USA: fronde des Etats démocrates sur le port d'armes
©Il est plus facile d'obtenir un permis dans un comté rural républicain qu'à San Francisco, l'une des villes les plus "progressistes" des Etats-Unis. (Photo : AFP)
L'opposition entre conservateurs pro-armes et progressistes contre le port d'armes à feu dans la rue continue d'envenimer le débat public aux Etats-Unis. Des Etats à majorité démocrate entendent mener la fronde, en préservant leur législation plus dure qu'ailleurs. De New-York au Maryland, les élus font entendre leur voix suite à l'arrêt de la Cour suprême qui risque d'"encourager un programme idéologique radical", selon ses détracteurs.

"Un jour sombre pour l'Amérique": de Los Angeles à New York, des Etats démocrates, classés à gauche, sont vent debout contre la décision jeudi de la Cour suprême à majorité conservatrice, qui consacre le droit de porter des armes hors de chez soi.

Gavin Newsom, gouverneur de Californie, l'Etat le plus peuplé des Etats-Unis, a fustigé sur Twitter une décision "honteuse" et "dangereuse": un arrêt de la plus haute juridiction américaine qui risque d'"encourager un programme idéologique radical" tout en restreignant "les droits des Etats à protéger leurs citoyens (du risque) d'être abattus dans la rue, à l'école, à l'église".

Et l'élu démocrate entend durcir la législation californienne contre les armes à feu.

Le siège de la Cour suprême des Etats-Unis.

Il a ainsi annoncé dans un communiqué qu'il signerait "la semaine prochaine 16 nouvelles lois sur la sécurité, dont l'une permettra aux concitoyens de porter plainte contre des fabricants et vendeurs d'armes à feu".

Son homologue à la tête de l'Etat de New York (le quatrième plus peuplé avec 20 millions d'habitants), Kathy Hochul, a été la première jeudi matin à s'insurger contre une décision de la Cour suprême "absolument scandaleuse". Elle aussi a déploré un "jour sombre" pour les tenants d'une législation plus stricte sur la possession et le port d'armes.

La Cour suprême à Washington, dont la majorité des juges sont conservateurs, a invalidé les "restrictions" au port d'armes prévues par une loi de l'Etat de New York, alors même que l'Amérique est confrontée à une flambée de la criminalité dans les grandes villes et à une effrayante série de tueries à nombreuses victimes, dont deux en mai, à Buffalo (10 morts afro-américains) et dans une école au Texas (21 tués, dont 19 enfants).

Cette loi new-yorkaise limite depuis 1913 la délivrance de permis de port d'armes dissimulées aux personnes ayant des raisons de croire qu'elles pourraient avoir à se défendre, par exemple en raison de leur métier ou de menaces les visant.

Républicains et démocrates ont des avis diamétralement opposés sur le dossier des armes.

Chat et souris


Outre la Californie et New York, dirigés par des démocrates, les Etats dits "liberal" (qu'on peut traduire par "classés à gauche" et "progressistes") du Maryland, du Massachusetts, du New Jersey, de Hawaï et du district de Columbia, c'est-à-dire la capitale Washington, exigent un tel permis de port d'armes.

En Californie, la délivrance de ce sésame dépend des shérifs et de policiers locaux, en fonction des comtés et de leurs couleurs politiques.


Il est plus facile d'obtenir un permis dans un comté rural républicain qu'à San Francisco, l'une des villes les plus "progressistes" des Etats-Unis.

La décision choc de la Cour suprême ne vient pas immédiatement casser les législations locales restrictives au port d'armes mais va certainement provoquer de multiples recours en justice.

"Il va y avoir un jeu du chat et de la souris qui sera intéressant à observer" entre progressistes et conservateurs, prédit ainsi Jeffrey Fagan, professeur de droit à l'université Columbia à New York.

"Dégâts" de la Cour suprême


Keechant Sewell, cheffe de la puissante police de New York (NYPD), chargée de mettre en oeuvre le programme du maire à poigne Eric Adams de lutte contre les armes à feu, a déjà prévenu que quiconque "portera illégalement une arme à New York sera interpellé".

Et le procureur de Manhattan Alvin Bragg a déjà promis "une nouvelle législation sur les armes à feu avec des mesures les plus strictes possibles qui atténuent les dégâts faits aujourd'hui".



Près de Washington, l'Etat du Maryland a aussi averti par la voix de son procureur général que ses lois très restrictives contre les armes à feu "avaient fait la démonstration d'une réduction de la violence".

Brian Froch a ainsi promis de "continuer de se battre pour protéger la sécurité des habitants du Maryland".

De même dans le Massachusetts: la procureure générale Maura Healey a souligné que cet Etat de la Nouvelle-Angleterre "avait l'un des taux de morts par arme à feu les plus faibles du pays car on sait que des lois strictes sauvent des vies".

Près de 400 millions d'armes étaient en circulation dans la population civile aux Etats-Unis en 2017, soit 120 armes pour 100 personnes, selon le projet Small Arms Survey, et plus de 45.000 personnes ont été tuées en 2020 par armes à feu, dont la moitié environ se sont suicidées selon Gun Violence Archive.

Dans ce contexte, le Sénat des Etats-Unis a adopté jeudi soir un projet de loi soutenu par des élus des deux principaux partis, avec des restrictions sur l'accès aux armes à feu et des milliards de dollars pour financer la santé mentale et la sécurité dans les écoles. Le projet, adopté par 65 voix --dont quinze républicains-- contre 33, a toutes les chances d'être validé à la Chambre des représentants vendredi.

Avec AFP
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