Le processus de dépassement des violences reste tributaire au Liban de plusieurs considérations, comme l’injonction politique à l’oubli. L’un des moyens de l’accélérer serait de créer un contrepoids efficace à l’emprise du politique sur la mémoire de guerre.

Le Forum pour la mémoire et l’avenir (en anglais, Forum for Memory and Future, FMF) a vocation à inclure l’objectif de paix, donc de remémoration, dans les discours politiques.

Il s’agit d’une plateforme inclusive nationale de près de vingt ONG et associations, en plus d’individus impliqués dans au moins l’un des quatre aspects du traitement du passé de guerre au Liban: le droit à la vérité, le droit à la justice, le droit à la réparation et la garantie de non-répétition.

Lancée à la date emblématique du 17 octobre 2019, la plateforme porte aussi un nom symbolique qui s’inspire du premier colloque international sur la guerre, organisé en 2001, sous le titre «Mémoire et avenir». La coordinatrice du colloque, Amal Makarem, faisait alors le constat de blessures profondes, de violences refoulées et de résistances à la remémoration. Elle proposait ce faisant de créer un centre de la mémoire, qui réunirait différents acteurs dans un travail commun de réconciliation par le débat national, la justice et la transmission de la mémoire.

Vingt ans plus tard, le Forum pour la mémoire et l’avenir sert-il cet objectif? Peut-il abattre certaines résistances, remédier à des failles ou erreurs dans le traitement du passé? Et par quels moyens?


«Le Forum a pour objectif d’explorer les possibilités, d'élaborer des politiques et de proposer les meilleures pratiques liées au traitement du passé. C’est une plateforme qui ambitionne de faciliter le dialogue et la coopération de manière constructive entre les acteurs nationaux et internationaux impliqués dans les activités de consolidation de la paix et de justice transitionnelle. Ce faisant, le Forum contribue à établir un environnement favorable pour ses membres, leur permettant de mieux atteindre leurs objectifs», explique Jinane Doumit Nader, membre de la plateforme.

Les moyens dont celle-ci se dote sont nombreux: en «créant un lien» entre différents acteurs impliqués dans le processus, le travail sur le traitement du passé devient concomitant des réformes structurelles, comme la réforme pour l’indépendance de la magistrature, explique Georges Ghali, membre du comité exécutif d’Alef, qui fait partie du Forum pour la mémoire et l’avenir.

Cela devrait se traduire en forcing au niveau législatif pour une protection plus efficace des droits de l’homme, garante d’un dépassement des violences et d’une pacification des mémoires.

C’est à la faveur de ce double lien entre passé et avenir qu’un «débat national d’intérêt général» autour de la guerre pourrait s’élargir et gagner en efficacité.

Une stratégie nationale est proposée à cette fin, visant notamment à «gérer la base de données des parties prenantes, favoriser les relations publiques, surveiller les développements juridiques au niveau national, développer une stratégie de sensibilisation agressive pour éduquer le grand public et les décideurs politiques, et lancer des campagnes de plaidoyer à travers les médias», comme l’explique Jinane Doumit Nader.
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