Il s’enfonce un peu plus dans la nuit épaisse. Ça fait un moment qu’il roule dans une obscurité quasi tangible. Un long moment. Depuis quand exactement? Le film de sa vie récente se déroule à l’envers et il se revoit au volant de son break Volvo sur les autoroutes d’Allemagne, puis dans les montagnes hongroises, à la sortie de Sofia, la capitale bulgare, et enfin dans les rues d’Istanbul. Il roule depuis des semaines, de jour comme de nuit. Il est le seul à conduire cette voiture où ils sont pourtant cinq. Il est vrai que trois parmi eux sont des enfants, mais l’autre adulte, sur le siège passager, sa femme – une très belle femme endormie – ne conduit pas. Il est donc seul aux commandes de son véhicule depuis qu’ils ont quitté Deir el-Qamar dans la montagne libanaise au début de l’été 1977 en route vers le Danemark, pays de son épouse assoupie.
Ils avaient décidé de faire le voyage avec des amis, une famille de quatre composée elle aussi d’un couple mixte, cette fois libano-allemand, et de deux enfants, une fille et un garçon. Trajet en voiture jusqu’en Allemagne pour leurs amis dont c’était le pays d’origine de l’épouse, et jusqu’au Danemark pour eux où sa belle-mère les attendait.
Autant à l’aller il était grisé par l’aventure, galvanisé par le défi du long voyage et la découverte de pays nouveaux, autant au retour il traçait sa route sans rien voir au-dehors, pressé de rentrer. Le besoin d’arriver enfin chez lui tendait tous ses muscles, figeait ses paupières durcies par la fatigue, le maintenait au volant plusieurs heures d’affilée. Sa Volvo bouffait du bitume depuis Copenhague, et lui ravalait son amertume.
Le rythme de la traversée avait été plus détendu à l’allée, plus alangui par l’espoir malgré l’inquiétude inévitable du voyage. Après tout, il s’agissait de tenter une nouvelle vie là-bas, au Danemark. Il s’y était déjà rendu à deux ou trois reprises pour rencontrer la famille de sa jeune femme, mais cette fois-ci il n’était pas question de vacances ou d’accointances «diplomatiques», mais d’installation et de recherche de travail. Il est ingénieur, bardé de diplômes et de certificats de spécialisation obtenus dans la «meilleure université du Liban», avec une expérience déjà significative dans le bâtiment et les infrastructures. C'est un battant, bosseur, trilingue. Il a donc toutes ses chances, pensait-il, d’intégrer une entreprise de construction ou un cabinet d’architectes sous un statut ou un autre. Il n’a pas douté un seul instant ni de sa capacité à révolutionner son existence ni des opportunités offertes par la vie. Rien dans son milieu d’origine pourtant ne le prédisposait à l’optimisme et encore moins à l’ascension sociale, réalisée à la force des poings. Il est homme à frayer son propre chemin. Celui du Liban jusqu’au Danemark n’en est qu’un parmi d’autres, pris d’ailleurs non pour le loisir de la découverte mais pour contourner les risques encourus à l’époque s’ils avaient voulu prendre l’avion à l’aéroport de Beyrouth. Le tarmac venait d’être la cible d’opérations terroristes de fedayins palestiniens. Traverser deux continents au volant de sa voiture plutôt que de mettre sa famille en danger, l’idée s’est imposée à lui comme une évidence. Tenter la vie en Europe, loin de chez lui, pour soustraire les siens à l’insécurité et la précarité. À ce sacrifice, la vie ne pourrait répondre qu’en lui ouvrant des portes et en reconnaissant sa valeur.
Il avait, pour mener à terme son projet, un allié de taille: sa voiture. Un break Volvo donc, bleu foncé, acheté neuf avec ses premiers honoraires versés par le ministère du Développement et des Travaux publics. Ce véhicule d’une solidité à toute épreuve – solidité scandinave – transportant femme, enfants, valises et porte-bagages, leur a servi pendant des semaines de voiture-caravane, wagon-lit, salle de jeux et salon. Ils ont carrément vécu dans cette bagnole qui a avalé 4.087 kilomètres sans jamais leur faire défaut. Syrie, Turquie, Bulgarie, Yougoslavie, Hongrie, Tchécoslovaquie, chaque étape lui a semblé – à tort, se répétait-il amèrement en ce moment – comme un augure favorable à leur nouvelle vie sous les cieux gris du Nord. Pas une seconde il n’avait imaginé que ses qualifications et son titre d’ingénieur exerçant dans le libéral, ce dont il ne cessera d’être fier, feraient un jour obstacle à son employabilité plutôt que la favoriser. Il découvrira au cours des deux mois qui suivront leur arrivée à Copenhague que le pays de sa femme préfère aux hommes de sa trempe les étrangers incultes et suffisamment désespérés pour s’acquitter des basses besognes dont les bons citoyens locaux ne veulent plus, protégés qu’ils sont par un niveau de vie suffisant et une quiétude permanente. Il a eu beau parler avec les membres de sa belle-famille pour qu’ils le recommandent ici ou là, adresser des candidatures, répondre à des appels d’offre au téléphone ou par courrier. Rien. Aucune porte ne s’ouvrait.
