L’écrasante majorité des Libanais est sans doute sidérée par l’effondrement économique et financier sans précédent qui touche le pays. Il est vrai que le Liban a traversé plusieurs crises économiques depuis sa création en 1920, puis lorsqu’il a obtenu son indépendance en 1943. Néanmoins, la situation du pays a atteint des bas-fonds que l’on n’avait jamais vus auparavant.

La situation est, en effet, si grave que même les grandes instances internationales ont qualifié l’impasse libanaise actuelle de très préoccupante. Ces dernières ont également identifié des solutions claires pour débloquer la situation, à commencer bien évidemment par les réformes tant attendues depuis des décennies, mais qui n’ont malheureusement jamais été mises en place. Il faut savoir que ces réformes sont la base de toute relance économique, alors que plus de soixante pour cent des Libanais vivent sous le seuil de pauvreté.

Si l’effondrement tragique actuel vécu par les Libanais est le résultat de politiques économiques bancales mises en place à la fin de la guerre civile en 1990, de la corruption politique et économique, et de l’absence de mécanismes de reddition de comptes au sein des institutions judiciaires et de l’administration, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une rupture importante qui découle inéluctablement des politiques économiques mises en place avant la guerre civile.

Il est, en effet, peu judicieux de négliger les facteurs économiques et sociaux lorsque l’on étudie les causes de la guerre civile et les circonstances de son déclenchement en 1975, et de se concentrer uniquement sur les autres éléments ayant contribué au conflit, certains étant externes et d’autres internes. En réduisant la guerre à ses seuls aspects extérieurs, on sous-estime son impact sur le plan social.

D’emblée, au premier rang de ces éléments figuraient l’absence de justice sociale, et le fait que les autorités libanaises successives ne se sont souciées que de l’économie de rente et de consommation. Ce faisant, les secteurs financiers, bancaires, commerciaux et touristiques ont prospéré au détriment des secteurs industriels et agricoles, entre autres.

La prospérité du Liban durant son "âge d’or", lors des années soixante et soixante-dix, grâce au commerce, aux services et au tourisme, aurait du inciter les autorités à accorder plus d’importance à d’autres secteurs, afin de diversifier les capacités, le potentiel et les perspectives de l’économie libanaise et de ne pas limiter cette dernière. À fortiori si ces secteurs sont vulnérables aux défaillances sécuritaires, ou aux blocages politiques, qui pourraient entraver leurs conditions de réussite et leur pérennité, et affecter l’ensemble du pays. En dépit de la justesse ou non de la représentation économique du Liban avant la guerre, il est primordial de redéfinir les priorités économiques.

C’est le seul moyen de sortir le Liban de ses difficultés accumulées, qui se multiplient au quotidien, et qui ne font qu’intensifier la crise, rendant toute solution encore plus difficile et compliquée.

Les besoins sont très pressants. Il serait peut-être opportun de reconstruire l’économie libanaise selon de nouvelles bases qui pourraient l’aider à éviter les problèmes structurels auxquels le pays a fait face récemment. Cette économie, en état de ruine, offre une opportunité de reconstruire en évitant de perpétuer les mêmes erreurs qui mettraient en danger l’avenir du Liban.

Le pays du Cèdre a perdu beaucoup de ses avantages concurrentiels, qui le distinguaient avant et même après la guerre civile. Miser sur le recouvrement de ces avantages est dépassé à l’heure actuelle. En effet, de nombreux pays ont progressé à pas de géants, alors que le Liban est devenu lanterne rouge. Il serait donc nécessaire que le pays adopte une nouvelle politique économique et sociale qui tienne compte des changements majeurs survenus au cours des dernières décennies, ainsi que des évolutions qui se sont produites dans la région arabe à plus d’un égard.

À défaut, les échecs et les effondrements se poursuivront en vain !