Cela fait un mois qu’une question en particulier préoccupe certaines sphères politiques libanaises : l’affaiblissement visible du président français à l’échelle nationale va-t-il fragiliser la continuité de son initiative pour le Liban ? Les commentaires vagues et très occasionnels que se contente dernièrement de faire le chef de l’État français concernant le dossier libanais portent à croire une fois de plus que l’initiative semble bloquée. Et pour cause : depuis les élections législatives du 15 juin dernier, Emmanuel Macron se trouve très affaibli dans le paysage politique français et doit gérer une France qui semble de plus en plus « ingouvernable ».
Le 24 avril dernier, Emmanuel Macron est réélu président de la République avec 58% des suffrages face à la candidate d’extrême droite Marine Le Pen. Traditionnellement, le camp du président élu bénéficie à l’Assemblée d’une majorité absolue sans grande difficulté, d’autant que les législatives suivent la présidentielle de deux mois. Cependant, le second quinquennat de M. Macron paraît considérablement fébrile compte tenu des résultats des élections législatives. La coalition présidentielle Ensemble récolte 245 sièges, bien loin d’une majorité absolue de 289 lui permettant de faire passer des lois au Parlement et de gouverner confortablement.
Après la formation d’un nouveau gouvernement, le chef de l’État devra composer au cas par cas avec les différents partis politiques pour faire passer ses réformes à l’Assemblée. Ce scénario tant redouté par les acteurs politiques favorise l’ingouvernabilité de la France. Cette situation inédite demande une mobilisation inédite et des efforts monstres de la part du camp présidentiel, nécessitant beaucoup d’énergie et de compromis.
La France fait donc face aujourd’hui à une phase d’instabilité, surtout avec l’inflation qui atteint selon l’Insee 5,8% par rapport à l’année dernière. Des contestations éclatent déjà : la France connaît d’importantes grèves ces derniers jours. Cela peut être perçu comme un début de remise en question de la légitimité du second quinquennat d’Emmanuel Macron qui devra prouver qu’il peut gérer une telle situation.
Au niveau de la politique étrangère, les choses se compliquent pour Emmanuel Macron. L’invasion russe en Ukraine et ses conséquences sur l’Occident retiennent l’attention du monde entier. Investi dans une politique européenne de sanctions à l’encontre du régime russe, Macron en subit les conséquences avec les coupures de l’acheminement du gaz russe vers l’Europe. Dépendante en grande partie de l’importation à partir de la Russie, l’Europe subit une crise sans précédent et une inflation qui ne cesse d’augmenter de jour en jour. Selon Randa Takieddine, journaliste franco-libanaise basée à Paris, « Emmanuel Macron fait du conflit ukrainien sa priorité numéro 1 étant donné que la guerre est en Europe et à la porte de son pays ».
Du côté libanais, c’est au lendemain de l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth que M. Macron arrive au Liban. Porteur d’un message d’espoir, il fait part d’un engagement total et réitère son soutien indéfectible au peuple libanais. D’une part, il affirme que la France ne lâchera pas le Liban plongé dans une crise économique sans précédent depuis octobre 2019. D’autre part, il s’engage à modifier les équilibres sur la scène politique libanaise en proposant une feuille de route claire aux dirigeants libanais. Elle repose sur « la formation d’un gouvernement de mission » dont les membres seraient indépendants des partis politiques. Suite à l’entretien du président Macron avec tous les dirigeants de la classe politique libanaise, ceux-ci ont approuvé la feuille de route française et ont exprimé leur soutien à l’initiative.
C’est ainsi que Moustapha Adib, ambassadeur du Liban à Berlin, est désigné Premier ministre et chargé de former un gouvernement sur base de l’initiative avancée par la France. Il doit alors composer avec l’intégralité des acteurs politiques pour former un gouvernement d’action pouvant accomplir les réformes exigées par la communauté internationale. Presque un mois plus tard, le 26 septembre 2020, il se récuse ne pouvant rassembler les acteurs politiques autour de la même table. Il s’en suit la désignation de Saad Hariri qui ne sera pas capable de former lui aussi un gouvernement durant 9 mois.
Plus d’un an après la démission du gouvernement de Hassan Diab au lendemain de l’explosion du 4 août, l’homme d’affaires Najib Mikati est désigné Premier ministre et chargé de former un nouveau gouvernement. S’étant présenté sous l’égide de l’initiative française, celui-ci parvient à former un cabinet le 10 septembre 2021. Il a pour mission d’accélérer les réformes pour une sortie de crise et de reprendre les négociations avec le FMI. C’est alors que la France exprime pleinement son soutien au gouvernement de Mikati, considéré comme proche de l’Élysée. Néanmoins, le gouvernement démissionnaire depuis la tenue des élections législatives le 15 mai dernier, n’a pas réussi son pari et ses objectifs n’ont clairement pas été atteints.