La mort dans l’âme, il finit par se présenter à l’Agence nationale pour l’emploi en tant que chômeur en quête de travail. Lui qui a travaillé avant même l’âge de 16 ans pour gagner son argent de poche et tout au long de ses études, lui qui n’a jamais eu le moindre temps mort dans sa vie. D’ailleurs, aussitôt son diplôme d’ingénieur en poche, il avait déroulé ses plans de chantiers partout au Liban où il pouvait remporter une adjudication. Mais de tous ses efforts pour se hisser au-dessus de sa condition d’origine, le Danemark et toute l’Europe n’avaient cure. Ici, on voulait des gens qui tiennent le balai et l’éponge. On voulait des agents de sécurité faisant le pied de grue devant les banques et les grands magasins. Il pouvait remballer son CV et ses diplômes. Ce qu’il fit, non sans tenter d’abord trois choses.
Pour commencer, la France. Il se dit que son profil de Libanais francophone pouvait y trouver une place «naturelle». Il mit donc son premier échec au Danemark sur le compte de la langue qu’il ne maîtrisait pas et entreprit de se rendre à Paris où l'accueillit un camarade d’université avec lequel il réussit à se remettre en contact. Nassib était originaire du même village que lui, il lui avait donc été facile d’obtenir ses coordonnées. Après leur stage commun de fin d’études chez Bull à Marseille, Nassib avait décidé de faire sa vie en France. C’est à Paris qu’il le retrouva, salarié d’une entreprise de développement et de gestion des autoroutes, vivotant dans un petit appartement étriqué du XXe arrondissement, célibataire, tranquille et bien triste. Au temps pour moi! fut sa réaction après trois jours de cohabitation avec son ancien ami. Nassib était un joyeux luron, un vieux copain de lycée d’humeur souvent légère. La grisaille parisienne avait pris toute sa lumière. Le consentement au mépris de ceux qui l’accueillaient l’avait terni. Travailler plus à la place de son patron pour être payé moins qu’un ingénieur dit de souche, jamais! Et la Volvo reprit la direction de Copenhague.
À l’arrivée, il exposa à son épouse, qui commençait à être gênée de peser avec toute sa smalla sur sa mère vieillissante et pas encore retraitée, le bilan des deux derniers mois: si les Danois fement leur porte à double tour, les Français sont les spécialistes des antichambres. Admettons, fit-elle, mais ça ne peut pas continuer comme ça. Ils résolurent d’aller vivre dans la maison d’été de la grand-mère Julie à Strøbylejede près de Køge. Charmant lieu de villégiature en bord de mer, pratiquement désert à partir du mois de septembre. C’est là qu’ils passeront les deux mois suivants. En marge de la ville, pour lui en marge du monde. Un temps suspendu, c’est ainsi que lui sembla cette période torturante et trouble.
Sa femme n’eut aucun mal à faire valoir ses compétences de sténo-dactylo auréolées du prestige que le nom et l’adresse de son dernier employeur ne manquaient pas d’ajouter à des fonctions somme toute modestes: Ambassade du Danemark à Beyrouth. Une agence d’intérim l’envoya dans les bureaux administratifs d’une entreprise bien loin de Strøby et de ses plages désormais totalement vides. Les enfants attendaient le retour de leur mère tous les jours comme un événement majeur tant le trajet qu’elle faisait pour se rendre en train à son travail était long. Mais sans se plaindre, elle arrivait d’un bon pied tous les soirs en passant à côté de la Volvo à l’arrêt devant la maison. Son contrat était valable pour une durée déterminée, elle ne s’infligeait donc pas une peine des transports à vie. Surtout, elle appréciait ces échappées quotidiennes loin des nuages orageux qui se sont amassés au-dessus de son couple depuis le voyage de son mari à Paris.
Une peur panique s’était emparée d’elle en ne le voyant pas revenir. Il lui avait dit une semaine d’absence en comptant les journées de voyage. C’était un conducteur chevronné qui n’allait pas se perdre ni lanterner. Mais au bout d’une semaine il n’était pas de retour. Elle se donna une journée de plus avant de sonner l’alerte, mais déjà les chevaux de son imagination étaient lancés à bride abattue. Paris…! Tout peut y arriver, toutes les rencontres y sont possibles. Elle sait qu’il peut plaire, tout sérieux qu’il est. Pourquoi n’est-il pas déjà de retour? Elle compose le numéro de Nassib qu’il lui avait laissé en cas d’urgence et demande à lui parler. Il ne loge plus chez son ami depuis quatre jours! Où est-il allé? Qui a-t-il retrouvé? Dans quel lit dort-il? Elle se voit déjà abandonnée, laissée en plan avec les enfants sur les bras, sans ressources ou presque. Tous ses démons ressurgissent, rameutés par un vent d’automne rageur et insidieux à la fois: éclipse de leur amour ensoleillé. Comme la Méditerranée est loin de Strøby…!
