Nouvelle mise en garde russe contre l'envoi d'armes occidentales
En Russie, on assiste à un regain du patriotisme parmi la population, au gré de l'invasion de l'Ukraine. À Volgograd, l'ancienne Stalingrad, débaptisée après la déstalinisation en 1956, des habitants portent l'uniforme de l'Armée Rouge de la Seconde Guerre mondiale et s'apprêtent à faire un tour de la ville à bord d'un véhicule militaire de l'époque. La lettre "Z", employée comme signe tactique par l'armée russe en Ukraine, est le nouveau signe de ralliement des nationalistes russes. (AFP)
La Russie furieuse suite à l'interdiction du vol de Lavrov

Moscou a fustigé lundi la fermeture "scandaleuse" et "hostile" par trois pays européens de leur espace aérien à l'avion qui devait emmener en Serbie le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, visé par des sanctions européennes en raison de l'offensive en Ukraine.

"L'inconcevable s'est produit", a déclaré M. Lavrov, lors d'une conférence de presse en ligne convoquée en urgence. "On a privé un Etat souverain de son droit d'exercer sa politique extérieure", a-t-il ajouté, dénonçant cette mesure "scandaleuse".

Faisant partie de la garde rapprochée de Poutine, Lavrov est un dinosaure de l'ère soviétique qui a fait sa formation selon le digne héritage de Gromyko et de Molotov.

La Bulgarie, la Macédoine du Nord et le Monténégro, tous trois membres de l'Otan, ont fermé leur espace aérien à l'avion de Sergueï Lavrov qui devait se rendre en Serbie pour une visite de deux jours, en invoquant des sanctions imposées par Bruxelles à la Russie après le déclenchement de son offensive en Ukraine le 24 février.

"De tels actes hostiles à l'égard de notre pays sont capables de causer certains problèmes (...), mais ils ne peuvent pas empêcher notre diplomatie de poursuivre son travail", a réagi pour sa part le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
"Compliquer davantage les liens entre les peuples"

Le chef de la diplomatie russe, qui était censé rencontrer à Belgrade le président serbe Aleksandar Vucic, son homologue Nikola Selakovic et le patriarche de l'Eglise orthodoxe serbe Porfirije, a été contraint d'annuler sa visite.

Lavrov a assuré que la Russie ne compte pas riposter: "On ne va pas faire quoi que ce soit qui risque de compliquer davantage les liens entre les peuples". En langage chiffré de la diplomatie russe, cela veut dire que Moscou s'est sentie humiliée. (AFP)

"Si une visite du ministre russe des Affaires étrangères est perçue en Occident comme une quasi-menace planétaire, cela veut apparemment dire que tout va très mal là-bas", a plaisanté M. Lavrov, lors de sa conférence de presse.  Il a ajouté avoir invité le chef de la diplomatie serbe Nikola Selakovic à se rendre en Russie "dans les plus brefs délais". "Personne ne pourra détruire nos relations avec la Serbie", a souligné M. Lavrov.

Le vice-président du Conseil de la Fédération, chambre haute du Parlement russe, Konstantin Kossatchev, a dénoncé lundi une "démarche de l'Otan" dirigée "contre la Russie en tant qu'Etat et la Serbie en tant qu'Etat" et réclamé une "réaction commune et extrêmement sévère" qui se traduirait "par des actions pratiques, concrètes".

Une partie du pont détruit qui relie les villes de Severodonetsk et Lyssytchansk, dans le Donbass. (AFP)

Pour sa part, Sergueï Lavrov a assuré que la Russie n'allait pas suivre l'exemple de ses "partenaires occidentaux". "En ce qui concerne d'éventuelles ripostes, on ne va pas faire quoi que ce soit qui risque de compliquer davantage les liens entre les peuples".
Mise en garde contre l'envoi d'armes à longue portée

Par ailleurs, Sergueï Lavrov a mis en garde lundi les pays occidentaux contre les livraisons à Kiev d'armes à longue portée, prévenant que plus les forces ukrainiennes recevront ces armes, plus loin la Russie les repoussera.

Dimanche, le président russe Vladimir Poutine a prévenu que Moscou frapperait de nouvelles cibles si les Occidentaux fournissaient des missiles à longue portée à l'Ukraine, jugeant que les livraisons d'armes actuelles visaient à "prolonger le conflit".

Un M270 MLRS de la Bundeswehr, l'armée allemande. Ce système, également américain, est une version antérieure au Himars. (Licence Commons)

Ces déclarations interviennent quelques jours après que les Etats-Unis ont annoncé leur décision de livrer à l'Ukraine des lance-roquettes multiples Himars (High Mobility Artillery Rocket System) d'une portée d'environ 80 km. Cela n'a pas empêché Londres d'annoncer lundi la livraison de lance-roquettes M270 MLRS d'une portée de 80 kilomètres, en complément des Himars.

