"Le président de la République Michel Aoun voudrait s’entretenir avec le Premier ministre désigné Najib Mikati dès mardi pour clarifier la situation, s’enquérir de la nouvelle mouture gouvernementale et s’assurer que les remarques qu’il lui avait adressées vendredi ont été prises en considération", indique une source informée à Ici Beyrouth.
La responsabilité qui incombe au Premier ministre désigné Najib Mikati de former un gouvernement dans les plus brefs délais n’est certainement pas à envier, surtout dans un pays où les données politiques sont susceptibles de changer en un instant. Réputé pour sa politique "d’arrondissement des angles", M. Mikati est déterminé à réussir sa mission en évitant autant que possible de causer des frictions avec les différentes factions politiques, sans pour autant céder aux exigences des uns et des autres.
Malgré cette approche plutôt conciliante du chef du gouvernement, les tensions avec le Courant patriotique libre ne font que s’intensifier. En effet, le chef du parti aouniste, Gebrane Bassil, persiste à rendre la tâche de Najib Mikati pénible et compliquée. Le gendre du président de la République est allé jusqu’à poser une condition rédhibitoire au Premier ministre : Si le CPL ne se voit pas octroyé le portefeuille de l’Énergie, il veut obtenir en contrepartie le ministère de l’Intérieur.
Une revendication qui est loin d’être anodine, puisque ce ministère est tenu, depuis 2005, par un ministre sunnite appartenant à la mouvance du 14 Mars, ou relativement neutre, et a toujours échappé à l’emprise du Hezbollah. Mettre ce ministère entre les mains du CPL, donc sous la coupe du Hezbollah et de ses alliés, signifierait que l’ensemble des services de sécurité seraient désormais contrôlés d’une façon ou d’une autre par le 8 Mars, puisque la Sûreté générale et la Sécurité de l’État sont déjà réputées proches de l’alliance Hezbollah- CPL.
Cette éventualité ne risque pas de se concrétiser, car "Najib Mikati n’acceptera jamais que ce portefeuille ne soit plus du ressort de la communauté sunnite", affirme une source informée sous le couvert de l’anonymat. "Cela est une ruse de la part de Gebrane Bassil pour mettre le grappin sur plusieurs institutions qui relèvent du ministère de l’Intérieur et procéder à la nomination de personnalités proches du camp présidentiel", souligne la source en question.
Sur un autre plan, la volonté de M. Mikati d’attribuer le portefeuille des Finances à une personnalité proche du mouvement Amal a provoqué l’ire de M. Bassil, qui n’a pas tardé à dénoncer vendredi en fin de soirée "une politique de deux poids deux mesures", menaçant de ne pas accorder la confiance au prochain gouvernement.
La réponse du Premier ministre désigné à cette menace ne s’est pas fait attendre. Il a déclaré à l’issue de son audience avec le patriarche maronite Béchara Raï, à Dimane, qu’il était "opposé à la monopolisation d’un ministère par une communauté déterminée", mais compte tenu des circonstances actuelles, et en raison du fait que le mandat de Michel Aoun tire à sa fin, "il est inopportun d’engager une épreuve de force au sujet du ministère des Finances". Il a en outre souligné, dans une allusion à peine voilée au CPL, qu’il "ne pouvait pas se plier aux conditions et exigences de tel ou tel parti politique, surtout lorsque ce parti ne l'a pas désigné (à M. Mikati) au poste de Premier ministre, et qu'il a indiqué, de surcroît, qu'il ne désire pas participer au gouvernement et qu'il n'accordera pas la confiance".
Un point de vue partagé par le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt qui, à l'issue de son entretien dimanche à Aïn el-Tiné avec le président de la Chambre, Nabih Berry, a lancé une pique en direction du CPL, en déclarant que "la situation au niveau gouvernemental s’améliorerait si certains partis ne posaient pas de conditions rédhibitoires».
C’est d’ailleurs dans ce contexte que le bureau de presse de Najib Mikati a publié dimanche soir un communiqué lançant une attaque frontale contre le CPL, relevant que le parti aouniste a détenu le portefeuille de l'Énergie "pendant dix-sept ans, sans remédier à la crise de l’énergie". "L'entrée en matière des réformes est de ne pas attribuer le ministère de l'Énergie au CPL", affirme sans détours le communiqué du bureau de presse du Premier ministre désigné. Et le communiqué d'ajouter que c'est le CPL qui entrave la formation du gouvernement, "comme le prouve l'initiative irresponsable de faire fuiter à la presse la composition du gouvernement proposée par le Premier ministre".