Il finit par appeler d’un hôtel quelconque à Montmartre. La fébrilité de sa femme à l’autre bout du fil ne l’étonne pas: plus le temps passe moins elle lui paraît solide, mais cette fois, son inquiétude le blesse dans son ego. Comment peut-elle penser qu'il abandonnerait sa famille, ses enfants? Elle ne sait pas qui il est, elle ignore sa valeur. Temps de vérité.
À son retour, ils s’étreignent, s’enferment dans la chambre en pleine journée, se parlent ou plutôt se crient des choses à la figure. Ne crois pas que tu sois le seul à pouvoir partir…! Si j’avais voulu vous abandonner, je n’aurais pas fait tout ce voyage jusqu’ici…! Si j’avais voulu partir, moi aussi j’aurais pu le faire plusieurs fois…! Des menaces, des rancoeurs, des demi-révélations, des accusations outrées.
Son embauche le laisse dans un lacis de soupçons dont il s’extrait péniblement, le temps de laver quelques vêtements et de préparer un repas à ses enfants désormais oisifs et désorientés en ce mois d’octobre bien danois. Il s’attelle aux tâches domestiques avec ostentation et gravité puis écoute, en faisant les cent pas dans le jardin et en tirant nerveusement sur sa cigarette, le silence de cette villégiature dépeuplée qui lui signifie, en la période de pleine activité nationale, sa qualité sans appel de persona non grata. Il rumine pendant de longues heures son échec bien réel et les éventuelles infidélités de sa femme. Son esprit n’est qu’une bouillie de bile acariâtre où tout se mélange et se résume en un mot: trahi! Ses enfants le voient arpenter la pelouse luisante de pluie, ne comprennent pas tout, redoutent le pire.
La Volvo finit par prendre le chemin du retour. Battue par les vents et le crachin des dernières semaines, toujours à la même place à l’entrée du jardin, elle avait fait son plein de dépit et d’impatience qu’elle carbonisait à présent dans les circuits de son moteur lancé à toute vibure. C’en est fini – croyait-il – de l’humiliation, des refus et des attentes. De toute cette odyssée il n’avait récolté que la douleur du soupçon venu miner pour de bon son couple atypique: un Libanais de la montagne aux origines modestes et une Danoise aussi glamour que Grace Kelly, plus capiteuse que la princesse du Rocher. Il avait transformé leurs soirées moroses dans la maison de Strøby, perdue au milieu des rafales, en interrogatoires serrés pour tenter de sauver de la tourmente les lambeaux de ce qu’il tenait pour sa réussite familiale: son fils hypnotisé par la une des magazines populaires où s’étalaient des blondes aux seins nus, sa fille cadette qui récupérait ses mégots dans le jardin pour imiter son père en les fumant cachée derrière les buissons, sa benjamine qui ne faisait rien et ne parlait presque pas. Mais surtout elle, sa femme, qui éludait toutes ses questions, ne concédait que des réponses hautaines, distillait le poison du doute dans son esprit par des allusions évoquées sans jamais être développées. Il revient à la charge, demande des précisions, liste des occasions, énumère des personnes. Elle nie sans rassurer, s’exaspère sans chercher à le soulager. Qu’importe! Il est tenace et combatif. Il guette le moment où ses digues sont abaissées pour reprendre son enquête, et avec elle la reconquête de son territoire conjugal et de sa dignité blessée. Mais il sent que tout se dérobe à son emprise. Patriarche sans ouailles dociles, il n’impressionne plus personne. Ça suffit! Arrête! Les réactions fermes de sa femme l’étonnent d’abord, l’aiguillonnent ensuite.
ARRÊTE. STOP. MAINTENANT.
Son cerveau réagit instantanément à la pression de la main de sa femme sur son avant-bras pour le tirer brutalement de ses pensées et le ramener à la réalité de cette route hasardeuse sur laquelle il avance maintenant à tâtons depuis dix longues minutes. Il reconnaît la crispation impérieuse de ses doigts. Le juron qu’elle lâche dans sa langue maternelle achève de lui faire voir ce que la fatigue du voyage et l’opacité de la nuit l’empêchaient de réaliser : rien.
Rien devant lui. Plus de route. Le vide. La transformation du sol en néant. Les rayons des phares de sa voiture balayaient la bouche d’un gouffre qui aurait pu, sans la perspicacité de sa femme restée en éveil depuis leur passage au barrage syrien, les avaler tous les cinq dans l’indifférence de la nuit.