Les experts militaires soulignent que cette portée est légèrement supérieure à celle des systèmes analogues russes, ce qui permettrait aux forces de Kiev de frapper l'artillerie adverse en restant hors d'atteinte.
75.000 euros aux familles de soldats russes morts en Ukraine ou en Syrie

Les familles de soldats de la Garde nationale russe morts en Ukraine ou en Syrie recevront une compensation de cinq millions de roubles (75.900 euros au taux actuel), aux termes d'un décret signé lundi par Vladimir Poutine.

Des soldats russes en Syrie (Licence Commons)

En avril, un décret similaire avait déjà été signé par le président russe à destination des garde-frontières en poste aux abords du territoire ukrainien, ainsi que des "volontaires" morts dans le cadre de l'offensive russe en Ukraine.

Les responsables russes sont restés très discrets sur le nombre des morts au sein de la Garde nationale en Ukraine ou en Syrie. Fin mars, le ministère de la Défense avait annoncé que 1.351 soldats avaient été tués sur le sol ukrainien, les experts et les responsables occidentaux estimant que leur nombre réel est beaucoup plus élevé.
La bataille se poursuit à Severodonetsk

La bataille faisait toujours rage lundi à Severodonetsk, une ville-clé de l'est de l'Ukraine soumise à un intense feu russe où le président ukrainien reconnaît une situation "difficile", tandis que Moscou a de nouveau mis en garde les Occidentaux en cas de livraisons d'armes de longue portée.

Les forces ukrainiennes "tiennent bon" à Severodonetsk, mais les Russes y sont "plus nombreux et plus puissants", si bien que la situation est "difficile" sur le front oriental, a déclaré Volodymyr Zelensky devant des journalistes à Kiev.



"Les principaux efforts de l'ennemi se concentrent" sur une tentative de totalement s'emparer de ce centre industriel et de "bloquer" les troupes ukrainiennes dans la région voisine de Lyssytchansk, a fait savoir dans la soirée l'armée ukrainienne.

"Nos soldats gardent le contrôle de Severodonetsk, les combats se poursuivent dans sa partie orientale", a-t-elle ajouté dans son communiqué.

Le gouverneur régional Serguiï Gaïdaï avait plus tôt souligné que la situation s'était "aggravée" pour les Ukrainiens, malgré une contre-attaque qui a permis de reprendre la moitié de cette cité.

Des soldats ukrainiens dans un lieu non identifié au Donbass

Son maire, Oleksandre Striouk, a pour sa part raconté à l'agence de presse UNIAN que "la situation changeait toutes les heures" et que d'"intenses combats de rue" étaient en cours, ainsi qu'un "duel d'artillerie".

Selon M. Gaïdaï, les bombardements se sont encore intensifiés sur Severodonetsk et Lyssytchansk , une localité située sur "les hauteurs" et stratégique pour "tenir la ligne de défense".

Les Russes "détruisent tout avec leur tactique habituelle de terre brûlée" pour qu'il "ne reste plus rien à défendre", a accusé le gouverneur.


Severodonetsk est la plus grande agglomération encore aux mains des Ukrainiens dans la région de Lougansk, où les soldats russes ont avancé ces dernières semaines.

Des soldats ukrainiens dans un lieu non identifié au Donbass

Pour la Russie, mettre la main sur cette ville serait déterminant en vue d'une conquête de l'intégralité du vaste bassin houiller du Donbass, déjà en partie tenu par des séparatistes prorusses depuis 2014.

Ses forces armées ont poursuivi ces dernières 24 heures leur offensive sur d'autres fronts dans l'est de l'Ukraine, où "sept attaques (...) ont été repoussées" dans les régions de Donetsk et de Lougansk, selon les autorités ukrainiennes.

La veille, le président Zelensky avait rendu visite aux unités ukrainiennes déployées près de Bakhmout (région de Donetsk) et de Lyssytchansk (celle de Lougansk).

Le président Zelensky lors de sa visite près du front du Donbass lundi. (AFP)

Il était aussi allé à Zaporijjia, dans le sud, à la rencontre d'habitants de Marioupol ayant réussi à fuir ce port stratégique pris par les Russes.
Offensive ukrainienne en mer Noire

En mer Noire, l'armée ukrainienne a assuré lundi avoir largement fait reculer la flotte russe, une information invérifiable de source indépendante.  "À la suite de nos actions destinées à défaire les forces navales ennemies, le groupe de navires de la flotte russe de la mer Noire a été repoussé des côtes ukrainiennes à une distance de plus de cent kilomètres", a affirmé le ministère ukrainien de la Défense.

