Ukraine: Moscou accuse l'UE et l'Otan d'agir comme Hitler

 



Les déclarations russo-soviétiques brillent, traditionnellement, par leur surréalisme. Au lendemain de la décision des Vingt-Sept d'octroyer à l'Ukraine et à la Moldavie le statut de candidat à l'Union européenne, les sorties des responsables russes étaient plutôt pathétiques. Moscou n'a pas hésité d'accuser l'UE et l'Otan d'organiser une coalition contre la Russie, comme l'a fait en son temps Hitler contre l'Union soviétique.

D'abord, rappelons-le, plusieurs dirigeants européens affirment que le fait d'accorder à Kiev et à Chisinau le statut de candidats ne va pas empêcher Bruxelles de les faire attendre des décennies avant d'accepter leurs adhésions. Il est donc clair que le geste de l'UE est hautement symbolique, destiné avant tout à afficher la solidarité de l'Europe avec l'Ukraine envahie.
Il "ne s'oppose pas"

La diplomatie russe a dénoncé vendredi la décision européenne, y voyant une manoeuvre géopolitique contre Moscou en pleine offensive chez son voisin ukrainien. La réplique moscovite a été bien orchestrée. Elle a été lancée dans la nuit de jeudi à vendredi et s'est poursuivie jusqu'à vendredi soir. Les rôles aussi ont été bien choisis, du sommet du Kremlin jusqu'aux pavés de la place Rouge.

Poutine d'abord, le premier à affirmer, sans qu'on lui pose la question, qu'il "ne s'oppose pas" à la décision européenne. C'est grandiose, avouons-le.

Au petit matin, c'est le tour de Dmitri Peskov, le chétif porte-parole du Kremlin, qui s'était montré très mesuré en déclarant que "c'est une affaire intérieure à l'Europe", relevant néanmoins qu'il était "important" que "tous ces processus n'apportent pas davantage de problèmes à la Russie".

UE + Otan  = Troisième Reich !

Vendredi après midi, c'était le tour de Sergueï Lavrov, spécimen vivant de l'apparatchik sorti tout droit de sa limousine "Tchaïka". Le ministre des Affaires étrangères, digne héritier de Jdanov, en passant par Molotov et autres Gromyko, a estimé qu'une adhésion de l'Ukraine et de la Moldavie ne présentait "aucun risque" pour la Russie, car l'UE n'est pas une alliance militaire, et a rappelé que le président Vladimir Poutine avait affirmé qu'il ne s'y opposait pas. Là aussi tout va bien dans le meilleur du monde.

A peine quelques minutes plus tard, le "diplomate", apparemment piqué par une mouche génétiquement modifiée suite à des fuites de plutonium, n'a pas tardé à adopter un vocabulaire martial. Il accuse l'UE et l'Otan de vouloir faire la guerre à la Russie, comme l'avaient fait les nazis en leur temps.

"Hitler sous son étendard avait rassemblé une grande partie de l’Europe pour faire la guerre contre l'Union soviétique", a-t-il dit. "Aujourd'hui, l'UE et l'Otan rassemblent une telle coalition contemporaine pour lutter et, dans une large mesure, faire la guerre à la Russie", a-t-il ajouté!
"Accaparement géopolitique"

Passons à présent chez Maria Zakharova, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Mme. Zakharova a indiqué que la décision européenne "confirme qu'un accaparement géopolitique de l'espace de la CEI (la Communauté des Etats indépendants, qui rassemble plusieurs pays d'ex-URSS, ndlr) se poursuit activement afin de contenir la Russie".

Selon elle, l'UE a pour objectif "de fixer avec les régions de son voisinage des relations reposant sur le principe maître-esclave". Elle a affirmé que Bruxelles use de "méthodes de chantage politique et économique" et fait pression sur les Etats candidats pour qu'ils prennent des "sanctions illégitimes" contre Moscou.

Rappelons que la décision européenne intervient quatre mois après le début de l'offensive russe contre son voisin ukrainien, destinée notamment à mettre fin au rapprochement de l'Ukraine avec l'Occident...

G.F.H


 


Crise alimentaire: Poutine dénonce l'Occident "cynique"

Le président russe Vladimir Poutine a défendu vendredi la position de Moscou dans la crise alimentaire, en rejetant une nouvelle fois la faute sur l'Occident "cynique" devant une quinzaine de dirigeants d'Afrique et d'Asie.