Il commence par blâmer le soldat du check-point qui, après avoir vérifié ses papiers d’identité et minutieusement consulté une liste de plusieurs pages en sa possession lui a posé des questions d’usage (Provenance? Destination? Profession? Adresse? Région de naissance? etc.) avant de l’orienter vaguement dans la direction où il se trouve maintenant. Mais en sortant du véhicule, il se blâme lui-même. Qu’est-ce qui l’a pris de conduire en pleine nuit dans une zone militarisée? Quelle mouche l’a piqué depuis la frontière turco-syrienne pour tracer son chemin avec une impatience de fils prodigue revenu au bercail? Raideurs et ankyloses ralentissent sa sortie dans l’obscurité et le froid. Ses yeux fatigués ont le temps de s’habituer à la nuit opaque. Sa panique est absorbée par l’épaisseur veloutée des ténèbres environnantes. Il a la sensation physique très nette d’une chute amortie. L’expression de sa mère lui revient en mémoire et il se la répète avec un sourire: «retenus par la paume de Dieu». C’est bien cela, ils ont été sauvés d’une chute certaine par la main du Très-Haut! Et la réactivité de sa femme, il faut bien le reconnaître. Mais comment faire maintenant? Cette route est un cul-de-sac et il est impossible de faire demi-tour.
«Nous voilà faits comme des rats!», commente cyniquement sa belle épouse. «Ce n’était pas la peine de faire 4.000 bornes pour ça.» Elle avait évidemment raison. Il n’empêche, son cynisme clairvoyant la lui rendait vulgaire. Et pour lui, même au milieu de nulle part et au fin fond d’une nuit abyssale, on peut tout pardonner à une femme, sauf cette vergogne. «Là bas!» La voix précise de sa fille cadette tendue comme un index désamorce l’éruption de sa colère. «Regardez là-bas, de la lumière!»
Ils se retournent légèrement et avisent à leur droite deux faisceaux lumineux qui fendent l’obscurité en se déplaçant lentement à l’horizontal. «Ce sont des phares de voiture», explique son fils aîné. «On peut passer par là-bas. On a dû rater une bifurcation.» Mais oui, c’est ça! D’un coup, la lumière se fit dans l’esprit du père qui dissipa la malveillance du soldat syrien, les remarques irritantes de sa femme et surtout l’impasse existentielle qu’a représentée pendant quelques fractions de seconde cette route aveugle abouchant sur le vide. Non, ils ne sont pas coincés. Il va les sortir de là.
Avec beaucoup de précautions et un entrain retrouvé, la Volvo recule à la recherche de l’embranchement salvateur. On le retrouve entre deux futaies broussailleuses écartées par une pelleteuse qui a élargi un sentier battu à flanc de montagne sans doute depuis peu, car d’épaisses mottes de terre brun rouge bordent le passage. Ce devrait être rien d’autre qu’un sentier ancestral tassé par les sabots des ânes allant de Mreijat à Bouarej. Pourquoi la circulation des voitures arrivant à Dahr el-Baydar est-elle détournée par là? Pourquoi mettre en danger de simples gens qui rentrent chez eux? Pourquoi permettre la circulation de nuit sur une voie aussi périlleuse que celle-là ? Il ne le savait pas et ne cherchait pas vraiment à le savoir non plus, car il était sûr qu’il ne s’agissait que d’un petit bout de chemin, une simple parenthèse, où ils couraient encore en danger, après quoi tout rentrerait dans l’ordre : il retrouverait sans mal ses repères dans son pays. Sauf que ce petit bout de chemin était interminable.
La route non asphaltée, cahoteuse, exiguë, bordée à leur gauche d’un mur de terre inégal et incertain, à leur droite du néant le plus sûr et homogène, s’étirait vers l’inconnu sans indication aucune. Seul le ronflement généreux de la Volvo inspirait confiance aux cinq âmes retenues en son sein, protégées du vide envahissant et de l’empire nocturne de la vallée insondable par son habitacle géométrique et longiligne. Ventre de métal, baleine impavide fendant les flots de la nuit épaisse, la voilà qui inspire à son conducteur une nouvelle légende à écrire. Alors que les enfants retiennent leur souffle (le garçon, assis au milieu du siège arrière, a ramené la benjamine vers lui en l’éloignant de la fenêtre, la cadette à sa droite garde les yeux rivés sur la béance nocturne), la mère est figée dans le souvenir de la chute suicidaire à laquelle elle vient d’échapper. Le père, lui, échafaude déjà des projets d’avenir. Le roulement des pneus de la Volvo sur les pierres de ce chemin perdu lui inspire – oui, au sens mystique de l’inspiration – une nouvelle prophétie: non, il n’est pas acculé aux rêves timorés des immigrés d’Europe, non les «événements» qui bouleversent son pays depuis deux ans n’auront pas raison de son ambition; oui, il fera ce qu’il faudra pour être l’ingénieur, l’entrepreneur reconnu et estimé de ses rêves.
