Comment définir le soulèvement populaire du 17 octobre 2019 à la suite de l’imposition d’une taxe sur WhatsApp ?
On peut considérer la décision d’imposer une taxe sur les communications par WhatsApp comme le catalyseur d’une effervescence, dont l’origine remonte à un ensemble de germes qui fermentaient depuis quelques mois, sinon quelques années déjà.
Une bande d’autocrates s’est approprié l’État libanais, des hommes et des femmes aux paroles mensongères, creuses, démagogiques, enrobées de toutes sortes d’arguments cauteleux, le réduisant à un déchet, empuanti par l’odeur nauséabonde de la corruption et de la pourriture.
Un narcissisme démesuré est proposé comme un idéal référentiel aux générations. Un pouvoir hégémonique s’est installé, au mépris de toute personne qui n’accepte pas de servir de serpillière à celui qui se boursoufle dans sa toute-puissance.
La personne humaine a été chosifiée, réduite à un objet d’échange mercantile ; le droit, la justice et la loi sont prisonniers des serres de charognards assoiffés d’omnipotence.
L’arrogance et le cynisme avec lesquels a été prise la décision d’imposer la taxe, associés à la nauséeuse situation d’ensemble, ont suscité une réaction en chaîne qui, progressivement, a mobilisé des milliers de Libanais unis par le même dégoût d’une classe politique amorale et répugnante.
Quel a été, d’après vous, l’élément fédérateur sur le plan de l’inconscient collectif qui a permis cela ?
Une aspiration folle de délivrance a enflammé ces milliers de Libanais qui, du statut d’adolescents indécis sur leur identité, ont accédé à une nouvelle maturité et sont enfin entrés dans l’âge adulte, celui où l’on s’invente sa propre destinée, celui où l’on se dégage de la tutelle des aînés qui ne donnent que l’image de dégénérés.
Des milliers de cris désespérés se sont élevés, prononcés par des Libanais unis face à la morgue et au mépris d’une nuée de sauterelles voraces.
Cette parole a produit un effet libérateur, cathartique, bienfaisant, qui s’est traduit par la fraternisation entre ces Libanais que l’on poussait à s’entrehaïr. Une parole de révolte courageuse contre la soumission, une parole osant nommer les prévaricateurs, les mettant tous sans exception dans le même panier de crabes.
Comment expliquez-vous l’apathie, voire la soumission de la population libanaise, alors qu’elle se trouve dans une situation de détresse avancée sur tous les plans ?
Comme dans tout phénomène, les causes sont multiples. On peut citer, entre autres :
- L’échec d’un accord sur des objectifs communs qui auraient pu unifier les divers groupes à l’origine du soulèvement.
- La féroce et sanglante répression unissant des miliciens et des forces de l’État policier contre un mouvement diabolisé et désarmé.
- Un sentiment d’impuissance et un état de profonde dépression qui se sont emparés de la population, devant ce qu’elle perçoit comme une entreprise délibérée de paupérisation et d’asservissement.
- Le mensonge généralisé de cette médiocre classe politique qui cherche à dépouiller les sujets de leur sens critique, de leur faculté de réfléchir et de juger par eux-mêmes. H. Arendt écrit qu’avec un tel objectif, vous pouvez disposer selon votre bon plaisir d’un tel peuple.
Parmi d’autres causes que l’on pourrait encore avancer, il en est une qui m’apparaît décisive et qui est à l’œuvre depuis plusieurs années déjà, celle de la « pervertisation » de tout le système sur lequel le pays est fondé, qu’il soit de nature politique, juridique, économique ou socioculturelle.
C’est, en effet, la figure du pervers, caractérisée par la réflexion vers l’extérieur de la pulsion de mort, qui domine l’univers des divers pouvoirs au Liban. Cette pulsion de mort imprègne projectivement le psychisme des Libanais. Elle est le produit de la pulsion de destruction, de la pulsion d’emprise, de la volonté de puissance et de jouissance du mal fait à autrui qui définissent le pervers. Son but est d’éteindre la pulsion de vie qui anime le psychisme de chaque sujet. Si cette pulsion de mort atteint son but, ses conséquences ne pourront être que tragiquement délétères.
Seule une résistance acharnée du Libanais clairvoyant, dans son domaine propre, sera porteuse d’espoir. Alors, il pourra proclamer avec Arthur Rimbaud : « À l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes ».
