©Un piéton passe devant une peinture murale vandalisée représentant le président Vladimir Poutine à Belgrade le 2 juin 2022. La Serbie a annoncé un nouvel accord gazier qui pourrait accentuer sa dépendance politique vis-à-vis de Moscou. (AFP)
Connue pour sa politique étrangère ambivalente, hésitant entre sa proximité économique avec l'Union européenne et ses affinités politiques avec la Russie, la Serbie n'accueillera pas le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. La Macédoine du Nord, le Monténégro et la Bulgarie, tous membres de l'OTAN, ont, en effet, fermé leur espace aérien à l'avion du ministre, contraint d'annuler sa visite. Une issue confortable pour Belgrade, qui évite l'embarras qu'aurait suscité l'accueil d'un officiel du Kremlin, alors que le pays figure sur la liste d'attente des candidats à l'adhésion à l'UE.
Les voitures passent devant un panneau d'affichage représentant les drapeaux russe et serbe avec l'écriture cyrillique "Ensemble !" à Belgrade le 2 juin 2022. Le pays a obtenu un contrat "très favorable" avec la Russie pour l'approvisionnement en gaz. (AFP)
La Serbie a-t-elle poussé un soupir de soulagement après l'annulation forcée de la visite du patron de la diplomatie russe ? C'est ce que pensent de nombreux analystes qui y ont vu un moyen "élégant" pour Belgrade de se sortir d'une situation délicate.
Le petit pays des Balkans chemine sur une ligne de crête entre Est et Ouest particulièrement étroite depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie fin février. Le pays candidat à l'Union européenne a condamné la guerre à l'ONU, mais refuse de s'aligner sur les sanctions contre Moscou.
Le président serbe Aleksandar Vucic s'est félicité pour la prolongation récente pour trois ans d'un accord sur la livraison de gaz russe à prix d'ami. Dans la foulée, le Kremlin annonçait la venue à Belgrade de Sergueï Lavrov lundi et mardi.
Mais le voyage a tourné court quand des voisins de la Serbie, Macédoine du Nord, Monténégro et Bulgarie, tous membres de l'Otan, ont interdit leur espace aérien à l'avion du ministre. Le chef de l'État serbe a aussitôt dénoncé une "tentative pour bannir la discussion", expliquant avoir été harcelé par des demandes "innombrables" pour annuler la venue de ce fidèle du président russe Vladimir Poutine.
"Je n'ai jamais vu une telle hystérie et de telles attaques coordonnées contre un petit pays comme la Serbie depuis très longtemps", a-t-il lancé. "Nous n'acceptons pas de faire partie de la meute, et ça fait mal à la tête à certains".
Mais pour des analystes, c'est du gagnant-gagnant pour un pays coutumier de jouer sur tous les tableaux. Belgrade pouvait se présenter au Kremlin comme non responsable d'un événement qui a rendu la Russie furieuse tout en évitant l'ire de l'UE.
Une échappée élégante de la polarisation régionale
Proche du Kremlin, la Serbie a accueilli à plusieurs reprises le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dans le passé. (AFP)
"C'est une manière élégante pour les autorités serbes de se sortir d'une situation embarrassante", explique Nenad Sebek, analyste en politique étrangère. "La seule façon pour Lavrov de venir aurait été de passer par un gazoduc", a-t-il ironisé. Selon les spécialistes, Bruxelles risquait de s'offusquer de la visite du chef de la diplomatie russe.
La presse serbe avait spéculé sur une possible annulation de la venue prévue vendredi à Belgrade du chancelier allemand Olaf Scholz, ce qui aurait constitué une "tragédie" selon Aleksandar Vucic.
Le diplomate russe avait déjà dû annuler un voyage en Suisse fin février après la fermeture de l'espace aérien de l'UE aux appareils russes. Il est hautement improbable que Moscou croyait pouvoir traverser cette fois-ci le ciel européen, juge Srecko Djukic, ancien ambassadeur de Serbie au Belarus.