Selon lui, les troupes russes ont été en conséquence contraintes de déployer des systèmes de défense côtière en Crimée et dans la région méridionale ukrainienne de Kherson, qu'elles occupent.



"Nous avons privé la flotte russe du contrôle total de la partie nord-ouest de la mer Noire, qui est devenue une "zone grise"", a encore dit le ministère, ajoutant que Moscou tentait actuellement d'y reprendre le dessus.

Les Russes maintiennent néanmoins leur blocus naval des ports ukrainiens, selon la même source, empêchant les exportations de céréales et faisant craindre des crises alimentaires dans les pays, notamment d'Afrique, qui en dépendent.
Blinken confirme les informations sur le trafic de céréales

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a jugé lundi "crédibles" les informations selon lesquelles la Russie "vole" les exportations de céréales ukrainiennes, "pour les vendre à son propre profit".

"Tout cela est délibéré", a-t-il dit lors d'une conférence virtuelle sur l'insécurité alimentaire, accusant le président russe Vladimir Poutine de faire du "chantage" pour obtenir une levée des sanctions internationales contre l'invasion de l'Ukraine.



Le conflit oppose deux superpuissances céréalières, la Russie et l'Ukraine assurant 30% des exportations mondiales de blé, et il a provoqué une flambée des prix.

La quantité des céréales destinées à l'exportation et bloquées en Ukraine pourrait tripler d'"ici à l'automne" pour atteindre 75 millions de tonnes, a alerté lundi Volodymyr Zelensky.

"Nous avons besoin de couloirs maritimes et nous en discutons avec la Turquie et le Royaume-Uni" ainsi qu'avec l'ONU, a poursuivi le président ukrainien. Kiev évoque aussi ce sujet avec la Pologne et les Etats Baltes pour exporter de petits volumes par le rail.



 

Dans le même temps, le ministère américain de la Justice a ordonné la saisie de deux avions appartenant à l'oligarque russe Roman Abramovitch, les soupçonnant d'avoir été utilisés en violation des sanctions prises contre son pays.

La diplomatie russe a de son côté allongé lundi sa liste de citoyens américains interdits d'entrée en Russie, pour notamment y inclure la secrétaire au Trésor Janet Yellen, en représailles à des mesures similaires prises par Washington.
USA et UE condamnent les violences sexuelles en Ukraine

Les Etats-Unis et l'Europe ont réclamé lundi à la Russie d'arrêter les violences sexuelles présumées commises par son armée et ses supplétifs en Ukraine, Moscou dénonçant des accusations sans fondement, lors d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU organisée par l'Albanie. "La Russie doit prendre des mesures au sein de son armée et de ses supplétifs pour qu'ils respectent" la résolution 1820 de l'ONU sur les violences sexuelles, adoptée en 2008, qui interdit d'en faire une arme de guerre, a déclaré l'ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield.

La réunion du Conseil de sécurité lundi

 

"Il incombe à la Russie d'arrêter les viols, les violences et les atrocités commises par ses soldats. Il incombe à la Russie de mettre un terme à cette guerre atroce non provoquée contre le peuple ukrainien", a-t-elle insisté.

Au préalable, le diplomate russe avait démenti les exactions sexuelles dont sont accusées les forces armées russes, parlant de "mensonges". L'ambassadeur ukrainien à l'ONU, Sergiy Kyslytsya, a aussi accusé l'armée russe de violences sexuelles dans son pays, évoquant une volonté de Moscou d'en faire disparaître les traces. Il a réclamé de trouver une solution à "l'occupation par la Russie du siège permanent soviétique" au Conseil de sécurité. "Le plus tôt sera le mieux" et "nous avons besoin d'un Conseil crédible", a-t-il plaidé.

Plusieurs manifestations internationales ont dénoncé les exactions sexuelles commises par les troupes russes en Ukraine

Plusieurs autres membres du Conseil ont aussi dénoncé le recours aux violences sexuelles qui peuvent constituer des crimes de guerre au regard du droit international. La Chine a réclamé que toute allégation fasse l'objet d'une enquête basée sur les faits.

En relevant que "les femmes constituent la plupart des victimes présumées", Pramila Patten, représentante spéciale auprès du Conseil de sécurité pour les violences sexuelles dans les conflits, a demandé "de veiller à ce que les amnisties pour les crimes de violence sexuelle soient explicitement interdites" de tout accord de paix éventuel et futur.

Avec AFP
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