Mini-lune de miel pour Wang et Blinken à Bali
Le désir de baisser la tension et de calmer les ardeurs est partagé. Entre Washington et Pékin, les sujets qui fâchent sont légion. La question de Taïwan d'abord, l'île protégée des Etats-Unis est continuellement menacée par les incursions de la chasse chinoise et les déclarations enflammées de Pékin, qui compte la "ramener dans son giron". Ensuite, Les Américains veulent convaincre la Chine de renoncer à son rapprochement avec la Russie et condamner l'invasion de l'Ukraine afin de renforcer l'isolement international de Poutine. Xi Jinping n'a pas soutenu l'invasion, mais s'efforce de montrer sa sympathie envers le président russe dans le cadre d'une politique de "neutralité douteuse". Le but de la réunion bilatérale à Bali est donc de garder un contact à haut niveau entre les deux puissances, et ce, malgré leurs profonds litiges. Ni Pékin ni Washington ne veulent une nouvelle Guerre froide et savent parfaitement qu'une dégradation de leur relation desservirait les deux parties. Cela dit, les responsables américains sont parfaitement conscients que toute mini-lune de miel avec la Chine pourrait être éphémère...

 



 

Les chefs de la diplomatie chinoise et américaine, Wang Yi et Antony Blinken, ont tenu samedi une rare et inhabituellement longue rencontre dans l'île indonésienne de Bali, se félicitant de discussions "constructives" et d'un "consensus" pour essayer de détendre les relations orageuses entre les deux superpuissances.

"Malgré la complexité de nos relations, je peux dire avec une certaine confiance que nos délégations ont trouvé les discussions d'aujourd'hui utiles, franches et constructives", a déclaré M. Blinken après cinq heures d'entretiens avec M. Wang, au lendemain d'une réunion des chefs de la diplomatie du G20 à Bali.
Le contentieux de Taïwan

Il a cependant noté que la pression militaire croissante de Pékin sur Taïwan, une île démocratique que la Chine considère comme une partie intégrante de son territoire et qu'elle s'est juré de reprendre un jour, restait un problème pour Washington.

"J'ai fait part des profondes préoccupations des États-Unis concernant la rhétorique et les activités de plus en plus provocantes de Pékin à l'égard de Taïwan et de l'importance vitale du maintien de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan", a souligné M. Blinken à l'issue de la rencontre.

Joe Biden lors d'une réunion avec le président sud-coréen Yoon Seok-youl, et le Premier ministre japonais Fumio Kishida en marge du sommet de l'Otan à Madrid, le 29 juin dernier.

Le ministère chinois des Affaires étrangères a lui aussi jugé la rencontre satisfaisante. "Les deux parties, sur la base de la réciprocité et des bénéfices mutuels, ont atteint un consensus pour faire en sorte que le groupe de travail conjoint sino-américain atteigne davantage de résultats", a-t-il indiqué dans son compte-rendu.
L'invasion russe de l'Ukraine

M. Blinken a également demandé à son homologue chinois de prendre ses distances avec Moscou et de condamner "l'agression" russe contre l'Ukraine.

"C'est vraiment le moment où nous devons tous nous lever, comme l'ont fait les pays du G20 les uns après les autres, pour condamner l'agression", a-t-il déclaré.

La veille, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait claqué la porte de la réunion avec ses homologues du G20 après avoir essuyé un torrent de critiques concernant l'invasion russe de l'Ukraine.

Antony Blinken et son homologue russe Sergueï Lavrov lors d'une réunion à Genève en janvier dernier, alors que Washington s'inquiétait de la mobilisation militaire russe à la frontière ukrainienne...

"Il y avait un fort consensus et la Russie a été laissée isolée, comme elle l'a été à de nombreuses reprises depuis le début de cette guerre", a déclaré M. Blinken. "En fait, le ministre des Affaires étrangères, M. Lavrov, a quitté la réunion plus tôt que prévu, peut-être parce que ce message avait été si clair et retentissant", a-t-il estimé.


Il a également annoncé que les États-Unis allaient fournir une aide supplémentaire de 360 millions de dollars à l'Ukraine, notamment pour la nourriture, l'eau potable et les soins de santé d'urgence.
Reprendre langue

L'objectif principal de la rencontre, la reprise d'un dialogue de haut niveau entre les États-Unis et la Chine, semble avoir été atteint.

Alors que l'Occident s'efforce d'isoler la Russie après l'invasion de l'Ukraine et que l'économie mondiale est en proie à des incertitudes croissantes, Pékin et Washington ont pris des mesures de précaution pour empêcher que leurs innombrables divergences ne dégénèrent en conflit incontrôlable.



Les États-Unis chercheront "à faire tout ce qui est possible pour empêcher toute erreur de calcul qui pourrait conduire par inadvertance à un conflit", a déclaré aux journalistes, avant la rencontre, le plus haut diplomate américain pour l'Asie de l'Est, Daniel Kritenbrink.

"La Chine et les États-Unis sont deux grands pays, il est donc nécessaire pour les deux pays de maintenir des échanges normaux", avait de son côté déclaré M. Wang avant la rencontre.
Éviter une nouvelle Guerre froide

Les tensions restent présentes. Outre la question de Taïwan, le président américain Joe Biden a largement conservé la substance de la ligne dure de son prédécesseur Donald Trump à l'égard de la Chine.

Mais dans un récent discours, il a clairement indiqué que son pays ne cherchait pas à déclencher une nouvelle "guerre froide", même s'il a maintenu ses critiques, notamment en accusant Pékin de génocide à l'encontre du peuple ouïghour, majoritairement musulman.

Le 5 mars à la frontière entre la Pologne et l'Ukraine: Antony Blinken était venu assurer son homologue ukrainien Dmytro Kuleba du soutien américain.

On s'attend à ce que l'administration Biden assouplisse prochainement certaines des surtaxes douanières imposées par Trump sur les produits chinois, ce qui pourrait atténuer l'inflation, devenue un handicap politique majeur aux États-Unis.
Changement de rhétorique

Xi Jinping, le dirigeant le plus puissant de Chine depuis des décennies, devrait, en effet, remanier son équipe de politique étrangère au congrès du Parti communiste qui se tiendra plus tard cette année.

Joe Biden et Xi Jinping lors d'une visioconférence en novembre 2021.

Mais Craig Singleton, qui suit l'évolution de la Chine au sein de la Fondation pour la défense des démocraties, basée à Washington, s'attend à ce que M. Xi nomme de nouveau des technocrates capables de travailler avec Washington.

"La raison en est simple : l'économie chinoise est confrontée à des vents contraires considérables et les décideurs chinois semblent désireux de reconnaître que la rhétorique agressive de la Chine s'est retournée contre elle", a-t-il estimé.

Avec AFP
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