"Le marché de l'alimentation est déséquilibré de la manière la plus grave", a déclaré M. Poutine, lors d'un sommet virtuel des "Brics Plus" réunissant les dirigeants du Brésil, de Russie, d'Inde, de Chine, d'Afrique du Sud, ceux d'Algérie, d'Egypte, du Sénégal, d'Indonésie, du Cambodge, ainsi que d'Argentine.

Il a dénoncé le "cynisme" des pays occidentaux, notamment des Etats-Unis, en les accusant de "déstabiliser la production agricole mondiale" avec des restrictions imposées aux livraisons des engrais russes et bélarusses et des "entraves" à l'exportation du blé russe.

Il a de nouveau démenti tout rôle de Moscou dans cette crise alimentaire, imputée par l'Occident à l'offensive russe en Ukraine.
Berlin réplique: la Russie prend "le monde en otage"

L'Allemagne a accusé vendredi la Russie de prendre "le monde entier en otage" en utilisant la faim "comme arme de guerre", a dénoncé la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock, alertant sur un véritable "tsunami" de la faim risquant de s'abattre sur certains pays. Baerbock s'exprimait à l'occasion d'une conférence à Berlin visant à trouver des "solutions" à la crise alimentaire provoquée par la guerre en Ukraine.

L'Allemagne organise une conférence à Berlin visant à trouver des "solutions" à la crise alimentaire provoquée par la guerre en Ukraine. Intitulée "S'unir pour la sécurité alimentaire mondiale", cette conférence se tient avant le sommet des dirigeants du G7, organisé en Bavière à partir de dimanche. Les ministres de 40 Etats y participent, dont les Etats-Unis ou encore des pays durement touchés par la crise, comme le Nigeria, la Tunisie et l'Indonésie.

 

L'invasion russe de l'Ukraine, avec notamment le blocus imposé aux ports de la mer Noire, fait grimper en flèche les prix des denrées alimentaires et a contribué à la flambée mondiale de l'inflation.

La Russie nie pour sa part avoir bloqué le passage des cargos et accuse les sanctions occidentales de contribuer à la crise alimentaire. Un argument qui ne tient pas, a répliqué le chef de la diplomatie américaine. "Depuis le premier jour où nous avons imposé des sanctions contre la Russie pour son invasion de l'Ukraine, nous avons exclu de ces sanctions les produits alimentaires, les engrais et tout ce qui a trait leur acheminement", a répliqué Anthony Blinken lors d'une conférence de presse en soirée.
Retrait de Severodonetsk

Les Ukrainiens ont ordonné à leurs forces de se retirer vendredi de la ville stratégique de Severodonetsk, concédant aux Russes après une résistance acharnée une avancée dans le Donbass, alors que dans le sud, où les forces ukrainiennes sont par contre plutôt à l'offensive, un attentat a causé la mort d'un fonctionnaire de l'administration mise en place par les Russes à Kherson. C'est la première fois que les autorités prorusses annoncent la mort d'un des leurs dans ce type d'attaques, qui se multiplient.


Vendredi matin, Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la province de Lougansk, où se situe Severodonetsk, a annoncé sur Telegram que les forces armées ukrainiennes avaient "reçu l'ordre" de se retirer de la ville.



Bombardée depuis des semaines par les forces russes faute de réussir à en prendre le contrôle, Severodonetsk est une étape cruciale dans leur plan de conquête de l'intégralité du Donbass, un bassin industriel de l'est de l'Ukraine déjà en partie tenu par des séparatistes prorusses depuis 2014.

"Cela ne fait plus aucun sens de rester sur des positions qui ont été constamment bombardées depuis des mois", alors que la ville a été "presque réduite à l'état de ruines", a expliqué le gouverneur.

Severodonetsk et sa ville jumelle Lyssytchansk, située juste de l'autre côté de la rivière Donets, sont aujourd'hui quasiment encerclées par les forces russes, qui grignotent chaque jour un peu plus de territoire alentour.

Mykolaïvka, ville située à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Lyssytchansk, est aux mains de l'armée russe, a indiqué M. Gaïdaï, ajoutant que les Russes tentaient désormais de "conquérir Guirské", une commune voisine.

