à la fumée de cigarette depuis mon plus jeune âge, ça me rendait folle que mes parents puissent en offrir à leurs invités», se rappelle Rania Baroud, coordinatrice de la campagne nationale pour l’application de la loi 174. Fervente opposante au tabac, Rania Baroud a mené un long combat pour appliquer la loi anti-tabac dans tous les lieux publics. Pour rappel, cette loi a été votée en 2011 et est entrée en vigueur en 2012. «Notre combat anti-tabac dans les lieux publics a commencé en 2005 et, depuis 2012, la loi est parfaitement appliquée dans les centres commerciaux et les universités, mais pas dans tous les restaurants», regrette-t-elle. Et pour cause: les lobbies de l’industrie du tabac et de la restauration sont très puissants au Liban. «L’industrie du tabac encourage les restaurants et les bars à passer outre la loi en leur promettant d’assumer le paiement des amendes», dit-elle.
En 2012, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Marwan Charbel, avait essayé d’imposer des licences pour qu’il y ait des zones fumeurs et non-fumeurs dans les restaurants, mais aussi pour qu’en période de fêtes, les gens puissent fumer à l’intérieur. «Aujourd’hui, nous veillons à ce que la loi soit appliquée, même si ce n’est que partiellement, et qu’aucun amendement ne puisse être fait», insiste Rania Baroud. «La cigarette tue, qu’on soit en période de fêtes ou pas, en zone fumeurs ou non. L’État a toujours essayé de contourner cette loi», s’insurge-t-elle.
Elle explique que la stratégie des industries du tabac est de faire croire aux gens que les cigarettes «light» et électronique sont moins nocives pour la santé. «Même si nous avons réussi à interdire les publicités des marques de cigarettes, la mafia du tabac a quand même réussi à introduire la cigarette électronique sur le marché. Elle est pourtant interdite par la loi au même titre que la cigarette et le narguilé». Dans un pays comme le Liban où la corruption est partout, le combat contre le tabagisme est permanent. «Il est très facile de soudoyer les forces de l’ordre au Liban, c’est pour cette raison qu’il faut toujours rester vigilant», se désole Rania Baroud.
Il n’est jamais trop tard pour arrêter
On entend toujours dire que fumer quelques cigarettes par jour n’est pas aussi nocif que respirer l’air pollué. «Cet argument n’est pas valable, on ne peut pas comparer la cigarette avec la pollution, affirme Mirna Waked, médecin pneumologue et professeure de médecine clinique. «L’air pollué se compte en mètre cube et il faut être très exposé, comme lors de l’explosion au port de Beyrouth, pour qu’il devienne nocif. Alors que la fumée de cigarette entre directement dans les poumons», souligne-t-elle.
Aujourd’hui, nous faisons face à différents types de tabac. «La cigarette électronique n’est pas dénuée de risques respiratoires», précise-t-elle. Elle met en garde contre ce nouveau danger qui constitue souvent pour les jeunes une entrée dans le tabagisme. «Nous n’avons pas encore assez de recul sur la cigarette électronique comme pour la cigarette. Mais ce qui est certain, c’est que les effets sont graves, on parle de toxicité pulmonaire et de dépendance», souligne la Dr Waked. Elle rappelle que le narguilé est également nocif pour la santé et le fait qu’il soit légalisé comme l’alcool le rend encore plus dangereux. «Il y a plusieurs dimensions de dépendance liées au narguilé, celle à la nicotine et celle relevant du comportement social. Le fumeur de narguilé est un fumeur social, alors que celui de cigarettes est solitaire. Voilà toute la différence», précise-t-elle.
Pour Mirna Waked, il est primordial d’éduquer les jeunes à travers des campagnes de sensibilisation dans les écoles, car les filles commencent dès l’âge de 15 ans et les garçons dès 13 ans, selon des études internationales et locales menées sur le tabagisme chez les adolescents. «Les médecins peuvent éveiller les jeunes fumeurs en leur adressant des messages adaptés à leur âge. Chaque profil est sensible à un message. Une jeune fille sera plus réceptive si on lui parle des conséquences du tabagisme sur sa peau, par exemple.» En revanche, elle explique que si quelqu’un n’est pas dans cette optique, rien ne pourra le faire arrêter de fumer.