Aujourd’hui, M. Mikati étant désigné à nouveau Premier ministre, aucun cabinet ne voit le jour depuis près d’un mois et les obstacles demeurent multiples. Paris est alors amené à composer simultanément avec les Iraniens et l’Arabie Saoudite, sans laquelle aucun plan de sauvetage financier ne pourrait voir le jour. Cependant, et avec les circonstances exceptionnelles qui animent la scène politique française et internationale, plusieurs observateurs craignent qu’Emmanuel Macron ne puisse donner toute son attention au Liban, d’autant que son initiative semble quasiment suspendue. Selon Randa Takieddine, « l’initiative est modifiée : Macron continue à œuvrer avec les Arabes et les Américains pour pousser les Libanais vers les réformes » tout en ajoutant qu’« il n’est plus question d’une initiative mais Macron reste engagé et même très engagé dans le dossier libanais ». Elle affirme même à Ici Beyrouth que « la cellule diplomatique de l’Élysée chargée du dossier libanais suit de très près ce que le gouvernement de Mikati peut faire comme réformes et elle est très alerte sur les questions libanaises en essayant même d’engager l’Arabie Saoudite ».
De son côté, Farès Souaid, ancien leader du 14 Mars, réfute cette thèse et considère que l’initiative portée par Macron est « invisible ». Il a justifié cela par « la guerre en Ukraine qui a fragilisé la situation de l’Europe dont M. Macron se montrait comme le porte-étendard, ouvert à tous les protagonistes du Moyen-Orient dont le Liban ». M. Souaid estime ainsi que « le contenu de cette initiative était incompatible avec la réalité des choses : la France voulait absolument dissocier la crise que nous sommes en train de vivre des armes du Hezbollah » tout en ajoutant que « cette dissociation était réfléchie de la part de la France qui défendait ses intérêts avec l’Iran dans le Moyen-Orient ». Quant au général Khalil Hélou, vice-président de l’association Liban-Message et candidat aux législatives du 15 mai 2022, il développe une approche plutôt géopolitique de l’initiative. Rappelant que la France avait lancé son initiative au moment où « le Moyen-Orient, y compris le Liban, n’était plus prioritaire pour les États-Unis », il souligne que « la France a rempli ce vide avec le consentement des Américains ». Le général Hélou juge en outre que « pour avancer, l’initiative française dépend des relations entre Paris et Téhéran ». « Des moyens de pression doivent être exercés ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », relève l’analyste en faisant observer que « l’initiative est aujourd’hui bloquée ».
Malgré les divergences des points de vue concernant la continuité de l’initiative française, il est évident que la France voudrait jouer un rôle prépondérant au Liban. Mais la question qui se pose est la suivante: Est-ce que la France a les moyens de sa politique ?
Le 24 avril dernier, Emmanuel Macron est réélu président de la République avec 58% des suffrages face à la candidate d’extrême droite Marine Le Pen. Traditionnellement, le camp du président élu bénéficie à l’Assemblée d’une majorité absolue sans grande difficulté, d’autant que les législatives suivent la présidentielle de deux mois. Cependant, le second quinquennat de M. Macron paraît considérablement fébrile compte tenu des résultats des élections législatives. La coalition présidentielle Ensemble récolte 245 sièges, bien loin d’une majorité absolue de 289 lui permettant de faire passer des lois au Parlement et de gouverner confortablement.
Après la formation d’un nouveau gouvernement, le chef de l’État devra composer au cas par cas avec les différents partis politiques pour faire passer ses réformes à l’Assemblée. Ce scénario tant redouté par les acteurs politiques favorise l’ingouvernabilité de la France. Cette situation inédite demande une mobilisation inédite et des efforts monstres de la part du camp présidentiel, nécessitant beaucoup d’énergie et de compromis.
La France fait donc face aujourd’hui à une phase d’instabilité, surtout avec l’inflation qui atteint selon l’Insee 5,8% par rapport à l’année dernière. Des contestations éclatent déjà : la France connaît d’importantes grèves ces derniers jours. Cela peut être perçu comme un début de remise en question de la légitimité du second quinquennat d’Emmanuel Macron qui devra prouver qu’il peut gérer une telle situation.
Au niveau de la politique étrangère, les choses se compliquent pour Emmanuel Macron. L’invasion russe en Ukraine et ses conséquences sur l’Occident retiennent l’attention du monde entier. Investi dans une politique européenne de sanctions à l’encontre du régime russe, Macron en subit les conséquences avec les coupures de l’acheminement du gaz russe vers l’Europe. Dépendante en grande partie de l’importation à partir de la Russie, l’Europe subit une crise sans précédent et une inflation qui ne cesse d’augmenter de jour en jour. Selon Randa Takieddine, journaliste franco-libanaise basée à Paris, « Emmanuel Macron fait du conflit ukrainien sa priorité numéro 1 étant donné que la guerre est en Europe et à la porte de son pays ».
