Un dernier festival pour Woody Allen et ses névroses
©Crédit photo: Ander Gillenea/AFP
Ostracisé depuis #MeToo, Woody Allen sort, mercredi en France, « Rifkin’s Festival », une comédie sur un cinéphile vieillissant, sardonique et névrosé qui a un air de testament pour le New-Yorkais, qui a avoué son envie de raccrocher les gants.

Le réalisateur connaissait déjà des difficultés pour financer ses films, mais a vu l’industrie lui tourner en quasi-totalité le dos après que sa fille adoptive Dylan Farrow l’a accusé de l’avoir agressée sexuellement quand elle était enfant. Woody Allen nie ces accusations, pour lesquelles aucune des deux enquêtes lancées n’a abouti. « Rifkin's Festival », disponible en ligne et dans quelques salles aux États-Unis, ne sort que mercredi en France, l’un des pays où le public est le plus fidèle au cinéaste, deux ans après sa présentation en ouverture du festival de San Sebastian (Espagne).

Il a d’ailleurs été tourné sur place, avec pour personnage principal un certain Mort Rifkin, écrivain raté et hypocondriaque. L’acteur et dramaturge Wallace Shawn, proche de Woody Allen et habitué des seconds rôles, incarne cet intellectuel juif obsédé par les femmes, la religion et le sens de la vie - personnage semi-autobiographique omniprésent chez le cinéaste de la côte Est. Ancien professeur de cinéma, amoureux des grands réalisateurs européens du XXe siècle et de la Nouvelle Vague, Rifkin se rend à San Sebastian pour accompagner sa femme, Sue (Gina Gershon).

Il suspecte cette dernière, attachée de presse dans le cinéma, d’entretenir une liaison avec le réalisateur en vogue dont elle s’occupe et pour lequel il a le plus grand mépris, Philippe (Louis Garrel, parfait dans le rôle du cinéaste tête à claques et nonchalant).

Fatalement, de son côté, Mort tombera amoureux d’une autre femme, Jo (Elena Anaya), une cardiologue bien plus jeune que lui, qu’il va consulter sous tous les prétextes, avant de tenter de la libérer de l’emprise de son mari, un artiste passionné mais violent joué par Sergi Lopez.
À 86 ans, l’auteur d’« Annie Hall » et « Manhattan » ne sort pas des sentiers battus. Les réparties sont parfois savoureuses, mais les situations quelque peu éculées, dans une comédie en forme d’hommage au cinéma d’auteur européen du XXe siècle.


Bergman, Fellini, Godard, Truffaut, Buñuel... Le film est parsemé de clins d’œil aux grands réalisateurs que Woody Allen vénère, lui qui fait dire à son personnage, navré de la production cinématographique contemporaine, que dans l’histoire du cinéma, « les Européens sont arrivés et les films sont devenus adultes ».
Allen lui-même est apparu las, lors d’une interview donnée à l’acteur Alec Baldwin, sur le compte Instagram de ce dernier, fin juin, où il n’a pas écarté que son 50e film, qu’il doit tourner à Paris en septembre, soit le dernier.
« Je vais probablement faire ce film supplémentaire, mais beaucoup de l’enthousiasme s’est évaporé », a-t-il lâché. « Je ne m’amuse plus autant à faire un film et à le faire projeter sur grand écran », a-t-il ajouté, évoquant l’arrivée du streaming.

Woody Allen est-il comme le personnage de « Rifkin’s Festival », dépassé par les évolutions du monde qui l’entoure, et ne trouvant comme seul refuge que les classiques du 7e art ?

Dans le film, Rifkin rêve, en noir et blanc, rejouant en mode pastiche des scènes cultes de ses films fétiches, de « Jules et Jim » à « Un homme et une femme », jusqu’à se retrouver, comme dans « Le Septième Sceau », à jouer aux échecs avec la mort (interprétée par Christoph Waltz) ...qui l’enjoint de surveiller son cholestérol pour repousser l’échéance !

Croisé lors d’une projection privée du film à Paris, le réalisateur Claude Lelouch souriait de l’hommage impertinent fait par le New-Yorkais à son cinéma : « Il ose tout ! », a-t-il lâché, en sortant de la séance.

AFP
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