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À l’approche de Noël, les partitions musicales s’animent, emplissant l’air de leur esprit festif. Pour cette occasion, Ici Beyrouth vous invite, dans le second article de cette série, à (re)découvrir trois airs populaires de Noël qui ont bercé l’enfance de nombreuses générations, perpétuant la magie de Noël jusqu’à nos jours.

Aussitôt que le vent balaie les dernières feuilles rousses, la nature s’empresse à se parer de son élégant manteau blanc. Dès lors, des mélodies féeriques commencent à s’éveiller, emplissant l’atmosphère d’une douce nostalgie. Des airs qui laissent entrevoir l’approche imminente de la magie de cette saison et des chaleureuses festivités de Noël. En dépit des tragédies qui ensanglantent le monde et des vicissitudes du quotidien, la célébration de la naissance du Christ perdure, illuminant l’obscurité de ces jours de son éclat immuable. Elle offre un répit précieux, invitant les croyants à méditer sur le sens de cette incarnation divine et ainsi la manifestation de l’amour incommensurable de Dieu pour l’Homme. Au-delà des célébrations religieuses, Noël demeure une période propice à l’unité, à la solidarité, à l’amour du prochain et à la fête.

Tout au long de cette saison festive, une frénésie musicale s’empare des artères animées des villes, des nefs sacrées des églises et des prestigieuses enceintes des salles d’opéra. Qu’elle soit religieuse ou profane, artistique ou populaire, occidentale, levantine, orientaliste ou autre, la musique parvient à rassembler les voix et les cœurs au-delà des différences culturelles, instillant ainsi la joie de cette fête. À cette occasion, Ici Beyrouth vous convie à une excursion musicale à la (re)découverte des grands classiques de Noël. Des chefs-d’œuvre intemporels des maîtres de la musique d’art occidentale aux mélodies captivantes des chansons populaires, allant des airs traditionnels aux compositions contemporaines, ces harmonies continuent d’illuminer l’Avent et les célébrations de la Nativité de leurs couleurs rutilantes.

Dans le second article de cette série, Ici Beyrouth met en avant trois chants populaires de Noël qui ont acquis, au fils des décennies, voire des siècles, une renommée internationale. Il serait néanmoins approprié de saisir cette opportunité pour célébrer la musique religieuse autochtone du Levant, que ce soit à travers les chants syriaques maronites qui s’apparentent aux traditions musicales populaires du Levant, ou encore les chants rûm orthodoxes qui s’apparentent aux traditions musicales artistiques du Levant.

Adeste Fideles

Adeste Fideles est une hymne traditionnelle de Noël remontant au XVIIIe siècle, dont les origines suscitent des incertitudes, laissant planer l’ombre d’un doute sur son auteur. Malgré les recherches approfondies menées par Dom John Stephan, moine bénédictin de l’abbaye de Buckfast en Angleterre, la question fondamentale sur la paternité de ce chant demeure sans réponse certaine. Cependant, il est largement accepté que ce chant est intimement lié à John Francis Wade (1711-1786), copiste et éditeur de plain-chant catholique romain du XVIIIe siècle, chez qui Adeste Fideles apparaît pour la première fois dans les manuscrits. Selon le musicologue irlandais William Henry Grattan Flood (1857-1928), les paroles et la musique de cette hymne sont clairement attribuables à une source catholique et destinées au culte catholique. Et en effet, John Francis Wade résidait au sein d’une communauté catholique anglaise qui aurait été exilée en France à la suite de l’échec de la rébellion jacobite de 1745. Cette révolte avait pour objectif de rétablir un monarque catholique, Jacques Stuart (1633-1701), dernier roi catholique de la monarchie britannique, sur le trône d’Angleterre. Selon l’hypothèse du musicologue britannique Bennett Zon, l’hymne pourrait être interprété comme un appel aux armes, encourageant les fidèles jacobites à revenir en Angleterre (Bethléem) avec une joie triomphante, et à vénérer le roi des anges, à savoir le roi anglais.

Quoi qu’il en soit, Adeste Fideles, signifiant "Venez, fidèles" en latin et largement connu en anglais sous le titre de O Come, All Ye Faithful, demeure aujourd’hui l’un des chants les plus fréquemment interprétés pendant le temps de Noël. Dans la vidéo ci-dessous, Luciano Pavarotti (1935-2007) en livre une prestation admirable aux côtés du chœur London Voices et du National Philharmonic Orchestra, dirigés par Kurt Herbert Adler (1905-1988).