Là, du fin fond de la nuit noire, sur une route cabossée, dans le silence des montagnes, il commence déjà à se raconter un autre voyage : celui de l’argent comme seul horizon, du travail assuré, des efforts acharnés et des comptes bancaires garnis. Sa cadette écarquille un peu plus les yeux: la vallée vient d’enfanter Chimère.
Lara Haddad Gélalian
Ils avaient décidé de faire le voyage avec des amis, une famille de quatre composée elle aussi d’un couple mixte, cette fois libano-allemand, et de deux enfants, une fille et un garçon. Trajet en voiture jusqu’en Allemagne pour leurs amis dont c’était le pays d’origine de l’épouse, et jusqu’au Danemark pour eux où sa belle-mère les attendait.
Autant à l’aller il était grisé par l’aventure, galvanisé par le défi du long voyage et la découverte de pays nouveaux, autant au retour il traçait sa route sans rien voir au-dehors, pressé de rentrer. Le besoin d’arriver enfin chez lui tendait tous ses muscles, figeait ses paupières durcies par la fatigue, le maintenait au volant plusieurs heures d’affilée. Sa Volvo bouffait du bitume depuis Copenhague, et lui ravalait son amertume.
Le rythme de la traversée avait été plus détendu à l’allée, plus alangui par l’espoir malgré l’inquiétude inévitable du voyage. Après tout, il s’agissait de tenter une nouvelle vie là-bas, au Danemark. Il s’y était déjà rendu à deux ou trois reprises pour rencontrer la famille de sa jeune femme, mais cette fois-ci il n’était pas question de vacances ou d’accointances «diplomatiques», mais d’installation et de recherche de travail. Il est ingénieur, bardé de diplômes et de certificats de spécialisation obtenus dans la «meilleure université du Liban», avec une expérience déjà significative dans le bâtiment et les infrastructures. C'est un battant, bosseur, trilingue. Il a donc toutes ses chances, pensait-il, d’intégrer une entreprise de construction ou un cabinet d’architectes sous un statut ou un autre. Il n’a pas douté un seul instant ni de sa capacité à révolutionner son existence ni des opportunités offertes par la vie. Rien dans son milieu d’origine pourtant ne le prédisposait à l’optimisme et encore moins à l’ascension sociale, réalisée à la force des poings. Il est homme à frayer son propre chemin. Celui du Liban jusqu’au Danemark n’en est qu’un parmi d’autres, pris d’ailleurs non pour le loisir de la découverte mais pour contourner les risques encourus à l’époque s’ils avaient voulu prendre l’avion à l’aéroport de Beyrouth. Le tarmac venait d’être la cible d’opérations terroristes de fedayins palestiniens. Traverser deux continents au volant de sa voiture plutôt que de mettre sa famille en danger, l’idée s’est imposée à lui comme une évidence. Tenter la vie en Europe, loin de chez lui, pour soustraire les siens à l’insécurité et la précarité. À ce sacrifice, la vie ne pourrait répondre qu’en lui ouvrant des portes et en reconnaissant sa valeur.
Il avait, pour mener à terme son projet, un allié de taille: sa voiture. Un break Volvo donc, bleu foncé, acheté neuf avec ses premiers honoraires versés par le ministère du Développement et des Travaux publics. Ce véhicule d’une solidité à toute épreuve – solidité scandinave – transportant femme, enfants, valises et porte-bagages, leur a servi pendant des semaines de voiture-caravane, wagon-lit, salle de jeux et salon. Ils ont carrément vécu dans cette bagnole qui a avalé 4.087 kilomètres sans jamais leur faire défaut. Syrie, Turquie, Bulgarie, Yougoslavie, Hongrie, Tchécoslovaquie, chaque étape lui a semblé – à tort, se répétait-il amèrement en ce moment – comme un augure favorable à leur nouvelle vie sous les cieux gris du Nord. Pas une seconde il n’avait imaginé que ses qualifications et son titre d’ingénieur exerçant dans le libéral, ce dont il ne cessera d’être fier, feraient un jour obstacle à son employabilité plutôt que la favoriser. Il découvrira au cours des deux mois qui suivront leur arrivée à Copenhague que le pays de sa femme préfère aux hommes de sa trempe les étrangers incultes et suffisamment désespérés pour s’acquitter des basses besognes dont les bons citoyens locaux ne veulent plus, protégés qu’ils sont par un niveau de vie suffisant et une quiétude permanente. Il a eu beau parler avec les membres de sa belle-famille pour qu’ils le recommandent ici ou là, adresser des candidatures, répondre à des appels d’offre au téléphone ou par courrier. Rien. Aucune porte ne s’ouvrait.