Un représentant des séparatistes prorusses, Andreï Marotchko, a pour sa part affirmé sur Telegram que tous les villages de la zone de Guirské étaient déjà sous contrôle russe.
Washington minimise

Les Etats-Unis ont cependant de leur côté minimisé vendredi l'importance du retrait ukrainien, une haute responsable du Pentagone soulignant "le prix payé par la Russie pour ce très petit gain".



"Les Russes arrivent tout juste à gagner du territoire centimètre par centimètre". Ce que font les forces ukrainiennes, "c'est consolider leurs forces sur des positions où elles peuvent mieux se défendre", a assuré à la presse cette haute responsable ayant requis l'anonymat.

Lyssytchansk semblait néanmoins à son tour se préparer à l'arrivée des Russes. A l'entrée de la ville, en partie privée d'eau, de gaz et d'électricité, des soldats creusaient des tranchées.
"Les armes manquent, bon sang"

A Kramatorsk, une ville située en arrière du front, un soldat s'identifiant par son prénom, Volodymyr, en poste devant l'hôpital militaire, a témoigné du nombre important de blessés amenés du front depuis des semaines.

"On amène beaucoup de gars", dont environ 40% souffrent de contusions, et le reste de blessures par des éclats d'obus, a-t-il dit.

Dès que les blessés graves sont suffisamment stabilisés, ils sont envoyés vers des hôpitaux mieux équipés dans des villes ukrainiennes. "Il y a un gros turnover, les gars ne restent pas plus de 2-3 jours" hormis ceux qui ne sont pas transportables, a-t-il ajouté.

"Les gars que je vois ici sont très patriotes, je ne dirais pas qu'ils sont de la chair à canon. Ils sont équipés de tout ce qu'il faut, mais ce sont les armes qui manquent, bon sang", dit-il encore, soulignant le manque d'armes lourdes à disposition de l'armée ukrainienne.


Attentat à Kherson

A Kherson, l'une des rares grandes villes du pays conquise par les Russes dans ce conflit, "le chef du département de la famille de la jeunesse et des sports, Dmitri Savloutchenko, est mort", a indiqué sur Telegram le chef adjoint de l'administration prorusse, Kirill Stremooussov, dénonçant, comme Moscou, "un acte de terrorisme".

Selon l'administration locale, le responsable, tué dans l'explosion de sa voiture, a été victime d'une attaque "ciblée".

Ces dernières semaines, les forces ukrainiennes sont repassées à l'offensive dans la zone pour tenter de reprendre des territoires perdus depuis l'invasion du 24 février. Et les attaques visant des responsables de l'occupation, dont plusieurs ont été blessés, se sont multipliées en parallèle dans la région de Kherson et celle voisine de Zaporijjia.
Offensive russe à Kharkiv

La Russie a par ailleurs intensifié depuis plusieurs jours son offensive sur la grande ville de Kharkiv, dans le nord-est. Une équipe de l'AFP sur place a entendu de fortes explosions dans le centre-ville dans la nuit, puis constaté vendredi matin que l’Institut polytechnique avait été touché par plusieurs missiles.



Toutes les vitres du bâtiment soviétique ont explosé et un immense gymnase en béton armé a été détruit. Selon un militaire présent, il n’y a pas eu de victime.

Une équipe de l’AFP a pu se rendre à Chuhuiv, ville située entre Kharkiv et les positions russes, au sud-est de l’agglomération. Six civils y sont morts mercredi soir en attendant le bus. Dans le supermarché situé juste à côté, dont les vitres ont été brisées, on se presse pour aller acheter l’essentiel alors que le bruit des bombes gronde à l’horizon.

"On n'a pas entendu de sirène et on est choqués. On a très peur de sortir de chez nous, mais on ne peut pas partir, on a des personnes âgées qui ont besoin de nous", a raconté Dmytro Shmakov, 26 ans, chauffeur, tout habillé de noir.

A la frontière, le nombre d'Ukrainiens qui arrivent en Pologne dépasse cette semaine celui des retours, renversant la tendance observée depuis plus d'un mois, a-t-on appris vendredi auprès des garde-frontières polonais.

Avec AFP
Commentaires
  • Aucun commentaire