Du côté libanais, c’est au lendemain de l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth que M. Macron arrive au Liban. Porteur d’un message d’espoir, il fait part d’un engagement total et réitère son soutien indéfectible au peuple libanais. D’une part, il affirme que la France ne lâchera pas le Liban plongé dans une crise économique sans précédent depuis octobre 2019. D’autre part, il s’engage à modifier les équilibres sur la scène politique libanaise en proposant une feuille de route claire aux dirigeants libanais. Elle repose sur « la formation d’un gouvernement de mission » dont les membres seraient indépendants des partis politiques. Suite à l’entretien du président Macron avec tous les dirigeants de la classe politique libanaise, ceux-ci ont approuvé la feuille de route française et ont exprimé leur soutien à l’initiative.
C’est ainsi que Moustapha Adib, ambassadeur du Liban à Berlin, est désigné Premier ministre et chargé de former un gouvernement sur base de l’initiative avancée par la France. Il doit alors composer avec l’intégralité des acteurs politiques pour former un gouvernement d’action pouvant accomplir les réformes exigées par la communauté internationale. Presque un mois plus tard, le 26 septembre 2020, il se récuse ne pouvant rassembler les acteurs politiques autour de la même table. Il s’en suit la désignation de Saad Hariri qui ne sera pas capable de former lui aussi un gouvernement durant 9 mois.
Plus d’un an après la démission du gouvernement de Hassan Diab au lendemain de l’explosion du 4 août, l’homme d’affaires Najib Mikati est désigné Premier ministre et chargé de former un nouveau gouvernement. S’étant présenté sous l’égide de l’initiative française, celui-ci parvient à former un cabinet le 10 septembre 2021. Il a pour mission d’accélérer les réformes pour une sortie de crise et de reprendre les négociations avec le FMI. C’est alors que la France exprime pleinement son soutien au gouvernement de Mikati, considéré comme proche de l’Élysée. Néanmoins, le gouvernement démissionnaire depuis la tenue des élections législatives le 15 mai dernier, n’a pas réussi son pari et ses objectifs n’ont clairement pas été atteints.
Aujourd’hui, M. Mikati étant désigné à nouveau Premier ministre, aucun cabinet ne voit le jour depuis près d’un mois et les obstacles demeurent multiples. Paris est alors amené à composer simultanément avec les Iraniens et l’Arabie Saoudite, sans laquelle aucun plan de sauvetage financier ne pourrait voir le jour. Cependant, et avec les circonstances exceptionnelles qui animent la scène politique française et internationale, plusieurs observateurs craignent qu’Emmanuel Macron ne puisse donner toute son attention au Liban, d’autant que son initiative semble quasiment suspendue. Selon Randa Takieddine, « l’initiative est modifiée : Macron continue à œuvrer avec les Arabes et les Américains pour pousser les Libanais vers les réformes » tout en ajoutant qu’« il n’est plus question d’une initiative mais Macron reste engagé et même très engagé dans le dossier libanais ». Elle affirme même à Ici Beyrouth que « la cellule diplomatique de l’Élysée chargée du dossier libanais suit de très près ce que le gouvernement de Mikati peut faire comme réformes et elle est très alerte sur les questions libanaises en essayant même d’engager l’Arabie Saoudite ».
De son côté, Farès Souaid, ancien leader du 14 Mars, réfute cette thèse et considère que l’initiative portée par Macron est « invisible ». Il a justifié cela par « la guerre en Ukraine qui a fragilisé la situation de l’Europe dont M. Macron se montrait comme le porte-étendard, ouvert à tous les protagonistes du Moyen-Orient dont le Liban ». M. Souaid estime ainsi que « le contenu de cette initiative était incompatible avec la réalité des choses : la France voulait absolument dissocier la crise que nous sommes en train de vivre des armes du Hezbollah » tout en ajoutant que « cette dissociation était réfléchie de la part de la France qui défendait ses intérêts avec l’Iran dans le Moyen-Orient ». Quant au général Khalil Hélou, vice-président de l’association Liban-Message et candidat aux législatives du 15 mai 2022, il développe une approche plutôt géopolitique de l’initiative. Rappelant que la France avait lancé son initiative au moment où « le Moyen-Orient, y compris le Liban, n’était plus prioritaire pour les États-Unis », il souligne que « la France a rempli ce vide avec le consentement des Américains ». Le général Hélou juge en outre que « pour avancer, l’initiative française dépend des relations entre Paris et Téhéran ». « Des moyens de pression doivent être exercés ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », relève l’analyste en faisant observer que « l’initiative est aujourd’hui bloquée ».
Malgré les divergences des points de vue concernant la continuité de l’initiative française, il est évident que la France voudrait jouer un rôle prépondérant au Liban. Mais la question qui se pose est la suivante: Est-ce que la France a les moyens de sa politique ?
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