Le secteur des semi-conducteurs, ces puces au cœur la quasi-totalité de nos appareils électroniques, a subi de plein fouet la crise du Covid-19. Miné par des pénuries d’ampleur, il est désormais affecté par les rivalités entre Américains et Chinois. Pour revenir à la stabilité, les entreprises du milieu misent tout sur l’intelligence artificielle, qui permettrait d’automatiser une grande partie de la production.

Bouleversée par les crises, entre pénurie et bataille entre les États-Unis et la Chine pour contrôler les lignes d’approvisionnement, l’industrie des semi-conducteurs s’enthousiasme à l’idée que l’intelligence artificielle (IA) puisse être la clé d’une certaine stabilité à long terme.

" La chose la plus excitante à l’heure actuelle est l’IA ", a déclaré Cristiano Amon, patron du géant américain de semi-conducteurs Qualcomm, lors d’un événement organisé en marge du salon mondial du mobile (MWC) à Barcelone.

Le dirigeant du leader dans le domaine des puces pour smartphones souhaite que les terminaux du monde entier soient équipés de composants capables de gérer les tâches les plus délicates liées à l’IA.

Au salon mondial du mobile de Barcelone, les géants du secteur des semi-conducteurs ont rappelé les bénéfices de l’IA (AFP)

Les semi-conducteurs, minuscules composants électroniques, sont essentiels dans tous les domaines, des smartphones et PC aux voitures électriques, en passant par les armes sophistiquées, la robotique et toutes les autres machines de haute technologie. Autant de domaines où l’IA est déjà très présente.

Mais les rivaux traditionnels de Qualcomm, comme Intel et Nvidia, sont aussi prêts à tout pour ne pas passer à côté.

Plus grande entreprise du secteur avec une valorisation de 580 milliards de dollars, Nvidia domine le marché des puces spécialisées appelées GPU, qui se révèlent idéales pour la formation de programmes d’IA comme le très populaire ChatGPT.

" Où et comment l’IA est-elle utilisée? Il sera probablement plus facile de répondre à la question de savoir où elle n’est pas utilisée ", a souligné auprès de l’AFP le vice-président de Nvidia Ronnie Vasishta, en marge du MWC.

Pour Arm, concepteur britannique de microprocesseurs, l’IA représente " une opportunité énorme ", souligne encore auprès de l’AFP l’un de ses dirigeants, Chris Bergey, qui compare la révolution de l’IA à l’apparition des applications mobiles il y a environ 15 ans.

Mais avec les semi-conducteurs, rien n’est simple, tant les chaînes d’approvisionnement sont d’une complexité diabolique.

L’IA automatiserait une production encore trop sensible aux crises globales (AFP)

Le cabinet de conseil Accenture estime qu’une puce traverse 70 fois les frontières avant de se retrouver dans un téléphone, un appareil photo ou une voiture.

A cela s’ajoute un contexte géopolitique inflammable avec la Chine et États-Unis qui se livrent à une bataille féroce pour la fabrication des semi-conducteurs, les Américains ayant perdu leur position dominante au profit de la Chine.

Avec un facteur potentiel de tension supplémentaire: les plus grandes usines de fabrication de puces au monde se trouvent à Taïwan, or les passes d’armes se multiplient ces dernières années entre les deux puissances sur le sort de l’île autonome, régi par un gouvernement démocratique, mais que la République populaire de Chine entend attacher à son territoire, par la force si nécessaire.

" Nous n’avons pas vraiment de position sur la géopolitique, nous nous conformons à toutes les réglementations américaines qui sont requises en tant qu’entreprise américaine ", indique le vice-président de Nvidia Ronnie Vasishta.

Le secteur des puces est " cool en ce moment, mais peut-être trop cool, avec trop d’attention (…) C’est un phénomène dynamique auquel l’industrie est confrontée et nous devrons voir comment les choses évoluent ", prévient de son côté le vice-président d’Arm Chris Bergey.

Rémi Amalvy, avec AFP