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Micheline Nohra, formée à l’Académie libanaise des Beaux-Arts, nous entraîne grâce à son exposition Whispers of Obsession jusqu’au  23 avril à L’atelier by Maher Attar, dans un univers fantasque et burlesque faisant défiler une série de portraits mi-figuratifs, mi-abstraits érigés en caricatures étranges et improbables.

Les toiles à fond uni noir ou coloré font apparaître dans une explosion de couleurs vives des personnages aux visages vides de traits, mais non de caractère. Ces créatures clownesques issues de l’imaginaire de l’artiste se présentent comme des expressions allégoriques de la peur. Leurs têtes hirsutes ou chargées d’excroissances s’affichent en psychisme alourdi par l’angoisse, en peur toxique qui embrume le cerveau et s’y installe insidieusement.

Ces figures traversées par un flux d’énergie semblent véhiculer cette peur archaïque inscrite au plus profond de l’être, nourrie de traumas et de doutes, cette fragilité qui participe à l’essence même de la condition humaine. L’artiste, par l’expression de ses propres hantises, invite ainsi le spectateur à affronter ses propres craintes, créant une relation spéculaire, une sorte de miroir ou de défouloir permettant d’opérer la catharsis.

Micheline Nohra s’exprime par un langage propre, vif et audacieux, résolument teinté d’humour et de drôlerie pour décliner sur ses toiles angoisses et obsessions dans un subtil mélange de gravité et de gaieté. La phobie des cafards ou autres genres d’insectes est incarnée par une tête envahie par une libellule ou par une araignée qui grignote le cerveau. La hantise du vide est représentée par une forme féminine désespérément agrippée à une planche flottant en apesanteur. L’oiseau présent dans quelques œuvres reste le témoin amusé de toutes ces appréhensions et invite à prendre de la hauteur dans un appel à l’insouciance et à la légèreté.

En contre-pied s’affiche le personnage du crâneur, celui qui tire la langue à l’angoisse qui le nargue, celui qui arbore un large sourire souligné par un trait rouge qui déborde du visage, celui coiffé du gros ruban de Minnie pour mieux conjurer sa peur. Le pinceau de l’artiste résolument désinvolte participe ainsi à cette danse joyeuse se moquant de toute angoisse ou fixation. Comme une plume légère, il s’envole, tourne et virevolte, circule de toile en toile, trace des lignes fébriles et légères à fleur de peau afin de faire voler les cheveux au-dessus des têtes, faire tourner les cous comme des toupies, faire vibrer les personnages, leur insuffler la vie. Cette fluidité et liberté d’écriture fait circuler son flux d’énergie sur la toile dans un regard moqueur et tendre qui invite à l’autodérision.

Grâce à ce pied de nez artistique, l’œuvre d’art s’érige une fois encore en quête initiatique dans un appel à vivre une expérience libératrice. À voir et revoir jusqu’au 23 avril.

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