Depuis lundi, les équipes d’Électricité du Liban (EDL) accompagnées des forces de l’ordre ont, dit-on, commencé à démanteler les branchements illicites sur le réseau, qui font perdre des sommes astronomiques à l’office autonome. Cette institution publique mal gérée est devenue, au fil des ans, le gouffre financier de l’État libanais.

Les équipes dÉlectricité du Liban ont commencé lundi à démanteler les branchements illicites sur le réseau électrique public. Un travail de titan qui, espérons-le, se poursuivra sérieusement dans toutes les régions libanaises, surtout celles contrôlées par les milices.

Cependant, beaucoup de Libanais n’y croient pas. Beaucoup d’officiels aussi. L’ancien directeur général du ministère de l’Énergie, Ghassan Beydoun, s’en est fait l’écho d’ailleurs. Pour lui, ce sont des paroles en l’air.

M. Beydoun indique par ailleurs à Ici Beyrouth qu’avec l’augmentation de la distribution, EDL va perdre 60 à 70% de sa production à cause des vols de courant.

45 milliards de dollars au Trésor

Depuis de nombreuses années, le système de production d’électricité ne cesse de se détériorer pour devenir le puits sans fond du Liban. Selon les chiffres de la Banque du Liban, EDL a coûté environ 45 milliards de dollars aux finances publiques depuis 1993. Des chiffres qui concordent avec ceux de la Banque mondiale qui estime qu’environ 46% de la dette publique libanaise accumulée depuis 1992 (plus de 100 milliards de dollars) seraient attribués aux transferts du Trésor vers EDL. Pourtant l’électricité n’a jamais été fournie qu’au compte-goutte. Où sont donc passés ces montants astronomiques? Il est à noter qu’aucune centrale n’a été construite ni des travaux de modernisation entrepris. Tout laisse à penser qu’un détournement de sommes colossales a été organisé d’une main de maître.

400 millions de dollars de pertes par an

Les besoins en électricité du Liban s’élèvent à 3.500 Mw/h. Or la production d’EDL, assurée désormais uniquement par deux centrales, Deir Ammar et Zahrani, culmine à 450 Mw/h. Le manque de capacité est amplifié par d’énormes pertes en ligne, d’ordre technique, conséquence d’infrastructures obsolètes, mais aussi, et surtout, par les branchements illicites et la manipulation des compteurs, vices que l’on constate dans les quartiers pauvres ou ceux contrôlés par les milices, ou encore dans les camps de réfugiés. Avec les problèmes de non-facturation, par défaut de collecte ou refus de paiement, 40% de l’électricité produite ne génère pas de revenus à EDL, dont 21% en branchements illégaux. Chaque année, Électricité du Liban perd près de 400 millions de dollars en branchements illicites et en non-recouvrement de factures. Sans oublier les arriérés que les administrations publiques libanaises doivent à l’office autonome et qui s’élèvent à 233 millions de dollars.

Révision des tarifs

Dans le contexte d’effondrement total de la production électrique nationale, EDL a mis en place, en novembre dernier, une augmentation des tarifs de l’électricité qui étaient stables depuis 1994. C’est la première étape de la réforme du secteur, condition préalable à la remise en marche d’EDL et au déblocage du prêt de la Banque mondiale pour acheminer du gaz d’Égypte nécessaire pour faire tourner les centrales électriques.

Les prix sont ainsi passés de 0,1 à 10 cents/kWh pour les 100 premiers kWh et de 0,5 à 27 cents/kWh au-delà. Une tarification qui demeure nettement inférieure à celle pratiquée par les propriétaires de groupes électrogènes. Elle aurait pu être avantageuse si le courant était assuré et si les Libanais pouvaient se passer des générateurs de quartiers.

Pour être efficace, le démantèlement doit toucher toutes les régions et doit aller de pair avec d’autres mesures, dont l’installation de compteurs intelligents et surtout la mise en place d’une autorité de régulation chargée d’assurer la transparence de ce secteur pour le moins… obscur.

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