Législatives: Duel serré Ben Cheikh/Moreno au Maghreb
Diplomate de carrière pendant seize ans, Karim Ben Cheikh, investi par «la Nouvelle union populaire écologique et sociale» menée par Jean-Luc Mélenchon, s’oppose à Elisabeth Moreno, l’ancienne ministre d’Emmanuel Macron dans la 9e circonscription des Français de l’étranger qui couvre seize pays du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Côte d’Ivoire, Niger, Cap Vert…).



C’est Elisabeth Moreno, ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes, à la Diversité et à l’Égalité des chances dans le gouvernement de Jean Castex, qui a été choisie à la dernière minute par le président français, Emmanuel Macron, pour représenter la coalition présidentielle récemment rebaptisée «Renaissance». Cette désignation intervient alors que les électeurs résidant à l’étranger sont appelés aux urnes dès le 27 mai s’ils souhaitent voter en ligne, soit environ deux semaines avant le reste de leurs compatriotes.

Ludovic Marin/AFP

Elisabeth Moreno, qui est née et a grandi au Cap Vert, n’avait pas d’ancrage fort ni au Maghreb, ni en Afrique de l’Ouest. Elle a essentiellement résidé loin de la France, à Johannesbourg. Ses activités professionnelles dans les nouvelles technologies l’avaient éloignée des entreprises françaises. Elle occupait des postes de direction dans des groupes américains, comme Dell et Hewlett Packard, et chinois, comme Lenovo.

Parachutée in extremis comme candidate dans la 9e circonscription, l’ancienne ministre n’a débuté que très tardivement sa campagne. Et c’est là qu’elle a commis une erreur stratégique en s’appuyant sur les réseaux du député sortant, M’jid el Guerrab, qui vient d’être condamné par la justice française à trois ans de prison, dont un ferme, pour violences.

Or dans un tweet malheureux, la candidate salue le bilan de son prédécesseur totalement discrédité, sans la moindre nuance et en faisant mine d’ignorer la décision de justice. La pêche aux voix, aussi habituelle soit-elle, suppose un peu de décence. D’autant plus qu’à l’occasion de cette affaire et malgré les liens qu’il se vantait d’avoir maintenu avec Emmanuel Macron, Guerrab avait été exclu du groupe parlementaire de «la République En Marche», le mouvement dont Madame Moreno porte désormais les couleurs.

Un parcours lisse 

Quintessence d’une «beurgeoisie» intégrée aux codes de la classe politique, Elisabeth Moreno présente une image sans aspérités. La candidate parachutée a fait l’essentiel d’une carrière honorable dans des groupes étrangers, avant d’intégrer comme sous-ministre le gouvernement Castex, recommandée par l’ambassadeur au Cap et proche d’Emmanuel Macron, Aurélien Lechevallier. Ce n’est clairement pas elle qui portera avec la vigueur nécessaire les revendications des Français de l’étranger, une communauté dont elle ignore tout et qui s’estime délaissée, et à juste titre!


En revanche, plusieurs candidats qui n’avaient pas démérité, briguaient l’investiture de la majorité présidentielle. Mehdi Reddad, référent «Horizon», le parti d’Édouard Philippe, au Maroc, ou Ahmed Eddarraz, réputé proche de Brigitte Macron, et qui a déclaré être le candidat «naturel» de la macronie. Les deux prétendants, qui se sont engagés dans une bataille de «légitimité», ont régulièrement mis en avant leur ancrage territorial au Maroc, où votent 30% des électeurs de la 9e circonscription, et mèneront tout de même chacun leur campagne.

Seul souci des partisans de la majorité présidentielle, le bilan de la politique d’Emmanuel Macron au Maghreb et et au Sahel est plus que mitigé. Pour ne prendre que l’exemple du Maroc, les relations entre Paris et Rabat ont connu, ces dernières années, un net refroidissement. Lors de l’élection présidentielle, la communauté française de la neuvième circonscription a voté en faveur de Jean-Luc Mélenchon. Même les Français du Maroc, pas franchement de gauche, ont choisi pour 40% d’entre eux le candidat des Insoumis

Le triple atout de Karim Ben Cheikh 



Politiquement, Karim Ben Cheikh, un diplomate français sans engagement partisan mais avec une certaine sympathie pour le socialiste Benoît Hamon, ex-candidat à la présidentielle française de 2017, s’est positionné, dès le mois de janvier et alors que la bataille faisait rage entre socialistes, écologistes et insoumis, comme le candidat d’une gauche enfin unie. On ne peut pas aujourd’hui lui reprocher son opportunisme!

En fonction au Maroc, au Liban comme consul général et aux Etats-Unis, où il était en charge des problèmes du Sahel, le candidat ne découvre pas les problématiques géopolitiques de sa circonscription.

Troisième atout, Karim Ben Cheikh aura été un témoin forcé de la dégradation des budgets au service des Français de l’étranger. À chacun des nombreux déplacements qu’il a effectués dans presque tous les pays de sa circonscription, il a instruit le procès de ces services publics démantelés tout au long des trente dernières années. «Il faut agir pour un renforcement des moyens humains et matériels, estime-t-il, afin que les staffs des représentations françaises dans cette zone puissent accomplir correctement leurs mission au profit des Français de l’étranger ».

Après tout, les Français de l’étranger sont aussi des Français qui ont des problèmes de pouvoir d’achat, de couverture santé, d’éducation pour leurs enfants et finalement de reconnaissance par un État trop lointain!

Mondafrique
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