Ukraine: Medvedev brandit la menace nucléaire
"L'idée même de châtier un pays qui a le plus grand arsenal nucléaire au monde est absurde en soi. Et cela crée potentiellement une menace pour l'existence de l'humanité": C'est la logique évoquée mercredi par l'ex-président russe Dmitri Medvedev, en excluant par avance l'éventualité de sanctions prises contre Moscou par la justice internationale.

L'actuel vice-président du puissant Conseil de sécurité russe, a ainsi menacé par le recours à l'arme nucléaire à l'heure ou la Cour pénale internationale (CPI) enquête sur des crimes de guerre présumés commis en Ukraine. La Russie nie systématiquement toutes les exactions dont les forces russes sont accusées: bombardements de civils, exécutions sommaires, viols, etc. Et elle accuse en retour l'Ukraine de crimes de guerre.

L'ex-président russe Dmitri Medvedev lors de sa prestation de serment le 7 mai 2008.

M. Medvedev a été président de 2008 à 2012, lorsque Vladimir Poutine a brièvement quitté le Kremlin, en raison de la limite de mandats présidentiels, pour diriger le gouvernement.

Autrefois considéré comme une figure modérée, Dmitri Medvedev, qui a été Premier ministre de 2012 à 2020, s'est imposé depuis le début de l'offensive russe en Ukraine comme l'un des détracteurs les plus féroces des pays occidentaux.

Désormais abonné aux déclarations fracassantes, il a par exemple qualifié les adversaires de la Russie d'"enfoirés" et de "dégénérés".

L'ancien président s'en est aussi pris aux Etats-Unis, accusés d'être à l'origine de la traduction de la Russie devant des juridictions internationales, alors que Washington n'avait jamais été puni pour ses guerres menées à travers le monde et qui, selon lui, ont fait 20 millions de morts.

Medvedev à la fin de son mandat présidentiel en 2012 avec son Premier ministre de l'époque, Vladimir Poutine.
Au Donbass, avancée russe et évacuation de civils

Au Donbass, les civils ont continué mercredi d'évacuer la ville bombardée de Sloviansk, prochain objectif et priorité des forces russes dans leur plan de conquête totale du bassin du Donbass, après quatre mois et demi de conflit.

"L'évacuation est en cours", a déclaré le maire Vadim Liakh. "Il reste en ce moment 23.000 habitants" à Sloviansk, qui en comptait environ 110.000 avant le conflit, a-t-il ajouté dans une vidéo. Et "17 sont morts et 67 ont été blessés" depuis le début des hostilités.

Dans cette cité bombardée depuis plusieurs semaines, "les infrastructures essentielles fonctionnent toujours, mais il n'y a plus de réseau central d'approvisionnement en eau depuis un mois et un tiers de la ville se retrouve régulièrement sans électricité", a souligné M. Liakh.

"Mon principal conseil: évacuez !", a lancé le gouverneur de la région de Donetsk, Pavlo Kyrylenko, soulignant que "pendant la semaine, il n'y a pas eu un jour sans bombardement" à Sloviansk.

Une fille quitte la ville de Sloviansk, désormais dans le viseur de l'armée russe, en compagnie de son grand-père.

Les frappes y ont notamment détruit près d'un tiers d'un marché, a constaté un journaliste de l'AFP. Des habitants sont allés voir l'étendue des dégâts au milieu des débris calcinés. Un peu plus loin, quelques-uns continuaient de vendre leurs fruits et leurs légumes.

"Nous resterons chez nous. Nous avons des sous-sols et nous nous y cacherons. Que pouvons-nous faire d'autre ? Nous n'avons nulle part où aller, personne n'a besoin de nous", a lâché, dépitée, Galyna Vassyliivna, une marchande de légumes.

Mardi, Pavlo Kyrylenko avait déclaré que les derniers bombardements russes, dont celui qui a frappé le marché, avaient fait deux morts et sept blessés.

Comme d'autres responsables locaux, M. Liakh a affirmé que les forces ukrainiennes repoussaient les tentatives de percée russes vers Sloviansk et sa ville jumelle de Kramatorsk, le centre administratif de la partie du Donbass contrôlée par Kiev.

Alors que les combats font rage au Donbass, Kharkiv, la deuxième ville du pays, continue d'être la cible des missiles russes.

Selon lui, "les Russes n'arrivent pas à s'approcher" de Sloviansk ou à l'"encercler", car ils sont bloqués par les soldats ukrainiens à une quarantaine de kilomètres de là.

"Il y a en ce moment la plus brutale des confrontations, entre Sloviansk et Bakhmout", a résumé dans son adresse du soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Conquérir Donetsk

Après sa prise dimanche de Lyssytchansk, l'armée russe clame que la quasi-totalité de la province de Lougansk est entre ses mains, ce que les Ukrainiens continuent de nier. "Il y a toujours des combats dans deux villages", a assuré mercredi son gouverneur, Serguiï Gaïdaï.



Les Russes cherchent maintenant à conquérir la deuxième province du Donbass, celle de Donetsk, pour ainsi occuper l'intégralité de ce bassin minier, que les séparatistes prorusses contrôlent partiellement depuis 2014.