"Le message politique essentiel de cette visite aurait été de violer les sanctions de l'UE et les présenter comme sans conséquence", explique-t-il à l'AFP.
La Serbie a, elle, participé à l'affaire en "acceptant ou en initiant la visite de Lavrov", poursuit le diplomate, qui juge qu'un tel double jeu par temps d'orage constitue "l'opposé d'une politique étrangère". La Russie et la Serbie entretiennent de longue date des liens fraternels fondés sur leur héritage slave et orthodoxe.
Une position ambivalente, entre les deux blocs
Le chef de l'État serbe a dénoncé une "tentative pour bannir la discussion", expliquant avoir été harcelé par des demandes "innombrables" pour annuler la venue du ministre russe Sergueï Lavrov. (AFP)
Belgrade sait gré à Moscou de refuser de reconnaître l'indépendance déclarée en 2008 par le Kosovo, son ancienne province. Les médias pro-gouvernementaux serbes présentent Vladimir Poutine comme le chef d'État idéal.
De nombreux Serbes partagent la haine de Moscou pour l'Otan, car ils se souviennent bien des bombardements de l'Alliance sur Belgrade en 1999 pour mettre fin à la guerre du Kosovo. Une base qu'Aleksandar Vucic ne peut fâcher.
Selon un sondage récent, 40% des Serbes seraient "heureux" que Belgrade renonce à l'Europe pour former une alliance avec la Russie. Selon la même enquête, près des trois quarts des Serbes pensent que la Russie a été forcée d'intervenir en Ukraine par l'expansion de l'Otan.
Des millions de personnes dans le monde ont manifesté leur solidarité envers l'Ukraine, mais en Serbie, des foules immenses ont soutenu le Kremlin, arborant des T-shirts siglés "Z" devenu le symbole de l'invasion russe.
Mais la Serbie reste très dépendante de l'UE, de loin son plus gros partenaire commercial. Selon les autorités serbes, les échanges entre le bloc et le pays de sept millions d'habitants ont dépassé les 30 milliards d'euros en 2021, soit près de 14 fois les échanges avec la Russie.
En pleine controverse sur la visite russe, Aleksandar Vucic n'a pas fait mystère de l'ambivalence de Belgrade. "La Serbie doit se dépêcher sur sa voie européenne, même si cela paraît contradictoire, car c'est mieux pour la Serbie", a-t-il dit. "Est-ce que c'est une jolie image à avoir dans la tête ? Pas forcément, mais c'est mieux pour nos enfants".
Avec AFP
Les voitures passent devant un panneau d'affichage représentant les drapeaux russe et serbe avec l'écriture cyrillique "Ensemble !" à Belgrade le 2 juin 2022. Le pays a obtenu un contrat "très favorable" avec la Russie pour l'approvisionnement en gaz. (AFP)
La Serbie a-t-elle poussé un soupir de soulagement après l'annulation forcée de la visite du patron de la diplomatie russe ? C'est ce que pensent de nombreux analystes qui y ont vu un moyen "élégant" pour Belgrade de se sortir d'une situation délicate.
Le petit pays des Balkans chemine sur une ligne de crête entre Est et Ouest particulièrement étroite depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie fin février. Le pays candidat à l'Union européenne a condamné la guerre à l'ONU, mais refuse de s'aligner sur les sanctions contre Moscou.
Le président serbe Aleksandar Vucic s'est félicité pour la prolongation récente pour trois ans d'un accord sur la livraison de gaz russe à prix d'ami. Dans la foulée, le Kremlin annonçait la venue à Belgrade de Sergueï Lavrov lundi et mardi.
Mais le voyage a tourné court quand des voisins de la Serbie, Macédoine du Nord, Monténégro et Bulgarie, tous membres de l'Otan, ont interdit leur espace aérien à l'avion du ministre. Le chef de l'État serbe a aussitôt dénoncé une "tentative pour bannir la discussion", expliquant avoir été harcelé par des demandes "innombrables" pour annuler la venue de ce fidèle du président russe Vladimir Poutine.