La mort dans l’âme, il finit par se présenter à l’Agence nationale pour l’emploi en tant que chômeur en quête de travail. Lui qui a travaillé avant même l’âge de 16 ans pour gagner son argent de poche et tout au long de ses études, lui qui n’a jamais eu le moindre temps mort dans sa vie. D’ailleurs, aussitôt son diplôme d’ingénieur en poche, il avait déroulé ses plans de chantiers partout au Liban où il pouvait remporter une adjudication. Mais de tous ses efforts pour se hisser au-dessus de sa condition d’origine, le Danemark et toute l’Europe n’avaient cure. Ici, on voulait des gens qui tiennent le balai et l’éponge. On voulait des agents de sécurité faisant le pied de grue devant les banques et les grands magasins. Il pouvait remballer son CV et ses diplômes. Ce qu’il fit, non sans tenter d’abord trois choses.
Pour commencer, la France. Il se dit que son profil de Libanais francophone pouvait y trouver une place «naturelle». Il mit donc son premier échec au Danemark sur le compte de la langue qu’il ne maîtrisait pas et entreprit de se rendre à Paris où l'accueillit un camarade d’université avec lequel il réussit à se remettre en contact. Nassib était originaire du même village que lui, il lui avait donc été facile d’obtenir ses coordonnées. Après leur stage commun de fin d’études chez Bull à Marseille, Nassib avait décidé de faire sa vie en France. C’est à Paris qu’il le retrouva, salarié d’une entreprise de développement et de gestion des autoroutes, vivotant dans un petit appartement étriqué du XXe arrondissement, célibataire, tranquille et bien triste. Au temps pour moi! fut sa réaction après trois jours de cohabitation avec son ancien ami. Nassib était un joyeux luron, un vieux copain de lycée d’humeur souvent légère. La grisaille parisienne avait pris toute sa lumière. Le consentement au mépris de ceux qui l’accueillaient l’avait terni. Travailler plus à la place de son patron pour être payé moins qu’un ingénieur dit de souche, jamais! Et la Volvo reprit la direction de Copenhague.
À l’arrivée, il exposa à son épouse, qui commençait à être gênée de peser avec toute sa smalla sur sa mère vieillissante et pas encore retraitée, le bilan des deux derniers mois: si les Danois fement leur porte à double tour, les Français sont les spécialistes des antichambres. Admettons, fit-elle, mais ça ne peut pas continuer comme ça. Ils résolurent d’aller vivre dans la maison d’été de la grand-mère Julie à Strøbylejede près de Køge. Charmant lieu de villégiature en bord de mer, pratiquement désert à partir du mois de septembre. C’est là qu’ils passeront les deux mois suivants. En marge de la ville, pour lui en marge du monde. Un temps suspendu, c’est ainsi que lui sembla cette période torturante et trouble.
Sa femme n’eut aucun mal à faire valoir ses compétences de sténo-dactylo auréolées du prestige que le nom et l’adresse de son dernier employeur ne manquaient pas d’ajouter à des fonctions somme toute modestes: Ambassade du Danemark à Beyrouth. Une agence d’intérim l’envoya dans les bureaux administratifs d’une entreprise bien loin de Strøby et de ses plages désormais totalement vides. Les enfants attendaient le retour de leur mère tous les jours comme un événement majeur tant le trajet qu’elle faisait pour se rendre en train à son travail était long. Mais sans se plaindre, elle arrivait d’un bon pied tous les soirs en passant à côté de la Volvo à l’arrêt devant la maison. Son contrat était valable pour une durée déterminée, elle ne s’infligeait donc pas une peine des transports à vie. Surtout, elle appréciait ces échappées quotidiennes loin des nuages orageux qui se sont amassés au-dessus de son couple depuis le voyage de son mari à Paris.
Une peur panique s’était emparée d’elle en ne le voyant pas revenir. Il lui avait dit une semaine d’absence en comptant les journées de voyage. C’était un conducteur chevronné qui n’allait pas se perdre ni lanterner. Mais au bout d’une semaine il n’était pas de retour. Elle se donna une journée de plus avant de sonner l’alerte, mais déjà les chevaux de son imagination étaient lancés à bride abattue. Paris…! Tout peut y arriver, toutes les rencontres y sont possibles. Elle sait qu’il peut plaire, tout sérieux qu’il est. Pourquoi n’est-il pas déjà de retour? Elle compose le numéro de Nassib qu’il lui avait laissé en cas d’urgence et demande à lui parler. Il ne loge plus chez son ami depuis quatre jours! Où est-il allé? Qui a-t-il retrouvé? Dans quel lit dort-il? Elle se voit déjà abandonnée, laissée en plan avec les enfants sur les bras, sans ressources ou presque. Tous ses démons ressurgissent, rameutés par un vent d’automne rageur et insidieux à la fois: éclipse de leur amour ensoleillé. Comme la Méditerranée est loin de Strøby…!
