La fin de la présidence jupitérienne
"Maître des horloges" depuis son élection surprise en 2017, Emmanuel Macron perd "son image d'invincibilité" en se retrouvant sans majorité absolue à l'Assemblée nationale, ce qui va le contraindre à composer avec d’autres forces et accélérer la bataille pour sa succession en 2027.

"C'est un bouleversement, un tournant par rapport à son image d'invincibilité, de quelqu'un porteur de quelque chose que rien ne peut arrêter, qui arrive toujours au bout du compte à triompher des autres", relève Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof-Sciences Po.

Depuis 2017, Emmanuel Macron, plus jeune président de la Ve république, élu à 39 ans sans avoir jamais eu auparavant de mandat électif, incarnait le "nouveau monde". Il avait renversé la table de la politique traditionnelle, entre gauche et droite, avec sa devise fétiche du "en même temps".

"Pour Macron, c’est le résultat de l’usure du pouvoir, de la politique menée qui ne plaisait à personne. Ce sont des erreurs tactiques aussi", résume un chercheur au CNRS.

S'il avait déjà perdu les élections européennes et municipales durant son premier quinquennat, cette défaite, au cœur du pouvoir législatif, est autrement plus symbolique, même si la coalition présidentielle Ensemble! arrive en tête du scrutin.

"Pour Macron, c’est le résultat de l’usure du pouvoir, de la politique menée qui ne plaisait à personne. Ce sont des erreurs tactiques aussi", résume Étienne Ollion, chercheur au CNRS, en pointant la décision de programmer les législatives sept semaines après le second tour de la présidentielle.

"Une campagne de sept semaines ce n’était pas du tout raisonnable, on sait qu’on perd alors entre 15 et 20 députés par semaine quand on est au gouvernement", explique-t-il à l'AFP.

Avec une projection de 230 à 250 sièges, loin de la majorité absolue (289 députés) et de son score de 2017 (350 sièges), Ensemble! se retrouve contraint de conclure une alliance avec les Républicains (de 55 à 80 députés) ou des accords au cas par cas avec des députés divers droite ou gauche pour faire passer ses réformes.
Un quinquennat de compromis parlementaires

"Pour Macron, ce quinquennat sera un quinquennat de négociations, de compromis parlementaires. Ce n’est plus Jupiter qui gouvernera, mais un président aux prises avec une absence de majorité à l’Assemblée", résume Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.



Loin du premier quinquennat, où l'Assemblée faisait parfois figure de chambre d'enregistrement avec une majorité présidentielle pléthorique, chaque projet prendra plus de temps à être négocié et voté.

Mais après l'hyperprésidentalisation, où le chef de l'État supervisait tout, arbitrait tout, le Parlement retrouve toute sa place, à l'image des autres pays européens. Le président va être obligé de composer avec lui, et donc des oppositions d'humeur variable selon les projets de réforme sur la table, des retraites à la transition écologique.


"Le Premier ministre, les présidents de groupe, le président de l'Assemblée nationale vont devenir essentiels dans le fonctionnement du quinquennat puisque c’est autour d'eux que vont se construire les majorités", explique Dominique Rousseau.

Le président va "perdre de son autorité", "se retrouver en retrait dans la définition des politiques publiques", dit-il à l'AFP.
Déjà, la question de la succession

Le recours au 49-3, qui permet au Premier ministre d'engager sa responsabilité sur un texte de loi, et de le faire adopter sans vote, s'annonce plus improbable devant le risque de tirs de barrage des oppositions. Il ne peut en outre être utilisé qu'une fois par session, hors projet de finances.

La politique internationale, autre champ d'action privilégié d'Emmanuel Macron, risque de devenir ingérable en cas d'absence d'une coalition gouvernementale forte et stable.

Emmanuel Macron devient aussi plus dépendant des autres composantes de Ensemble !: le Modem de François Bayrou ou Horizons d'Édouard Philippe, son ex-Premier ministre et potentiel candidat à sa succession.

Ce rééquilibrage des pouvoirs va en outre poser encore plus vite la question de sa succession en 2027 puisqu'il ne pourra pas se représenter après deux quinquennats.

"Dès la mi-mandat et sans doute avant, tout le monde va observer qui est en train d’émerger, de se positonner", anticipe Bruno Cautrès.

"La question de qui sera candidat en 2027 – est-ce que ce sera Édouard Philippe, François Bayrou, quelqu’un d’autre - va jouer un rôle important dans le positionnement des alliances", renchérit Dominique Rousseau.

Le président, qui déteste se séparer de proches, va en outre devoir remplacer tous les ministres recalés, selon une règle non écrite qu'il a édictée.

Dimanche soir, la numéro deux du gouvernement, Amélie de Montchalin (Transition écologique), la ministre de la santé Brigitte Bourguignon et la secrétaire d'État à la Mer Justine Benin n'ont pas été réélues.

Avec AFP
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