Gaspard hérite d'un Barreau meurtri par la crise
Nader Gaspard, qui succède à Melhem Khalaf à la tête du Barreau de Beyrouth, peut se targuer d’une longue et riche expérience au cours de laquelle il a tissé de bonnes relations avec tout le monde.

Membre du conseil de l’ordre des avocats depuis 2006, il a été élu le dimanche 21 novembre nouveau bâtonnier avec 1888 voix. Parmi ses priorités : la mutuelle des avocats, l'amélioration de leurs conditions professionnelles et l’argent des déposants bloqué dans les banques depuis que la crise financière a quasiment paralysé le Liban.

Sa popularité auprès des avocats n’est plus à faire. Avocat depuis 1983, il est élu en 2010, puis de nouveau en 2013 et en 2019 au conseil de l’Ordre. C'est en tant que candidat indépendant qu'il décide, cette année, de s’engager dans la bataille électorale pour le poste de bâtonnier. Une indépendance confirmée par nombre de ses collègues dont Mes Georges Stephan et Marwan Zeineddine. Sa victoire, confient ainsi ses proches, il la doit à « son dur labeur et à sa proximité avec le terrain ». « Le bâtonnier Nader Gaspard a été élu parce qu’il est fortement apprécié par les avocats. Le jour des élections, une grande partie d’entre eux a lâché, le temps d’un scrutin, ses affiliations politiques pour voter en fonction des intérêts de la profession et du Barreau », soulignent encore Me Stephan et Zeineddine.

Contrairement à ce qui circule dans certains médias, les partis politiques n'ont aucunement soutenu, comme on le prétend, celui qui, au second tour, a remporté la victoire. Le candidat Kataëb, Alexandre Najjar, a été contraint, pour de mystérieuses raisons, de se retirer quelques minutes après le début du vote au second tour. Le Courant du Futur et le mouvement Amal ont annoncé à la fin du deuxième tour (alors que les résultats des élections commençaient à poindre à l'horizon), avoir apporté leur soutien au candidat gagnant.


Le programme de travail du nouveau bâtonnier est alourdi par des dossiers en suspens, ce qui est dû, en grande partie, à la crise économique et financière qui n’épargne pas les avocats. Au niveau de la profession, il confie à Ici Beyrouth qu’il entend traiter deux dossiers principaux au cours de son mandat:

- La caisse mutuelle : la crise qui affecte aussi bien les compagnies d’assurance que les hôpitaux et les assurés a eu pour résultat que les avocats peinent aujourd’hui à bénéficier des services de leur mutuelle en cas d’hospitalisation. « Les contrats seront, dans ce sens, revus. Il s’agit d’un chantier qui nécessitera beaucoup d’efforts », commente le nouveau bâtonnier. « Peut-être pourrions-nous recourir aux avocats libanais à l’étranger pour qu’ils paient leurs cotisations en devises étrangères. Un appel à donation sera également lancé pour soutenir le Barreau financièrement. Celui-ci, je le précise, n’est pas en déficit à l’heure actuelle mais risque de l’être si la crise persiste », déclare Nader Gaspard. Une conférence sur ce thème sera organisée dans les prochains jours au Barreau de Beyrouth.

- Une révision du barème des honoraires des avocats : normalement, c’est l’Ordre qui émet des recommandations générales quant à ces barèmes. Le montant annuel que perçoivent les avocats des sociétés de capitaux est fixé à un minimum de 9 millions de livres libanaises, ce qui pose problème aujourd’hui, en raison de la dévaluation de la monnaie nationale.

Un troisième dossier lui tient à cœur : celui de l’argent des déposants, bloqué dans les banques depuis le début de la crise, fin 2019, un comité d’experts financiers et d’avocats sera formé pour l’élaboration d’études à ce sujet afin que le barreau puisse représenter les déposants de façon juste et avancer sur ces questions auprès du Fonds monétaire international (FMI) et du gouvernement libanais, promet Nader Gaspard pour qui la priorité va aussi au suivi de l’enquête sur l’explosion du 4 août 2021 au port de Beyrouth. « Dans ce sens, l’indépendance de la magistrature pour laquelle nous luttons actuellement reste cruciale », a affirmé le bâtonnier, en estimant qu’en général, « cette notion devrait constituer pour tout magistrat un principe élémentaire dans l’exercice de la profession ». Pour lui, « les affiliations politiques ne peuvent que nuire au redressement de l’État ». Un clin d’œil à la controverse qui a suivi, notamment sur les réseaux sociaux, le soutien de dernière minute des partis à son élection.
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