Il finit par appeler d’un hôtel quelconque à Montmartre. La fébrilité de sa femme à l’autre bout du fil ne l’étonne pas: plus le temps passe moins elle lui paraît solide, mais cette fois, son inquiétude le blesse dans son ego. Comment peut-elle penser qu'il abandonnerait sa famille, ses enfants? Elle ne sait pas qui il est, elle ignore sa valeur. Temps de vérité.
À son retour, ils s’étreignent, s’enferment dans la chambre en pleine journée, se parlent ou plutôt se crient des choses à la figure. Ne crois pas que tu sois le seul à pouvoir partir…! Si j’avais voulu vous abandonner, je n’aurais pas fait tout ce voyage jusqu’ici…! Si j’avais voulu partir, moi aussi j’aurais pu le faire plusieurs fois…! Des menaces, des rancoeurs, des demi-révélations, des accusations outrées.
Son embauche le laisse dans un lacis de soupçons dont il s’extrait péniblement, le temps de laver quelques vêtements et de préparer un repas à ses enfants désormais oisifs et désorientés en ce mois d’octobre bien danois. Il s’attelle aux tâches domestiques avec ostentation et gravité puis écoute, en faisant les cent pas dans le jardin et en tirant nerveusement sur sa cigarette, le silence de cette villégiature dépeuplée qui lui signifie, en la période de pleine activité nationale, sa qualité sans appel de persona non grata. Il rumine pendant de longues heures son échec bien réel et les éventuelles infidélités de sa femme. Son esprit n’est qu’une bouillie de bile acariâtre où tout se mélange et se résume en un mot: trahi! Ses enfants le voient arpenter la pelouse luisante de pluie, ne comprennent pas tout, redoutent le pire.
La Volvo finit par prendre le chemin du retour. Battue par les vents et le crachin des dernières semaines, toujours à la même place à l’entrée du jardin, elle avait fait son plein de dépit et d’impatience qu’elle carbonisait à présent dans les circuits de son moteur lancé à toute vibure. C’en est fini – croyait-il – de l’humiliation, des refus et des attentes. De toute cette odyssée il n’avait récolté que la douleur du soupçon venu miner pour de bon son couple atypique: un Libanais de la montagne aux origines modestes et une Danoise aussi glamour que Grace Kelly, plus capiteuse que la princesse du Rocher. Il avait transformé leurs soirées moroses dans la maison de Strøby, perdue au milieu des rafales, en interrogatoires serrés pour tenter de sauver de la tourmente les lambeaux de ce qu’il tenait pour sa réussite familiale: son fils hypnotisé par la une des magazines populaires où s’étalaient des blondes aux seins nus, sa fille cadette qui récupérait ses mégots dans le jardin pour imiter son père en les fumant cachée derrière les buissons, sa benjamine qui ne faisait rien et ne parlait presque pas. Mais surtout elle, sa femme, qui éludait toutes ses questions, ne concédait que des réponses hautaines, distillait le poison du doute dans son esprit par des allusions évoquées sans jamais être développées. Il revient à la charge, demande des précisions, liste des occasions, énumère des personnes. Elle nie sans rassurer, s’exaspère sans chercher à le soulager. Qu’importe! Il est tenace et combatif. Il guette le moment où ses digues sont abaissées pour reprendre son enquête, et avec elle la reconquête de son territoire conjugal et de sa dignité blessée. Mais il sent que tout se dérobe à son emprise. Patriarche sans ouailles dociles, il n’impressionne plus personne. Ça suffit! Arrête! Les réactions fermes de sa femme l’étonnent d’abord, l’aiguillonnent ensuite.
ARRÊTE. STOP. MAINTENANT.
Son cerveau réagit instantanément à la pression de la main de sa femme sur son avant-bras pour le tirer brutalement de ses pensées et le ramener à la réalité de cette route hasardeuse sur laquelle il avance maintenant à tâtons depuis dix longues minutes. Il reconnaît la crispation impérieuse de ses doigts. Le juron qu’elle lâche dans sa langue maternelle achève de lui faire voir ce que la fatigue du voyage et l’opacité de la nuit l’empêchaient de réaliser : rien.
Rien devant lui. Plus de route. Le vide. La transformation du sol en néant. Les rayons des phares de sa voiture balayaient la bouche d’un gouffre qui aurait pu, sans la perspicacité de sa femme restée en éveil depuis leur passage au barrage syrien, les avaler tous les cinq dans l’indifférence de la nuit.
