Les acteurs économiques notent une légère amélioration au Liban en 2022. Mais tout n’est pas égal dans le pays des paradoxes. Voyons donc ce qu’a pu produire l’année passée au niveau économique et socio-économique. Et ce que 2023 peut générer.

PIB: Une augmentation de 2%, une première depuis la crise selon la BDL, qui justifie ce léger mieux par une multitude d’indicateurs, dont une meilleure activité touristique et une dollarisation partielle des revenus. Il reste que nous en sommes encore à 22 milliards de dollars, contre 58 milliards en 2019. L’année 2023 risque d’être au même niveau que 2022, ou un peu mieux si le Hezbollah et ses complices arrêtent de bloquer le pays.

Importations. Une explosion des chiffres avec 19 milliards de dollars d’achats à l’étranger. Mais comment a-t-on pu retrouver les niveaux d’avant la crise, alors que la pauvreté sévit de plus en plus? Plusieurs facteurs ont été avancés pour expliquer ce phénomène: l’enchérissement des carburants et autres produits au niveau mondial; la volonté des importateurs à stocker des marchandises avant que les droits de douane n’augmentent; la réexportation vers la Syrie; et puis une consommation plus soutenue. De fait, le déficit commercial a atteint 15,6 milliards de dollars. Un niveau insoutenable.

Livre. Chute continue due au vacuum politique et au coma des figurants au pouvoir, sans l’adoption d’aucune des réformes nécessaires. Les interventions de la BDL pour freiner cette chute ne pourront jamais influer sur le cours, en l’absence d’une vraie solution à la crise. Et ce n’est pas fini: la livre continuera de se déprécier cette année, jusqu’à ce qu’une bonne nouvelle tombe de quelque part.

Bourse. Les actions de Solidere ne cessent de grimper, pour atteindre 65 dollars. Une façon pour certains de sortir leurs lollars des banques, sans grand risque puisque cette entreprise, après tout, détient toujours des millions de mètres carrés constructibles. Ce qui est étonnant, par contre, c’est que les actions bancaires n’ont chuté que de 9% en moyenne, alors que leurs bilans financiers ont été fortement affectés. L’action BEMO s’est même appréciée de 9%. L’année 2023 sera aussi bénéfique pour Solidere, alors que le sort des actions bancaires dépendra des éventuelles législations qui seraient adoptées en la matière.

Bilan bancaire.  Les banques ont donc continué à essuyer des pertes, suite au différentiel de change pratiqué conformément aux circulaires 151 et 158 où le dollar était servi à 8 000 ou 12 000 livres, alors que le taux officiel dans les comptes bancaires demeurait à 1 500. Les banques ont également retiré près de quatre milliards de dollars en trois ans de leurs réserves à l’étranger pour servir des dollars frais à leur clientèle. Quant à leur portefeuille en eurobonds, il a fortement chuté en trois ans, passant de 15 milliards de dollars à 2,9 milliards, vendant ainsi à perte la plus grande partie de ce portefeuille. En plus, les remboursements des crédits en LL ont chuté drastiquement en valeur réelle. De sorte que plein d’emprunteurs de crédits immobiliers en LL auront ainsi obtenu leur logement pour presque rien – la traite mensuelle moyenne de 2 millions de livres étant devenue dérisoire. Encore une fois, leur situation cette année dépendra grandement des nouvelles législations en préparation.

Prêts bancaires. En trois ans, les crédits bancaires en dollars ont chuté de 38 milliards de dollars à 10 milliards. Les emprunteurs ont profité du fait qu’ils pouvaient rembourser en lollars (alors que les banques sont appelées à servir des dollars frais à leurs déposants). Cette pratique, manifestement injuste, risque de changer en 2023.

Dépôts bancaires. La chute continue d’année en année pour atteindre 95 milliards de dollars (moins 28 milliards en trois ans), et 45 trillions de LL (moins 22 trillions). Une partie a été utilisée pour rembourser des crédits, alors que l’autre a servi à la consommation courante. En plus, les intérêts sur les dépôts ont été presque ramenés à zéro. Cette tendance baissière va continuer, alors que, paradoxalement, les dépôts en dollars frais vont légèrement augmenter, surtout en cas de retour de la confiance.

Agriculture. Une baisse continue de la valeur de la production, car les agriculteurs sont tenaillés entre un manque de facilités financières, une indifférence étatique, et la fermeture des débouchés extérieurs, grâce au Captagon du Hezbollah. Seuls des FAO et autres PNUD, UE, USAID… tentent de sauver la mise.

Industrie. La production industrielle s’est améliorée en proposant des produits de remplacement aux produits importés, devenus trop chers. Mais cette amélioration est restée limitée car les crédits bancaires nécessaires à l’investissement n’existent plus. Une amélioration est cependant prévue pour 2023, grâce à l’exportation.

Immobilier. Une baisse de 27% des ventes, avec 80 000 opérations. Une évolution normale vu que seul le dollar frais était accepté. On s’attend d’ailleurs à une baisse supplémentaire en 2023 car des milliers d’acheteurs ont tenu à finaliser leurs opérations en 2022 pour éviter la hausse prévue des taxes. En outre, les propriétaires ont dû concéder une ristourne sur le prix de vente de 30% à 60% selon les régions, par rapport au niveau de 2019. Mais, en même temps, on ne signale que peu de nouvelles constructions vu que les coûts ont explosé alors que les acheteurs potentiels sont de plus en plus rares.

Aéroport. Une amélioration de 48% avec 6,3 millions de passagers, due à la levée des restrictions sanitaires, à une meilleure performance touristique (plus 65% de visiteurs étrangers) et, ne l’oublions pas, aux visites des expatriés qui sont malheureusement de plus en plus nombreux. Le pire est que nos niais responsables sont ravis, en se disant: "Plus on exporte nos jeunes et plus on aura des visiteurs à Noël".

Hôtellerie. Une petite activité, très saisonnière, avec près de 50% de taux d’occupation, et un tarif moyen de 46 dollars, ce qui n’améliore pas leur performance financière, surtout que la surcharge des coûts de l’énergie représente jusqu’à 40% des dépenses, un niveau intenable pour beaucoup d’hôtels, qui sont tentés de fermer leurs portes au cours de la saison basse. La tendance ne va pas changer en 2023 à moins qu’il y ait une meilleure alimentation électrique de l’EDL, mais avec un nouveau gouvernement et un plan viable, le ministre actuel étant un cas désespéré.

Prix. Nouvelle inflation en 2022, qui s’ajoute à celle enregistrée depuis 2019. Les prix en LL ont ainsi été multipliés en moyenne par 15 en trois ans, enfonçant encore plus de ménages dans la pauvreté. Avec in fine un décalage entre les dollarisés et les autres.

Et voilà le petit bilan qui n’émeut pas outre mesure les perchés en haut lieu. L’occasion pour eux de mendier un peu plus, une pratique érigée en politique d’État.

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