"Je n'ai jamais vu une telle hystérie et de telles attaques coordonnées contre un petit pays comme la Serbie depuis très longtemps", a-t-il lancé. "Nous n'acceptons pas de faire partie de la meute, et ça fait mal à la tête à certains".
Mais pour des analystes, c'est du gagnant-gagnant pour un pays coutumier de jouer sur tous les tableaux. Belgrade pouvait se présenter au Kremlin comme non responsable d'un événement qui a rendu la Russie furieuse tout en évitant l'ire de l'UE.
Une échappée élégante de la polarisation régionale
Proche du Kremlin, la Serbie a accueilli à plusieurs reprises le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dans le passé. (AFP)
"C'est une manière élégante pour les autorités serbes de se sortir d'une situation embarrassante", explique Nenad Sebek, analyste en politique étrangère. "La seule façon pour Lavrov de venir aurait été de passer par un gazoduc", a-t-il ironisé. Selon les spécialistes, Bruxelles risquait de s'offusquer de la visite du chef de la diplomatie russe.
La presse serbe avait spéculé sur une possible annulation de la venue prévue vendredi à Belgrade du chancelier allemand Olaf Scholz, ce qui aurait constitué une "tragédie" selon Aleksandar Vucic.
Le diplomate russe avait déjà dû annuler un voyage en Suisse fin février après la fermeture de l'espace aérien de l'UE aux appareils russes. Il est hautement improbable que Moscou croyait pouvoir traverser cette fois-ci le ciel européen, juge Srecko Djukic, ancien ambassadeur de Serbie au Belarus.
"Le message politique essentiel de cette visite aurait été de violer les sanctions de l'UE et les présenter comme sans conséquence", explique-t-il à l'AFP.
La Serbie a, elle, participé à l'affaire en "acceptant ou en initiant la visite de Lavrov", poursuit le diplomate, qui juge qu'un tel double jeu par temps d'orage constitue "l'opposé d'une politique étrangère". La Russie et la Serbie entretiennent de longue date des liens fraternels fondés sur leur héritage slave et orthodoxe.
Une position ambivalente, entre les deux blocs
Le chef de l'État serbe a dénoncé une "tentative pour bannir la discussion", expliquant avoir été harcelé par des demandes "innombrables" pour annuler la venue du ministre russe Sergueï Lavrov. (AFP)
Belgrade sait gré à Moscou de refuser de reconnaître l'indépendance déclarée en 2008 par le Kosovo, son ancienne province. Les médias pro-gouvernementaux serbes présentent Vladimir Poutine comme le chef d'État idéal.
De nombreux Serbes partagent la haine de Moscou pour l'Otan, car ils se souviennent bien des bombardements de l'Alliance sur Belgrade en 1999 pour mettre fin à la guerre du Kosovo. Une base qu'Aleksandar Vucic ne peut fâcher.
Selon un sondage récent, 40% des Serbes seraient "heureux" que Belgrade renonce à l'Europe pour former une alliance avec la Russie. Selon la même enquête, près des trois quarts des Serbes pensent que la Russie a été forcée d'intervenir en Ukraine par l'expansion de l'Otan.
Des millions de personnes dans le monde ont manifesté leur solidarité envers l'Ukraine, mais en Serbie, des foules immenses ont soutenu le Kremlin, arborant des T-shirts siglés "Z" devenu le symbole de l'invasion russe.
Mais la Serbie reste très dépendante de l'UE, de loin son plus gros partenaire commercial. Selon les autorités serbes, les échanges entre le bloc et le pays de sept millions d'habitants ont dépassé les 30 milliards d'euros en 2021, soit près de 14 fois les échanges avec la Russie.
En pleine controverse sur la visite russe, Aleksandar Vucic n'a pas fait mystère de l'ambivalence de Belgrade. "La Serbie doit se dépêcher sur sa voie européenne, même si cela paraît contradictoire, car c'est mieux pour la Serbie", a-t-il dit. "Est-ce que c'est une jolie image à avoir dans la tête ? Pas forcément, mais c'est mieux pour nos enfants".
Avec AFP
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