Il commence par blâmer le soldat du check-point qui, après avoir vérifié ses papiers d’identité et minutieusement consulté une liste de plusieurs pages en sa possession lui a posé des questions d’usage (Provenance? Destination? Profession? Adresse? Région de naissance? etc.) avant de l’orienter vaguement dans la direction où il se trouve maintenant. Mais en sortant du véhicule, il se blâme lui-même. Qu’est-ce qui l’a pris de conduire en pleine nuit dans une zone militarisée? Quelle mouche l’a piqué depuis la frontière turco-syrienne pour tracer son chemin avec une impatience de fils prodigue revenu au bercail? Raideurs et ankyloses ralentissent sa sortie dans l’obscurité et le froid. Ses yeux fatigués ont le temps de s’habituer à la nuit opaque. Sa panique est absorbée par l’épaisseur veloutée des ténèbres environnantes. Il a la sensation physique très nette d’une chute amortie. L’expression de sa mère lui revient en mémoire et il se la répète avec un sourire: «retenus par la paume de Dieu». C’est bien cela, ils ont été sauvés d’une chute certaine par la main du Très-Haut! Et la réactivité de sa femme, il faut bien le reconnaître. Mais comment faire maintenant? Cette route est un cul-de-sac et il est impossible de faire demi-tour.
«Nous voilà faits comme des rats!», commente cyniquement sa belle épouse. «Ce n’était pas la peine de faire 4.000 bornes pour ça.» Elle avait évidemment raison. Il n’empêche, son cynisme clairvoyant la lui rendait vulgaire. Et pour lui, même au milieu de nulle part et au fin fond d’une nuit abyssale, on peut tout pardonner à une femme, sauf cette vergogne. «Là bas!» La voix précise de sa fille cadette tendue comme un index désamorce l’éruption de sa colère. «Regardez là-bas, de la lumière!»
Ils se retournent légèrement et avisent à leur droite deux faisceaux lumineux qui fendent l’obscurité en se déplaçant lentement à l’horizontal. «Ce sont des phares de voiture», explique son fils aîné. «On peut passer par là-bas. On a dû rater une bifurcation.» Mais oui, c’est ça! D’un coup, la lumière se fit dans l’esprit du père qui dissipa la malveillance du soldat syrien, les remarques irritantes de sa femme et surtout l’impasse existentielle qu’a représentée pendant quelques fractions de seconde cette route aveugle abouchant sur le vide. Non, ils ne sont pas coincés. Il va les sortir de là.
Avec beaucoup de précautions et un entrain retrouvé, la Volvo recule à la recherche de l’embranchement salvateur. On le retrouve entre deux futaies broussailleuses écartées par une pelleteuse qui a élargi un sentier battu à flanc de montagne sans doute depuis peu, car d’épaisses mottes de terre brun rouge bordent le passage. Ce devrait être rien d’autre qu’un sentier ancestral tassé par les sabots des ânes allant de Mreijat à Bouarej. Pourquoi la circulation des voitures arrivant à Dahr el-Baydar est-elle détournée par là? Pourquoi mettre en danger de simples gens qui rentrent chez eux? Pourquoi permettre la circulation de nuit sur une voie aussi périlleuse que celle-là ? Il ne le savait pas et ne cherchait pas vraiment à le savoir non plus, car il était sûr qu’il ne s’agissait que d’un petit bout de chemin, une simple parenthèse, où ils couraient encore en danger, après quoi tout rentrerait dans l’ordre : il retrouverait sans mal ses repères dans son pays. Sauf que ce petit bout de chemin était interminable.
La route non asphaltée, cahoteuse, exiguë, bordée à leur gauche d’un mur de terre inégal et incertain, à leur droite du néant le plus sûr et homogène, s’étirait vers l’inconnu sans indication aucune. Seul le ronflement généreux de la Volvo inspirait confiance aux cinq âmes retenues en son sein, protégées du vide envahissant et de l’empire nocturne de la vallée insondable par son habitacle géométrique et longiligne. Ventre de métal, baleine impavide fendant les flots de la nuit épaisse, la voilà qui inspire à son conducteur une nouvelle légende à écrire. Alors que les enfants retiennent leur souffle (le garçon, assis au milieu du siège arrière, a ramené la benjamine vers lui en l’éloignant de la fenêtre, la cadette à sa droite garde les yeux rivés sur la béance nocturne), la mère est figée dans le souvenir de la chute suicidaire à laquelle elle vient d’échapper. Le père, lui, échafaude déjà des projets d’avenir. Le roulement des pneus de la Volvo sur les pierres de ce chemin perdu lui inspire – oui, au sens mystique de l’inspiration – une nouvelle prophétie: non, il n’est pas acculé aux rêves timorés des immigrés d’Europe, non les «événements» qui bouleversent son pays depuis deux ans n’auront pas raison de son ambition; oui, il fera ce qu’il faudra pour être l’ingénieur, l’entrepreneur reconnu et estimé de ses rêves.
Là, du fin fond de la nuit noire, sur une route cabossée, dans le silence des montagnes, il commence déjà à se raconter un autre voyage : celui de l’argent comme seul horizon, du travail assuré, des efforts acharnés et des comptes bancaires garnis. Sa cadette écarquille un peu plus les yeux: la vallée vient d’enfanter Chimère.
Lara Haddad Gélalian
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