Il reste que dans le contexte actuel, le chef du gouvernement bénéficie d’une position avantageuse (il est à la fois Premier ministre chargé de l’expédition des affaires courantes et Premier ministre désigné), car il dispose de toutes les cartes lui permettant de poursuivre les négociations avec le Fonds Monétaire International, de conclure un accord sur la délimitation de la frontière maritime avec Israël (prévue pour septembre prochain, d’après le ministre des Affaires étrangères sortant Abdallah Bou Habib, ndlr), et d'implémenter les réformes requises par la Banque mondiale et le FMI, notamment celles liées à la restructuration des banques et à la création de l'autorité de régulation du secteur de l'électricité qui soit indépendante du ministre.
Une nouvelle mouture mardi ?
L’aparté de Najib Mikati avec le patriarche maronite, samedi, a contribué à élargir le fossé entre le patriarcat et Baabda. "Le président voudrait s’entretenir avec M. Mikati dès mardi pour tirer au clair la situation, s’enquérir de la nouvelle mouture gouvernementale et s’assurer que les remarques qu’il lui avait adressées vendredi ont été prises en considération", explique une source digne de foi.
Et d’ajouter : "Le Premier ministre présentera au chef de l’État une proposition qui consiste à se conformer à la composition exacte du gouvernement sortant, en gardant les mêmes personnalités à la tête des ministères qu’ils président, à un ou deux changements près. Il ne cèdera certainement pas aux pressions du camp présidentiel, qui aimerait se débarrasser d’au moins cinq ministres actuels pour les remplacer par des figures politiques proches du CPL". "Il s’agirait des ministres sortant Abdallah Bou Habib (Affaires étrangères), Walid Fayad (Énergie), Bassam Maoulaoui (Intérieur), Ziad Makari (Information) et Hector Hajjar (Affaires sociales), qui ne serviraient plus les intérêts du parti orange sur plusieurs plans", confie-t-elle.
Finalement, une chose demeure certaine. La formation d’un gouvernement avant la fin du mandat de Michel Aoun n’est pas garantie, vu les circonstances actuelles qui présagent un blocage politique. L’appel du chef de l’Église maronite à élire un président "un mois au moins ou deux mois au plus avant la fin du mandat actuel" semblerait être la seule solution pour sortir le pays d’une nouvelle paralysie politique et institutionnelle.
La responsabilité qui incombe au Premier ministre désigné Najib Mikati de former un gouvernement dans les plus brefs délais n’est certainement pas à envier, surtout dans un pays où les données politiques sont susceptibles de changer en un instant. Réputé pour sa politique "d’arrondissement des angles", M. Mikati est déterminé à réussir sa mission en évitant autant que possible de causer des frictions avec les différentes factions politiques, sans pour autant céder aux exigences des uns et des autres.
Malgré cette approche plutôt conciliante du chef du gouvernement, les tensions avec le Courant patriotique libre ne font que s’intensifier. En effet, le chef du parti aouniste, Gebrane Bassil, persiste à rendre la tâche de Najib Mikati pénible et compliquée. Le gendre du président de la République est allé jusqu’à poser une condition rédhibitoire au Premier ministre : Si le CPL ne se voit pas octroyé le portefeuille de l’Énergie, il veut obtenir en contrepartie le ministère de l’Intérieur.
Une revendication qui est loin d’être anodine, puisque ce ministère est tenu, depuis 2005, par un ministre sunnite appartenant à la mouvance du 14 Mars, ou relativement neutre, et a toujours échappé à l’emprise du Hezbollah. Mettre ce ministère entre les mains du CPL, donc sous la coupe du Hezbollah et de ses alliés, signifierait que l’ensemble des services de sécurité seraient désormais contrôlés d’une façon ou d’une autre par le 8 Mars, puisque la Sûreté générale et la Sécurité de l’État sont déjà réputées proches de l’alliance Hezbollah- CPL.
Cette éventualité ne risque pas de se concrétiser, car "Najib Mikati n’acceptera jamais que ce portefeuille ne soit plus du ressort de la communauté sunnite", affirme une source informée sous le couvert de l’anonymat. "Cela est une ruse de la part de Gebrane Bassil pour mettre le grappin sur plusieurs institutions qui relèvent du ministère de l’Intérieur et procéder à la nomination de personnalités proches du camp présidentiel", souligne la source en question.