Néanmoins, il n’est jamais trop tard pour arrêter de fumer et les conséquences sur la santé sont réversibles. «Au bout de 10 minutes d’arrêt, le rythme cardiaque commence déjà à baisser. Au bout d’une semaine, le sommeil s’améliore et la peau s’éclaircit. Au bout d’un an, les risques cardiaques diminuent de 50%, précise-t-elle. Chez un fumeur, le risque du cancer du poumon est plus relié à la durée du tabagisme qu’à la quantité fumée.» Le tabagisme touche tous les organes du corps et pas seulement les poumons. «Le tabac est la cause directe de nombreux types de cancer, dont celui de la vessie. Même si les cancers des poumons et du pancréas sont les plus agressifs, dit-elle. Je rappelle souvent à mes malades atteints d’un cancer que s’ils arrêtent de fumer, ils multiplient leurs chances de guérison par trois». On en parle moins, mais le tabac provoque également des maladies respiratoires chroniques tout aussi graves que le cancer. «Ces maladies engendrent une incapacité à respirer qui augmente avec le temps et le manque d’oxygène au quotidien devient insupportable», dit-elle.
«Ce qui est le plus malheureux dans tout ça, c’est qu’on soit obligé d’attendre le 31 mai pour en parler. La journée sans tabac devrait être célébrée tous les jours», se désole la Dr Waked.
«C’est facile d’arrêter de fumer, j’arrête 20 fois par jour», disait l’écrivain et poète Irlandais, Oscar Wilde. Nombreux sont ceux qui ont maintes fois essayé sans y arriver, jusqu’au jour où ils arrêtent pour de bon. «J’ai commencé à fumer à l’âge de 17 ans avec des amis. Je suis tombé amoureux de la cigarette. J'ai fumé deux paquets par jour pendant 25 ans», raconte Raphaël, 50 ans. «Durant toutes ces années, j’ai essayé d’arrêter à plusieurs reprises, dont une fois pendant un an, mais je retombais immanquablement dans ses filets», poursuit-il. Raphaël a cessé de fumer en 2010, du jour au lendemain, quand son fils lui a dit «si tu n’arrêtes pas de fumer, tu vas mourir papa». Cette phrase a eu un effet d’électrochoc pour lui. Il explique que le sevrage a été difficile au début, et qu’il a dû diminuer sa consommation d’alcool et de café car il n’arrivait plus à apprécier ces boissons sans la cigarette. «Pour moi, elle représentait le plaisir, mais aujourd’hui je suis bien plus heureux sans elle», affirme-t-il.
La loi sans tabac partiellement appliquée
La cigarette fait indéniablement partie du style de vie libanais. On la trouvait dans toutes les maisons libanaises. Qui se souvient de cette assiette pleine de paquets de cigarettes, posée sur la table du salon, qu’on présentait aux invités comme on offre du chocolat? «Allergique à la fumée de cigarette depuis mon plus jeune âge, ça me rendait folle que mes parents puissent en offrir à leurs invités», se rappelle Rania Baroud, coordinatrice de la campagne nationale pour l’application de la loi 174. Fervente opposante au tabac, Rania Baroud a mené un long combat pour appliquer la loi anti-tabac dans tous les lieux publics. Pour rappel, cette loi a été votée en 2011 et est entrée en vigueur en 2012. «Notre combat anti-tabac dans les lieux publics a commencé en 2005 et, depuis 2012, la loi est parfaitement appliquée dans les centres commerciaux et les universités, mais pas dans tous les restaurants», regrette-t-elle. Et pour cause: les lobbies de l’industrie du tabac et de la restauration sont très puissants au Liban. «L’industrie du tabac encourage les restaurants et les bars à passer outre la loi en leur promettant d’assumer le paiement des amendes», dit-elle.
En 2012, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Marwan Charbel, avait essayé d’imposer des licences pour qu’il y ait des zones fumeurs et non-fumeurs dans les restaurants, mais aussi pour qu’en période de fêtes, les gens puissent fumer à l’intérieur. «Aujourd’hui, nous veillons à ce que la loi soit appliquée, même si ce n’est que partiellement, et qu’aucun amendement ne puisse être fait», insiste Rania Baroud. «La cigarette tue, qu’on soit en période de fêtes ou pas, en zone fumeurs ou non. L’État a toujours essayé de contourner cette loi», s’insurge-t-elle.
