Le ministre de l’Énergie, Walid Fayad, semble se démener, depuis qu’il a pris ses fonctions, pour des résultats qui se font attendre. Le problème, le même depuis des années, est que Électricité du Liban (EDL) est dans l’impossibilité de financer son carburant et de fournir suffisamment de courant. En cause, la gestion désastreuse à laquelle continuent de s’accrocher les ministres successifs à la tête du ministère, tous proches du CPL et du camp présidentiel.

Une hausse de la tarification a été décidée pour pouvoir payer le carburant. Celle-ci entrera en principe en vigueur le 1er novembre. Mercredi soir, le chef du gouvernement Najib Mikati a adressé au ministère de l’Énergie une note dans laquelle il l’informe que le ministre des Finances a donné son aval à la hausse des tarifs d’électricité, demandant ainsi au ministère de l’Énergie de prendre les mesures nécessaires pour que la nouvelle tarification entre en vigueur le 1er novembre. Le ministre Fayad avait promis qu’elle serait concomitante à une hausse de l’approvisionnement. Mais comment, si le fuel n’est pas disponible? Rappelons que cette augmentation du tarif a été catégoriquement rejetée, il y a quelques jours, par le Hezbollah.

Pour l’ancien député de Tripoli, Ali Darwish, la hausse de la tarification de l’électricité a fait son chemin dans la tête des Libanais même les plus pauvres et les plus réticents. Il souligne à ce sujet: “ Les gens sont en train d’accepter jusqu’à un certain point la hausse de la tarification de l’électricité parce qu’ils sont en train de payer des sommes faramineuses aux générateurs privés. Si l’État libanais arrive à leur fournir quelques heures de courant par jour, certains vont pouvoir se passer des générateurs. Ainsi, même si EDL augmente ses prix, cela restera moins cher que les moteurs”. Quant à l’encaissement, “il y a une conviction chez les gens que si EDL ne perçoit pas les factures, il n’y aura pas d’électricité”, affirme-t-il.

Des réformes inéluctables

Mardi, le vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA), Ferid Belhaj, n’a pas mâché ses mots: l’institution n’aidera le secteur de l’électricité que si des réformes sont effectuées. Il a déclaré à ce propos: " L’État libanais doit entreprendre certaines réformes importantes. Quand elles atteindront un niveau qui nous donnera l’aptitude d’envisager positivement la possibilité de progresser avec une aide dans ce domaine, nous serons prêts à financer (des projets de développement de l’électricité), mais ces réformes sont encore loin du compte, aujourd’hui ".

Farid Belhaj a insisté particulièrement sur la question de l’audit des comptes d’Électricité du Liban, la mise en place de l’autorité de régulation du secteur, ainsi qu’une hausse de la tarification. " Ces réformes peuvent ouvrir la porte, que ce soit à travers la Banque mondiale ou d’autres partenaires, pour soutenir davantage le secteur de l’électricité au Liban ", a-t-il dit.

Rappelons que la Banque mondiale attend ces réformes importantes dans le secteur de l’électricité pour débloquer le financement d’environ 300 millions de dollars, qui permettra d’acheminer du gaz d’Égypte et de l’électricité de Jordanie, afin que le Liban jouisse de quelques heures de plus de courant. Mais le ministère se montre jusque-là réfractaire au lancement des réformes structurelles. Il s’est contenté d’annoncer une révision à la hausse des tarifs, sous prétexte que cette mesure est exigée par les bailleurs de fonds, mais sans l’inclure dans un plan clair. Le ministère avait relevé les tarifs dans le passé, sans que cela permette de réduire le déficit colossal d’EDL.

Il est donc demandé impérativement aux responsables du dossier de l’électricité d’accélérer les démarches pratiques nécessaires pour la réalisation des réformes afin de permettre l’acheminement de gaz et d’électricité vers le Liban. Attendre que Washington exempte le Caire des sanctions de la loi César ne sert à rien. Cette étape américaine ne se fera pas tant que Washington n’aura pas vu également de réformes tangibles dans la gestion du secteur de l’énergie au Liban.

Financement de la BDL?

Le ministère a établi un plan d’urgence dont l’objectif est de pouvoir fournir 8 à 10 heures d’électricité à la moitié du prix des groupes électrogènes privés. Mais la question demeure la même: comment payer le carburant?  Le ministre Fayad a assuré en début de semaine avoir discuté d’un appel d’offres public lancé par la Direction du pétrole afin d’assurer le carburant pour les six prochains mois dont le financement doit être discuté avec la Banque du Liban. L’idée est de payer le carburant 5 ou 6 mois plus tard afin de permetre à EDL de collecter les factures en livres libanaises et de les convertir en dollars via la plateforme d’échange Sayrafa. Mais la BDL a-t-elle les moyens d’avancer l’argent? Personne n’a été en mesure de nous répondre. À noter que le montant de l’appel d’offres varie, selon le prix du carburant, entre 100 et 150 millions de dollars par mois.

Quant au carburant irakien qui doit être acheminé dans le cadre d’un contrat signé en 2021 et prorogé en juillet 2022, il doit arriver le jeudi 27 octobre, assure le ministre à Ici Beyrouth. Il pourra donc faire tourner les centrales dès mardi mais cela ne donne que deux ou trois heures de courant par jour.

Pour ce qui est du fuel iranien, les discussions sont en cours, mais il faut une décision du conseil des ministres, explique une source au ministère de l’Énergie.

Quid du fuel algérien? Le ministre Walid Fayad se rendra en Algérie lundi prochain (31 octobre), selon la source précitée.