Le « grand-père » de l’art urbain, Jacques Villeglé est décédé
Jacques Villeglé, considéré par les street-artistes contemporains comme le « grand-père » de l’art urbain à travers notamment son travail sur les affiches lacérées, est décédé à l’âge de 96 ans.

Crédit photo: Patrick Kovarik/AFP

« C’est avec une grande tristesse que nous apprenons la disparition de l’artiste Jacques Villeglé, à l’âge de 96 ans », a annoncé le Centre Pompidou, qui lui a consacré en 2008 une grande rétrospective, saluant « la mémoire d’un grand artiste, flâneur et collecteur d’affiches dont le travail singulier a marqué la seconde moitié du 20e siècle ». Membre fondateur du groupe des Nouveaux Réalistes en 1960, avec Arman et Yves Klein notamment, Jacques Villeglé, de son vrai nom Jacques Mahé de la Villeglé, est né le 27 mars 1926 à Quimper et a étudié aux Beaux-Arts de Rennes puis de Nantes.

C’est avec son ami le plasticien photographe Raymond Hains, mort en 2005, qu’il décolle sa première affiche, en 1949, à Paris. L’artiste a poursuivi son œuvre à base d’affiches lacérées jusqu’en 2003. Il a aussi créé dans les années 70 des « graphismes sociopolitiques », écriture anonyme collée sur les murs du métro, rêvant de créer un alphabet qu’il mettait en valeur par la typographie.

« Artiste honoré par tous les grands musées, ses œuvres font partie de notre imaginaire collectif et ont contribué à changer notre regard sur l’urbain, comme une invitation à se réapproprier la ville, à la contempler, mais aussi à la réinterroger, à la remettre en question, à la bousculer », a rendu hommage la maire de Rennes, Nathalie Appéré.

La ville de Saint-Malo travaillait « depuis des mois » en collaboration avec Jacques Villeglé « lui-même et ses filles » pour lui dédier une exposition estivale, a-t-elle indiqué dans un communiqué.
« Le 9 juillet prochain, c’est empreints d’émotions que nous lèverons le voile sur le travail de ce formidable créateur, fondateur du street-art », a encore annoncé le maire de la ville bretonne, Gilles Lurton.

Jacques Villeglé a fait entrer la rue au musée

Jacques Villeglé a toute sa vie arracher des murs les affiches déjà lacérées par des mains anonymes ou abîmées par les intempéries, pour composer d’immenses tableaux colorés. L’artiste français disait vouloir faire « entrer la rue dans les musées ». Cette œuvre inédite et joyeuse de toute une vie avait été consacrée en 2008 par une grande rétrospective au Centre Pompidou, qui a annoncé son décès mardi.


Membre fondateur du groupe des Nouveaux Réalistes en 1960, avec Arman et Yves Klein notamment, Jacques Villeglé, de son vrai nom Jacques Mahé de la Villeglé, est né le 27 mars 1926 à Quimper et a étudié aux Beaux-Arts de Rennes puis de Nantes. « Les affiches m’ont tout de suite intéressé. J’ai compris qu’avec elles, on verrait l’évolution du monde, les mots changer, de nouvelles couleurs », avait-il expliqué à l’occasion de sa rétrospective parisienne. Parmi les Nouveaux Réalistes, le plasticien suisse Jean Tinguely fait à l’époque une « machine à peindre » avec des matériaux de récupération, Yves Klein lance « la révolution bleue » en plaçant de la poudre bleue - « la moins chère », dira Villeglé - sur des toiles.

Des affiches lacérées ambitieuses

« L’affiche « Carrefour Sèvres Montparnasse » (réalisée pour la Biennale de Paris en 1961 et considérée comme la plus ambitieuse de ses affiches lacérées), je l’ai ramassée par terre », racontait-il en 2008. « Avec un ami, on a pris trois taxis pour l’amener directement sur le lieu d’exposition. Dans les années 1960, on disait qu’il fallait amener le musée dans la rue. Moi, je disais que c’est la rue qui doit entrer dans les musées, qui sont un peu des cimetières. En Amérique, je suis considéré comme un précurseur du pop art avec Jasper Johns. Je suis sûr que c’est à cause de cette affiche-là », poursuivait-il.

C’est avec son ami le plasticien photographe Raymond Hains, mort en 2005, qu’il décolle sa première affiche, en 1949 à Paris. Très attiré d’abord par les jeux de lettres, qui lui rappellent le cubisme, l’artiste se détermine ensuite en fonction de son humeur, sélectionnant un ensemble de formes, ou de couleurs, d’associations plus ou moins incongrues. Il décolle ensuite entièrement la superposition d’affiches et colle le tout sur une toile, « s’appropriant le geste créateur des autres », selon Sophie Duplaix, conservatrice en chef des collections contemporaines au Centre Pompidou.
Pour lui, ajoute-t-elle, il s’agit de « se reposer sur cette création faite par autrui, une attitude très novatrice à laquelle il s’est tenu toute sa vie », contrairement à des compagnons de route tels que Hains ou Mimmo Rotella.

Œuvres totalement abstraites

Quelquefois, « je cadre comme un photographe cadre ses photos », mais « il n’y a pas d’intervention sur l’affiche », confiait l’artiste. « Chez les Nouveaux Réalistes, j’étais considéré comme un paresseux, à l’inverse de Jean Tinguely, qui travaillait, travaillait... » Totalement abstraites, ses œuvres où éclatent le jaune, le rouge et le bleu, le noir et l’ocre sont parfois plus pâles et comme floutées par la succession de couches de papier détrempées par la pluie. Des morceaux d’affiches publicitaires se télescopent avec des slogans ou des photographies d’hommes politiques, dont l’image a été détournée par des anonymes.
La fin des années 1980 a été pour Villeglé un « âge d’or » car il y avait « beaucoup d’affichage sauvage », racontait-il. Le soir de l’élection présidentielle en avril 1988, « j’ai pris un camion, cinq types et nous sommes allés faire un tour. En une heure, j’ai fait toute une exposition », s’amusait-il.
L’artiste a poursuivi son œuvre à base d’affiches lacérées jusqu’en 2003, lorsqu’elles se sont faites plus rares sur les murs. Il a aussi créé dans les années 70 des « graphismes sociopolitiques », écriture anonyme collée sur les murs du métro, rêvant de créer un alphabet qu’il mettait en valeur par la typographie.

AFP
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