Elle explique que la stratégie des industries du tabac est de faire croire aux gens que les cigarettes «light» et électronique sont moins nocives pour la santé. «Même si nous avons réussi à interdire les publicités des marques de cigarettes, la mafia du tabac a quand même réussi à introduire la cigarette électronique sur le marché. Elle est pourtant interdite par la loi au même titre que la cigarette et le narguilé». Dans un pays comme le Liban où la corruption est partout, le combat contre le tabagisme est permanent. «Il est très facile de soudoyer les forces de l’ordre au Liban, c’est pour cette raison qu’il faut toujours rester vigilant», se désole Rania Baroud.
Il n’est jamais trop tard pour arrêter
On entend toujours dire que fumer quelques cigarettes par jour n’est pas aussi nocif que respirer l’air pollué. «Cet argument n’est pas valable, on ne peut pas comparer la cigarette avec la pollution, affirme Mirna Waked, médecin pneumologue et professeure de médecine clinique. «L’air pollué se compte en mètre cube et il faut être très exposé, comme lors de l’explosion au port de Beyrouth, pour qu’il devienne nocif. Alors que la fumée de cigarette entre directement dans les poumons», souligne-t-elle.
Aujourd’hui, nous faisons face à différents types de tabac. «La cigarette électronique n’est pas dénuée de risques respiratoires», précise-t-elle. Elle met en garde contre ce nouveau danger qui constitue souvent pour les jeunes une entrée dans le tabagisme. «Nous n’avons pas encore assez de recul sur la cigarette électronique comme pour la cigarette. Mais ce qui est certain, c’est que les effets sont graves, on parle de toxicité pulmonaire et de dépendance», souligne la Dr Waked. Elle rappelle que le narguilé est également nocif pour la santé et le fait qu’il soit légalisé comme l’alcool le rend encore plus dangereux. «Il y a plusieurs dimensions de dépendance liées au narguilé, celle à la nicotine et celle relevant du comportement social. Le fumeur de narguilé est un fumeur social, alors que celui de cigarettes est solitaire. Voilà toute la différence», précise-t-elle.
Pour Mirna Waked, il est primordial d’éduquer les jeunes à travers des campagnes de sensibilisation dans les écoles, car les filles commencent dès l’âge de 15 ans et les garçons dès 13 ans, selon des études internationales et locales menées sur le tabagisme chez les adolescents. «Les médecins peuvent éveiller les jeunes fumeurs en leur adressant des messages adaptés à leur âge. Chaque profil est sensible à un message. Une jeune fille sera plus réceptive si on lui parle des conséquences du tabagisme sur sa peau, par exemple.» En revanche, elle explique que si quelqu’un n’est pas dans cette optique, rien ne pourra le faire arrêter de fumer.
Néanmoins, il n’est jamais trop tard pour arrêter de fumer et les conséquences sur la santé sont réversibles. «Au bout de 10 minutes d’arrêt, le rythme cardiaque commence déjà à baisser. Au bout d’une semaine, le sommeil s’améliore et la peau s’éclaircit. Au bout d’un an, les risques cardiaques diminuent de 50%, précise-t-elle. Chez un fumeur, le risque du cancer du poumon est plus relié à la durée du tabagisme qu’à la quantité fumée.» Le tabagisme touche tous les organes du corps et pas seulement les poumons. «Le tabac est la cause directe de nombreux types de cancer, dont celui de la vessie. Même si les cancers des poumons et du pancréas sont les plus agressifs, dit-elle. Je rappelle souvent à mes malades atteints d’un cancer que s’ils arrêtent de fumer, ils multiplient leurs chances de guérison par trois». On en parle moins, mais le tabac provoque également des maladies respiratoires chroniques tout aussi graves que le cancer. «Ces maladies engendrent une incapacité à respirer qui augmente avec le temps et le manque d’oxygène au quotidien devient insupportable», dit-elle.
«Ce qui est le plus malheureux dans tout ça, c’est qu’on soit obligé d’attendre le 31 mai pour en parler. La journée sans tabac devrait être célébrée tous les jours», se désole la Dr Waked.
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