Sur un autre plan, la volonté de M. Mikati d’attribuer le portefeuille des Finances à une personnalité proche du mouvement Amal a provoqué l’ire de M. Bassil, qui n’a pas tardé à dénoncer vendredi en fin de soirée "une politique de deux poids deux mesures", menaçant de ne pas accorder la confiance au prochain gouvernement.
La réponse du Premier ministre désigné à cette menace ne s’est pas fait attendre. Il a déclaré à l’issue de son audience avec le patriarche maronite Béchara Raï, à Dimane, qu’il était "opposé à la monopolisation d’un ministère par une communauté déterminée", mais compte tenu des circonstances actuelles, et en raison du fait que le mandat de Michel Aoun tire à sa fin, "il est inopportun d’engager une épreuve de force au sujet du ministère des Finances". Il a en outre souligné, dans une allusion à peine voilée au CPL, qu’il "ne pouvait pas se plier aux conditions et exigences de tel ou tel parti politique, surtout lorsque ce parti ne l'a pas désigné (à M. Mikati) au poste de Premier ministre, et qu'il a indiqué, de surcroît, qu'il ne désire pas participer au gouvernement et qu'il n'accordera pas la confiance".
Un point de vue partagé par le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt qui, à l'issue de son entretien dimanche à Aïn el-Tiné avec le président de la Chambre, Nabih Berry, a lancé une pique en direction du CPL, en déclarant que "la situation au niveau gouvernemental s’améliorerait si certains partis ne posaient pas de conditions rédhibitoires».
C’est d’ailleurs dans ce contexte que le bureau de presse de Najib Mikati a publié dimanche soir un communiqué lançant une attaque frontale contre le CPL, relevant que le parti aouniste a détenu le portefeuille de l'Énergie "pendant dix-sept ans, sans remédier à la crise de l’énergie". "L'entrée en matière des réformes est de ne pas attribuer le ministère de l'Énergie au CPL", affirme sans détours le communiqué du bureau de presse du Premier ministre désigné. Et le communiqué d'ajouter que c'est le CPL qui entrave la formation du gouvernement, "comme le prouve l'initiative irresponsable de faire fuiter à la presse la composition du gouvernement proposée par le Premier ministre".
Il reste que dans le contexte actuel, le chef du gouvernement bénéficie d’une position avantageuse (il est à la fois Premier ministre chargé de l’expédition des affaires courantes et Premier ministre désigné), car il dispose de toutes les cartes lui permettant de poursuivre les négociations avec le Fonds Monétaire International, de conclure un accord sur la délimitation de la frontière maritime avec Israël (prévue pour septembre prochain, d’après le ministre des Affaires étrangères sortant Abdallah Bou Habib, ndlr), et d'implémenter les réformes requises par la Banque mondiale et le FMI, notamment celles liées à la restructuration des banques et à la création de l'autorité de régulation du secteur de l'électricité qui soit indépendante du ministre.
Une nouvelle mouture mardi ?
L’aparté de Najib Mikati avec le patriarche maronite, samedi, a contribué à élargir le fossé entre le patriarcat et Baabda. "Le président voudrait s’entretenir avec M. Mikati dès mardi pour tirer au clair la situation, s’enquérir de la nouvelle mouture gouvernementale et s’assurer que les remarques qu’il lui avait adressées vendredi ont été prises en considération", explique une source digne de foi.
Et d’ajouter : "Le Premier ministre présentera au chef de l’État une proposition qui consiste à se conformer à la composition exacte du gouvernement sortant, en gardant les mêmes personnalités à la tête des ministères qu’ils président, à un ou deux changements près. Il ne cèdera certainement pas aux pressions du camp présidentiel, qui aimerait se débarrasser d’au moins cinq ministres actuels pour les remplacer par des figures politiques proches du CPL". "Il s’agirait des ministres sortant Abdallah Bou Habib (Affaires étrangères), Walid Fayad (Énergie), Bassam Maoulaoui (Intérieur), Ziad Makari (Information) et Hector Hajjar (Affaires sociales), qui ne serviraient plus les intérêts du parti orange sur plusieurs plans", confie-t-elle.
Finalement, une chose demeure certaine. La formation d’un gouvernement avant la fin du mandat de Michel Aoun n’est pas garantie, vu les circonstances actuelles qui présagent un blocage politique. L’appel du chef de l’Église maronite à élire un président "un mois au moins ou deux mois au plus avant la fin du mandat actuel" semblerait être la seule solution pour sortir le pays d’une nouvelle paralysie politique et institutionnelle.
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