La récente publication d’ouvrages critiques à l’égard les figures littéraires emblématiques du vingtième siècle suscite des réactions mitigées, malgré l’intérêt manifesté par les maisons d’édition pour ce créneau. Cette effervescence se manifeste également dans le milieu universitaire.

La journaliste Julie Clarini, dans un éditorial pour L’Obs, exprime sa lassitude face à cette tendance visant les géants de la littérature du vingtième siècle. Elle cite ainsi des titres provocateurs tels que "Oublier Camus", "Se méfier de Kafka", "Althusser assassin" et "Achever Sartre", qui semblent simplifier outre mesure le débat intellectuel. Elle critique notamment l’approche adoptée par Olivier Gloag dans "Oublier Camus", paru aux éditions de La Fabrique, lui reprochant de recycler des arguments éculés sous un vernis de nouveauté.

La démarche consistant à remettre en question le statut de ces auteurs consacrés est perçue comme périlleuse par Luc Fraisse, professeur de littérature à l’université de Strasbourg, qui souligne le risque d’infériorité intellectuelle du critique par rapport à ces monuments littéraires. Cette critique est renforcée par l’accueil majoritairement négatif réservé à "Se méfier de Kafka" de Geoffroy de Lagasnerie et "Althusser assassin" de Francis Dupuis-Déri dans la presse. "Achever Sartre" de Laurent Touil-Tartour, bien que moins controversé, suscite également le débat en réévaluant les dernières années de Jean-Paul Sartre et en critiquant sévèrement Simone de Beauvoir.

Le phénomène de la critique radicale n’est pas inédit dans le milieu académique, comme l’attestent des travaux antérieurs visant des figures telles qu’Emile Zola, Louis-Ferdinand Céline ou Jean Genet, souvent accusés de trahir les idéaux qu’ils prétendaient défendre. Les attaques contre Althusser, accusé de misogynie et de violence, et contre Camus, dépeint comme un défenseur de la colonisation et de la peine de mort, illustrent la virulence de certaines de ces critiques contemporaines.

Dominique Vaugeois, professeure de littérature à l’université de Rennes 2, regrette que la polémique soit devenue le principal vecteur de ces discussions. Elle reconnaît toutefois l’importance de remettre en question le panthéon littéraire pour maintenir un dialogue vivant entre le passé et le présent. Elle souligne la nécessité de ne pas laisser ces classiques reposer indûment sur leurs lauriers, mais de les confronter continuellement aux enjeux de notre époque.

 

Avec AFP.