Mais il leur faut pour cela prendre Sloviansk et Kramatorsk, ses deux plus grandes cités conservées par les Ukrainiens.


Selon M. Gaïdaï, les militaires russes "essaient constamment de construire des passages pour transférer encore plus de matériel" vers la région de Donetsk.

Mardi, ils se trouvaient à une dizaine de kilomètres de Siversk, qu'ils pilonnent depuis plusieurs jours, et donc à une cinquantaine de kilomètres de Sloviansk.

Mercredi soir, les autorités séparatistes de la République populaire de Donetsk (DNR) ont annoncé sur Telegram que deux enfants ont été tués et trois autres blessés, ainsi que trois adultes, par des bombardements ukrainiens qui ont visé Makeïevka, près de Donetsk.
"Armes toxiques"

Le ministère russe de la Défense a aussi accusé mardi soir des "nationalistes ukrainiens" de préparer dans la région de Donetsk "une provocation avec l'utilisation de substances toxiques", dont "de grandes quantités de chlore amenées dans une station de filtration minée".

Des militaires ukrainiens aménagent des tranchées fortifiées à la lisière de la ville de Kharkiv.

Les Russes bombardent toujours la région de Mykolaïv, des frappes qui ont provoqué la mort d'au moins deux personnes mardi et mercredi, dénoncent les autorités ukrainiennes.

"La menace des tirs de missiles perdure dans la région de Mykolaïv" car la Russie "maintient quatre navires équipés d'armes de haute précision en mer Noire", estime l'armée ukrainienne.

Mais d'après le président ukrainien, cela pourrait changer car "l'artillerie occidentale - les armes que nous avons reçues de nos partenaires - ont commencé à agir très efficacement" et "nos défenseurs infligent des coups sévères" à la logistique russe.

Le système de missiles antiaériens NASAMS a été fourni par la Norvège en vue de sécuriser l'espace aérien ukrainien.

La Russie "ne ressent pas la pression des sanctions pour le moment puisque certains alliés hésitent à les activer", a déploré le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui recevait mercredi à Kiev le Premier ministre irlandais Micheal Martin.

"Notre priorité est la sécurité de l'espace aérien. Nous comptons sur l'arrivée de puissants systèmes de défense antiaérienne", a-t-il encore dit.

Le président ukrainien ne cesse de réclamer plus d'armes aux pays qui le soutiennent depuis le début de l'invasion russe. La petite Lituanie a annoncé mercredi qu'elle s'apprêtait mercredi à envoyer à l'Ukraine un drone turc, après une collecte de 5,9 millions d'euros pour son achat et une mobilisation populaire.

Volodymyr Zelensky a reçu mercredi le Premier ministre irlandais Micheal Martin.

Le Premier ministre irlandais a visité Borodyanka et Boutcha, deux localités de la banlieue de la capitale en partie détruites par les combats en mars, lorsque les forces russes étaient aux portes de Kiev, avant de se retirer pour concentrer leur offensive sur l'est et le sud de l'Ukraine.

Ces deux cités sont devenues des symboles des crimes de guerre présumés commis par les soldats russes dans ce conflit, sur lesquels la justice internationale a dit vouloir enquêter.
La Russie ressuscite les "Pionniers"

Les députés russes ont voté mercredi la création en Russie d'un mouvement national pour enfants et adolescents, visant notamment à leur enseigner les valeurs patriotiques, un système rappelant les organisations de jeunesse soviétiques.

Le Mouvement des "Pionniers" était, à l'époque de l'URSS, une organisation de jeunesse comparable aux scouts dans les pays libéraux, mais avec, en plus, un endoctrinement communiste. Toutefois, les "Pionniers" n'étaient pas aussi radicaux que la "Hitlerjugend", un mouvement paramilitaire de la jeunesse hitlérienne.

La participation au mouvement, qui semble s'inspirer de celui des "Pionniers" soviétiques et comprend la mise en place de tuteurs chargés de réaliser ces objectifs, se fera sur la base du volontariat.

Depuis son arrivée à la tête de son pays en 2000, Vladimir Poutine a placé le patriotisme au coeur de la politique de l'Etat, la rhétorique patriotique des autorités russes s'accentuant depuis le début de l'offensive russe en Ukraine le 24 février.

Par ailleurs, les députés ont adopté mercredi une loi punissant de lourdes peines de prison les appels à agir contre sa sécurité, au moment où Moscou réprime toutes les voix s'opposant à son offensive militaire en Ukraine.

Les députés russes de la Douma d'Etat ont procédé mercredi à une série de promulgations de lois renforçant la répression des opposants à la guerre en Ukraine.

Depuis le début de l'opération militaire russe en Ukraine le 24 février, les autorités russes ont renforcé la répression des voix critiques de cette offensive, en bloquant médias indépendants et réseaux sociaux et en faisant voter des lois punissant de lourdes peines de prison toute forme de critique ternissant l'image de l'armée.

Plusieurs Russes, opposants et simples citoyens, ont déjà été incarcérés pour de tels motifs dans l'attente de leur procès. Un député municipal de Moscou doit ainsi être jugé jeudi.
Avec AFP
Commentaires
  • Aucun commentaire