La Banque centrale d’Angleterre veut s’attaquer à la " finance de l’ombre ", en testant les institutions financières non bancaires. Une stratégie qui s’explique par le choc historique sur le marché de la dette britannique provoqué par ces institutions, qui a forcé la Banque centrale à intervenir.

 

La Banque d’Angleterre va tester la résistance des institutions financières non bancaires, cette " finance de l’ombre " responsable notamment du choc sur le marché de la dette britannique en septembre, a annoncé l’institution monétaire mardi.

La Banque centrale " va exécuter un exercice de scénario focalisé sur les risques venus d’institutions financières non bancaires ", comme les fonds d’investissements actifs sur le marché de la dette britannique, a indiqué le gouverneur de la BoE Andrew Bailey dans un courrier adressé au ministre des Finances.

La finance non-bancaire a enflé ces dernières années et elle est à l’origine d' "environ la moitié des actifs prêtés du système financier mondial " (AFP)

 

En septembre, dans le sillage d’annonces budgétaires ultra-coûteuses, mais non chiffrées par l’ex-Première ministre Liz Truss, le taux d’emprunt de l’État avait commencé à grimper rapidement.

" Des fonds d’investissements ont alors été contraints de vendre dans un marché peu liquide ", note le Comité de politique monétaire de la BoE dans les minutes de sa réunion, provoquant un choc historique sur le marché de la dette britannique et forçant la Banque centrale à intervenir.

La BoE ne régule pas les fonds LDI (liability driven investments), qui sont souvent basés à l’étranger, et recommande que le régulateur des fonds de pension ainsi que les régulateurs européens s’assurent que ces fonds maintiennent des niveaux de collatéraux suffisants pour éviter un tel choc dans le futur.

Réformes des régulateurs

" Des réformes des régulateurs pour améliorer la résistance des instituts financiers non bancaires sont à la fois nécessaires et urgentes ", a insisté M. Bailey lors d’une conférence de presse mardi. D’autant que la part de la finance non-bancaire a enflé ces dernières années et elle est à l’origine d' "environ la moitié des actifs prêtés du système financier mondial ", souligne la BoE.

La Banque d’Angleterre veut tester les établissements financiers non bancaires (AFP)

 

Outre le choc créé par les LDI, la Banque centrale britannique rappelle les ventes massives d’actifs au début de la pandémie de Covid-19 qui ont fait sombrer les marchés internationaux, ou l’envol du prix des matières premières début 2022 dans le sillage de l’invasion de l’Ukraine.

Si le mouvement des prix a été amorcé dans ces cas par des raisons géopolitiques, leur amplitude a été multipliée par des acteurs moins régulés que les banques, comme les fonds d’investissements, de pensions ou spéculatifs (hedge funds), aux placements parfois risqués.

La BoE veut donc tester les établissements financiers non bancaires, sur le modèle des " stress tests " qu’elle fait passer aux banques traditionnelles depuis 2014.

Les fonds ou entreprises qui seront testés, ou le scénario-catastrophe qui leur sera soumis, n’est pas encore établi, et " plus de détails seront partagés au premier semestre 2023 ", précise la Banque.

Longue récession

Les banques traditionnelles, quant à elles, sont en mesure de résister à la longue récession qui se profile et a déjà débuté au Royaume-Uni, selon les prévisions de la BoE.

En revanche, la hausse des taux d’intérêt fragilise les ménages britanniques, de plus en plus endettés alors que parallèlement les prix s’envolent – l’inflation atteint 11% – et que l’économie du Royaume-Uni entre en récession selon de nombreuses prévisions.

La BoE publiera jeudi sa dernière décision de politique monétaire de l’année, une nouvelle hausse de son principal taux directeur étant amplement anticipée par le marché.

La banque centrale " va exécuter un exercice de scénario focalisé sur les risques venus d’institutions financières non bancaires ", a indiqué le gouverneur de la BoE Andrew Bailey (AFP)

 

La moitié des propriétaires qui remboursent un emprunt sur le bien qu’ils occupent, soit environ 4 millions de ménages, seront soumis à un taux plus élevé d’ici fin 2023, avec un paiement moyen qui passerait de 750 livres à 1000 livres, selon la BoE.

Ce qui pourrait mener à " plus de défauts sur les prêts hypothécaires, mais également sur d’autres formes d’emprunt comme les cartes de crédit ou les prêts non sécurisés, ainsi qu’à une baisse marquée de la consommation ", note la BoE. Elle souligne aussi qu’une hausse des taux, si elle n’est pas accompagnée d’une baisse des prix immobiliers, rendra le premier achat d’un logement plus difficile.

" Les prix de l’immobilier ont grimpé de 20% sur les deux dernières années. Donc il y a de la marge avant d’atteindre une situation de capital négatif ", quand le prix du bien passe sous celui de l’emprunt, a nuancé Jon Cunliffe, de la BoE.

Avec AFP