Arthur Rimbaud, l'unijambiste
Très jeune, il porta un intérêt flagrant à la magie et à l’alchimie. Il criait sur tous les toits « J’ai fait la magique étude du bonheur » pour parvenir au « dérèglement de tous les sens », axe essentiel de sa doctrine. Il mourut deux fois : physiquement, à l’âge de 37 ans et littérairement, à l’âge de 17 ans, quand il déposa sa plume au pied de la dernière rime.

Il grandit dans une famille souffrant d’un handicap affectif, où l’on ne se déboutonnait pas. Père déserteur. Mère acariâtre, austère, bondieusarde, punaise de sacristie. À l’âge de 15 ans, il veut devenir « Parnassien ou rien ». Très tôt, il établit une relation épistolaire avec Paul Verlaine qui l’invite : « Venez chère grande âme, on vous appelle, on vous attend ! »

Rimbaud n’arrivait pas à poser son cul sur une chaise. Ses pieds devaient fouler de nouveaux terrains, embarquer sur des bateaux, de préférence ivres. Il avait tout le temps la fièvre de rompre avec les traditions, de quitter Charleville, ville sombre, triste et bête. Il prit la vie à bras-le-corps. Il chercha la clé qui lui permettrait de pénétrer dans la profondeur des choses. La poésie en était une. Ses poèmes étaient des petits cailloux, le menant à « la liberté libre » au bout de laquelle il se retrouvait « un pied près de son cœur », en position fœtale sous un « ciel, Muse » ! Il connut la débauche dont il va vite se lasser, en suivant le conseil de son héros Baudelaire : « Après une débauche on se sent toujours plus seul, plus abandonné. » Il quitta dès lors tout : La mère Rimbe, Verlaine aux yeux de chat, Charleville, le vice, une nouvelle forme d’art, une nouvelle forme de vie, son désir d’être l’égal de Dieu, son génie. Il renforça sa solitude en se barrant la route à l’éternité qui lui paraissait accessible. Tout ce qu’Arthur touchait brûlait, se transformait en cendres.


Tumeur au genou. Rapatrié à Marseille où on lui scia la jambe, à lui, à l’homme, au bohémien « aux semelles de vents », comme le qualifiait Verlaine. Sa sœur Isabelle, genoux à terre, priait pour lui. Il ouvre les yeux. Il n’est pas en Afrique. Il veut repartir à l’aventure, clopin-clopant. À cloche-pied. Retrouver l’Afrique, son teint basané qui renforçait le bleu ciel de ses yeux qui ne voyaient plus les couleurs de ses « voyelles ». Il rend son dernier souffle le 10 novembre 1891 à deux heures du matin, lui qui, sa vie durant, tel Icare, était subjugué par le soleil de la vraie vie.

 
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