On peut considérer la décision d’imposer une taxe sur les communications par WhatsApp comme le catalyseur d’une effervescence, dont l’origine remonte à un ensemble de germes qui fermentaient depuis quelques mois, sinon quelques années déjà.
Une bande d’autocrates s’est approprié l’État libanais, des hommes et des femmes aux paroles mensongères, creuses, démagogiques, enrobées de toutes sortes d’arguments cauteleux, le réduisant à un déchet, empuanti par l’odeur nauséabonde de la corruption et de la pourriture.
Un narcissisme démesuré est proposé comme un idéal référentiel aux générations. Un pouvoir hégémonique s’est installé, au mépris de toute personne qui n’accepte pas de servir de serpillière à celui qui se boursoufle dans sa toute-puissance.
La personne humaine a été chosifiée, réduite à un objet d’échange mercantile ; le droit, la justice et la loi sont prisonniers des serres de charognards assoiffés d’omnipotence.
L’arrogance et le cynisme avec lesquels a été prise la décision d’imposer la taxe, associés à la nauséeuse situation d’ensemble, ont suscité une réaction en chaîne qui, progressivement, a mobilisé des milliers de Libanais unis par le même dégoût d’une classe politique amorale et répugnante.
Quel a été, d’après vous, l’élément fédérateur sur le plan de l’inconscient collectif qui a permis cela ?
Une aspiration folle de délivrance a enflammé ces milliers de Libanais qui, du statut d’adolescents indécis sur leur identité, ont accédé à une nouvelle maturité et sont enfin entrés dans l’âge adulte, celui où l’on s’invente sa propre destinée, celui où l’on se dégage de la tutelle des aînés qui ne donnent que l’image de dégénérés.
Des milliers de cris désespérés se sont élevés, prononcés par des Libanais unis face à la morgue et au mépris d’une nuée de sauterelles voraces.
Cette parole a produit un effet libérateur, cathartique, bienfaisant, qui s’est traduit par la fraternisation entre ces Libanais que l’on poussait à s’entrehaïr. Une parole de révolte courageuse contre la soumission, une parole osant nommer les prévaricateurs, les mettant tous sans exception dans le même panier de crabes.
Comment expliquez-vous l’apathie, voire la soumission de la population libanaise, alors qu’elle se trouve dans une situation de détresse avancée sur tous les plans ?
Comme dans tout phénomène, les causes sont multiples. On peut citer, entre autres :
- L’échec d’un accord sur des objectifs communs qui auraient pu unifier les divers groupes à l’origine du soulèvement.
- La féroce et sanglante répression unissant des miliciens et des forces de l’État policier contre un mouvement diabolisé et désarmé.
- Un sentiment d’impuissance et un état de profonde dépression qui se sont emparés de la population, devant ce qu’elle perçoit comme une entreprise délibérée de paupérisation et d’asservissement.
- Le mensonge généralisé de cette médiocre classe politique qui cherche à dépouiller les sujets de leur sens critique, de leur faculté de réfléchir et de juger par eux-mêmes. H. Arendt écrit qu’avec un tel objectif, vous pouvez disposer selon votre bon plaisir d’un tel peuple.
Parmi d’autres causes que l’on pourrait encore avancer, il en est une qui m’apparaît décisive et qui est à l’œuvre depuis plusieurs années déjà, celle de la « pervertisation » de tout le système sur lequel le pays est fondé, qu’il soit de nature politique, juridique, économique ou socioculturelle.
C’est, en effet, la figure du pervers, caractérisée par la réflexion vers l’extérieur de la pulsion de mort, qui domine l’univers des divers pouvoirs au Liban. Cette pulsion de mort imprègne projectivement le psychisme des Libanais. Elle est le produit de la pulsion de destruction, de la pulsion d’emprise, de la volonté de puissance et de jouissance du mal fait à autrui qui définissent le pervers. Son but est d’éteindre la pulsion de vie qui anime le psychisme de chaque sujet. Si cette pulsion de mort atteint son but, ses conséquences ne pourront être que tragiquement délétères.
Seule une résistance acharnée du Libanais clairvoyant, dans son domaine propre, sera porteuse d’espoir. Alors, il pourra proclamer avec Arthur Rimbaud : « À l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes ».
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