Douce nuit, sainte nuit

Douce nuit, sainte nuit est l’un des chants de Noël les plus emblématiques au monde. À l’origine composé en allemand sous le titre Stille Nacht, heilige Nacht, ce cantique a depuis été traduit dans plus de 330 langues et dialectes. Son histoire remonte au début du XIXe siècle en Autriche. En effet, un manuscrit retrouvé en 1995 attribue les paroles à un jeune prêtre nommé Joseph Mohr (1792-1848) qui les auraient rédigées en 1816 à Mariapfarr, avant qu’il ne soit affecté à Oberndorf, un an plus tard. En 1818, Mohr confie ces vers à Franz Xaver Gruber (1787-1863), organiste et instituteur, lui demandant de composer une musique pour deux voix solos avec chœur et accompagnement pour guitare. Le soir du 24 décembre 1818, Stille Nacht est interprétée pour la première fois à l’église Saint-Nicolas d’Oberndorf, captivant l’auditoire par sa simplicité et sa beauté. La légende raconte que l’orgue en panne aurait inspiré la création d’une mélodie simple pour une performance avec une guitare. La renommée de ce cantique s’est répandue au-delà des frontières du village grâce aux familles de chanteurs folkloriques tyroliens, les Strassers et les Rainers, qui l’ont intégrée à leur répertoire de chants de Noël au Tyrol, puis à Leipzig et à New York. Au tournant du siècle, des missionnaires catholiques et protestants ont contribué à le diffuser sur tous les continents.

Dans la vidéo suivante, le célébrissime Stille Nacht, heilige Nacht est interprété par les Petits Chanteurs de Vienne, connus également sous le nom de Wiener Sängerknaben. Cette performance est extraite d’un CD édité en 2015 par la prestigieuse maison de disques Deutsche Grammophon. Il est à savoir que les Wiener Sängerknaben sont l’un des chœurs de garçons les plus anciens et célèbres au monde et remontent à 1498. Leur excellence musicale a contribué à maintenir leur renommée au fil des siècles.

Minuit, chrétiens

Minuit, chrétiens est un cantique de Noël célébrant la naissance de Jésus-Christ. Il est souvent interprété comme chant d’entrée lors de la messe de minuit dans l’Église catholique. Le poète français, Placide Cappeau (1808-1877), a écrit ses paroles, et le compositeur français, Adolphe Adam (1803-1856), en a composé la musique. Son histoire remonte à 1847 à Roquemaure, un petit village du sud de la France. Le curé de la paroisse, l’abbé Maurice Gilles, demande à Cappeau d’écrire un poème afin de célébrer, avec éclat, la restauration des vitraux (ou de l’orgue) de la collégiale Saint-Jean-Baptiste, qui coïncide avec la célébration de Noël. Cappeau, connu pour ses opinions anticléricales, accepte tout de même la demande du curé et écrit les paroles de chant qu’Adolphe Adam met aussitôt en musique, le considérant comme "La Marseillaise religieuse ". Minuit, chrétiens connaît rapidement une grande notoriété en France, avant d’être traduite en plusieurs langues, dont le fameux O Holy Night en anglais. Néanmoins, ce cantique n’a également pas manqué de susciter la controverse. En effet, certaines phrases spécifiques ont été considérées comme problématiques par l’Église, d’autant plus que l’auteur est athée et que des incertitudes subsistent sur la confession religieuse du compositeur, qui serait juif.

Dans la première version de Minuit, chrétiens, "l’Homme-Dieu", et donc le Christ, descend jusqu’aux Hommes pour "arrêter le courroux" de son Père – une description catégoriquement rejetée par la théologie chrétienne. Ce Père plein de courroux évoquerait davantage l’image de Dieu dans l’Ancien Testament que le Dieu rédempteur empli d’amour. La Revue de musique sacrée, consacrée à la musique liturgique catholique, publie plusieurs années plus tard: "Le Noël d’Adolphe Adam a été chanté dans beaucoup d’églises à la messe de minuit… peut-être ferait-on bien de renoncer à ce morceau dont la popularité est devenue de mauvais aloi. On le chante dans les rues, dans les salons, dans les cafés-concerts. Il dégénère et ravale. Le mieux est de le laisser faire son chemin loin du temple, où l’on peut fort bien se passer de lui."

Pourtant, près de deux siècles plus tard, l’œuvre a, heureusement ou malheureusement, résisté à toutes ces controverses. Dans la vidéo ci-dessous, le ténor péruvien, Juan Diego Flórez, chante Minuit, chrétiens avec l’Orchestre du Théâtre communal de Bologne sous la direction de Michele Mariotti, dans le cadre d’un CD édité en 2010 par la réputée maison de disques Decca.

 

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