Les méduses, trésor de la science
©©AFP/Pascal Pochard
Les méduses, dont les piqûres douloureuses font fuir les baigneurs, ont permis des avancées scientifiques notables. Au nombre desquelles figurent notamment la compréhension du «choc anaphylactique» et le recours à la fluorescence de certaines méduses dans les recherches, principalement sur les tumeurs ou la maladie d’Alzheimer.

Elles sont petites, violettes et leurs piqûres sont incroyablement douloureuses. Si les méduses perturbent la baignade sur le littoral méditerranéen, elles recèlent aussi des spécificités physiologiques dont l’étude a fait avancer la science et laisse entrevoir de multiples utilisations.

Apparues il y a 600 millions d’années, les méduses font partie des premiers habitants de la planète. Constituées de 95 à 98% d’eau, dépourvues de cerveau, capables de flotter et de nager, mais pas de résister aux courants marins, elles font partie du zooplancton (plancton animal, faisant partie de l’ensemble des espèces aquatiques entraînées par le courant). «Elles sont présentes toute l’année, dans un courant qui fait le tour de la Méditerranée et a tendance à rester au large», explique Fabien Lombard, enseignant-chercheur au centre d’océanographie de Villefranche-sur-Mer, dans le sud-est de la France. «C’est le flux du Sud qui les a ramenées sur les côtes», poursuit-il.

«Ces animaux aveugles piquent tout ce qu’ils touchent pour essayer de manger, constate le chercheur. Ils injectent des neurotoxines pour immobiliser leur proie et des enzymes de digestion». Et chacun a sa méthode pour calmer les douleurs d’après-piqûres. «Faire pipi dessus ne sert à rien», assure en riant Fabien Lombard, qui conseille de ne surtout pas «frotter, rincer à l’eau de mer et enlever les cellules urticantes avec du sable mouillé».

Si les méduses perturbent la baignade sur le littoral méditerranéen, elles recèlent aussi des spécificités physiologiques dont l’étude a fait avancer la science et laisse entrevoir de multiples utilisations.
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«Gélification» de l’océan

Au niveau environnemental, la prolifération des méduses serait telle qu’elle provoquerait une «gélification» des océans, selon un rapport de septembre 2019 du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec). Une affirmation qui divise la communauté scientifique: «On n’a pas de mesures fiables permettant de dire qu’il y en a plus», précise Fabien Lombard. Soulignant que si «dans les années 80-90, à Villefranche-sur-Mer, il y avait des méduses cinq à six années d’affilée, puis celles-ci disparaissaient dans les cinq à six années suivantes», il fait remarquer que cette année est «la vingt-cinquième d’affilée avec des méduses».


Pour Lovina Fullgrabe, scientifique de la station de recherche sous-marine et océanographique (Stareso) de Calvi en Corse, «la surpêche qui élimine leurs prédateurs, comme les thons ou les tortues, est une des hypothèses» privilégiées pour expliquer cette plus grande fréquence des méduses. Et si l’organisation des Nations unies pour l’alimentation (FAO) recommandait en 2013 de les manger, pour lutter contre leur prolifération, Fabien Lombard met en garde contre l’idée de traiter «ce symptôme d’un déséquilibre dans la mer» plutôt que la maladie originelle, qui est la raréfaction des poissons du fait de la surpêche.

Apparues il y a 600 millions d’années, les méduses font partie des premiers habitants de la planète.
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Deux prix Nobel

Mais si ces animaux inquiètent, ils ont aussi permis des avancées scientifiques notables. En 1913, le prix Nobel de médecine a récompensé des travaux sur le fonctionnement du venin de cousines de méduses qui ont permis de comprendre «le choc anaphylactique»: le venin diminue au lieu de renforcer l’immunité des personnes déjà piquées. «C’était un peu une révolution, jusque-là tout le monde était plutôt dans l’idée que plus on s’expose à quelque chose, moins on y est sensible», explique Fabien Lombard.

En 2008, un second prix Nobel, de chimie cette fois-ci, a couronné des travaux sur la capacité de certaines méduses à briller dans le noir, via une protéine. Cette fluorescence a été utilisée par de nombreux biochimistes, biologistes et chercheurs en médecine dans leurs recherches, notamment sur les tumeurs ou la maladie d’Alzheimer, avait souligné en 2008 le comité Nobel. «Cela a révolutionné la biologie cellulaire en permettant littéralement d’allumer les cellules quand elles s’activent, pour voir comment elles fonctionnent», résume Fabien Lombard.

La NASA a embarqué des méduses à bord de vols spatiaux pour étudier leur reproduction en apesanteur, et l’Union européenne a lancé un appel à projets en 2017, «GoJelly», pour étudier comment en tirer profit dans les secteurs de l’alimentation, la fertilisation, la cosmétique ou la dépollution. Car «les méduses sont pleines de potentiel», assure l’enseignant-chercheur. Elles servent comme alimentation pour les poissons d’aquaculture, engrais ou stabilisant d’humidité des sols pour des cultures comme la vigne dans les Landes, le riz en Chine ou le basilic au Mexique. Leur collagène est utilisé dans les cosmétiques, les couche-culotte ou les tampons hygiéniques en Israël, et pour assouplir le béton dans des installations antisismiques en Russie, énumère le scientifique. Pour lui, l’utilisation la plus prometteuse est celle «du mucus de méduse», composé d’une molécule qui «semble favoriser la repousse des cartilages» humains.

Avec AFP
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