Le cœur de Charlotte Valandrey, actrice séropositive, a lâché
©Crédit photo: Pierre Andrieu/AFP
L’actrice Charlotte Valandrey, consacrée par le film Rouge Baiser en 1985 et qui avait rendu publics sa séropositivité et ses problèmes au cœur, est décédée mercredi à 53 ans après une nouvelle greffe n’ayant pas pris.

Née le 29 novembre 1968 à Paris, Anne-Charlotte Pascal grandit dans une famille aisée. Son père développe des logiciels de calcul, sa mère est pianiste. Premiers castings à l’adolescence. Elle opte pour le pseudonyme « Valandrey », en hommage au Val André, la station balnéaire de son enfance bretonne.

Petite, menue, dotée d'un sacré tempérament, la jeune fille brune aux yeux bleus laser illumine le film Rouge Baiser (1985) de Véra Belmont, son premier rôle.
Elle y incarne, dans la France de la Guerre froide, Nadia, jeune révoltée qui milite aux Jeunesses communistes et voit son idéal vaciller après une rencontre amoureuse (Lambert Wilson).

Suite à l’énorme succès du film, on lui prédit un destin à la Sophie Marceau, de deux ans son aînée. Elle remporte l’Ours d’argent de la meilleure actrice à Berlin, est nommée au César du meilleur espoir féminin. Gloire, fêtes, insouciance... À quelques jours de ses 18 ans, elle apprend qu’elle a contracté le VIH. Avec un « prince gothique », membre d’un groupe de rock connu, dira-t-elle.

Elle taira sa séropositivité jusqu’en 2005 et la publication de son autobiographie L’Amour dans le sang, gros succès de librairie (180.000 ventes) sera adapté en téléfilm.

Charlotte Valandrey Crédit Photo: Loïc Venance/AFP

« Cette garce » de maladie qu’elle tenait à distance…

« La maladie, cette garce, je la tenais à distance », confie-t-elle à L’Express. Elle prend régulièrement du poids. « Mes kilos voulaient dire que je suis en bonne santé ». Elle n’informe que ses parents et ses amoureux. Pressentie pour le rôle principal de Noce blanche (1989), elle partage aussi son secret avec le metteur en scène. C’est Vanessa Paradis qui est choisie... »Les paillettes s’envolent comme des cendres... Un truc s’était cassé, le cinéma m’avait quittée » dira-t-elle…

Certes, elle rebondit à la télévision en jouant de 1991 à 2000 dans la série Les Cordier, juge et flic (jusqu’à 11,4 millions de téléspectateurs) ou dans Demain nous appartient (2017-2019), mais n’aura jamais la carrière à laquelle elle semblait promise.


Elle doit également se battre au quotidien. Sa trithérapie épuise son cœur, on lui en transplante un, en 2003. Elle devient ainsi la première séropositive greffée du cœur en France. « En sortant de ma greffe, je pesais 35 kg. J’ai divorcé, déménagé, je n’ai plus eu de travail ou de vie sociale. Cela faisait beaucoup ». Elle s’accroche néanmoins, surtout pour sa fille Tara, née séronégative en 2000 de sa « volonté de survivre ». Comme lors de ce nouveau coup dur en 2008. Un infarctus. Son cœur s’arrête de battre pendant 22 secondes.

Elle remonte la pente, notamment grâce à la psychanalyse. Retrouve le chemin des planches, se met à la chanson et continue dans l’écriture, avec un septième livre publié en 2022 Se réconcilier avec soi. Elle s’engage aussi activement en faveur du don d’organes et devient la marraine de la fondation « Greffe de vie ».

Résolument optimiste, elle gardait une certaine amertume des années où elle s’était sentie lâchée. « Aujourd’hui, quand Stromae chante ses pensées suicidaires ou Florent Pagny parle de son combat contre le cancer, on les soutient et c’est bien. Moi, à l’époque, on m’a laissée toute seule dans mon coin ».

« En attente de mon 3e », écrit-elle sur Instagram le 8 juin. Avec un humour teinté de lassitude : « J’ai besoin de toutes vos ondes positives. Car la Warrior est moins Warrior... » Et si, quelques jours après seulement, elle obtient un nouveau cœur, la greffe sera un échec. Elle a été opérée le 14 juin pour remplacer son « cœur d’occasion » comme elle l’appelait, mais cette nouvelle greffe n’a pas pris, ce troisième cœur n’a pas vécu…

Les associations d’aide aux malades du Sida ont twitté des messages d’hommages, à l’instar de Aides : « Nous apprenons avec émotion le décès de Charlotte Valandrey, qui a maintes fois contribué à nos côtés à lutter contre le VIH et les discriminations subies par les personnes qui vivent avec ».
Charlotte Valandrey a « été une grande et inlassable témoin de la vie avec le VIH et a ainsi permis de faire avancer le combat contre la stigmatisation », a écrit Sidaction sur ses réseaux.
Le groupe TF1, diffuseur de ces séries, a fait part de sa « profonde tristesse ».

Charlotte Valandrey doit être « inhumée dans l’intimité à Pléneuf-Val André », commune bretonne où elle passa des vacances durant son enfance et qui inspira son nom d’artiste, ont annoncé ses proches.

Une cérémonie religieuse aura lieu en septembre à Paris.

AFP
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