La séance du Conseil des ministres, qui s’est tenue mardi 18 avril, a approuvé un ensemble d’augmentations portant sur les salaires des fonctionnaires du secteur public et des employés du secteur privé. Cette augmentation de la masse salariale est-elle réalisable du point de vue des finances publiques? L’État pourra-t-il assurer les fonds nécessaires pour financer ces augmentations? Ne vont-elles pas encore entrainer le pays dans une spirale inflationniste? Ici Beyrouth fait le point. 

Le Conseil des ministres a approuvé mardi l’augmentation des salaires des fonctionnaires du secteur public en donnant son aval, parallèlement, à un accroissement du salaire minimum dans les entreprises privées, qui est ainsi passé de 4,5 millions de livres libanaises à 9 millions de livres par mois.

Dans le secteur public, la rémunération des fonctionnaires a été quadruplée, avec un minimum de 8 millions de livres par mois. Les allocations de transport ont été fixées à 450 000 livres par jour et les allocations familiales à 3,425 millions de livres libanaises.

Quant aux militaires, leur traitement de base a été triplé. En ce qui concerne les pensions des retraités, elles ont été triplées.

Pas de nouvelles taxes pour l’instant

L’évolution à venir du poids budgétaire de cette masse salariale dépendra-t-elle de nouvelles fiscalités ou de mesures budgétaires qui accompagneront l’adoption de ces augmentations salariales?

Des sources au ministère des Finances affirment que de nouvelles taxes ou impositions ne sont pas, pour l’instant, à l’ordre du jour, d’autant que le nouveau budget n’est pas encore achevé. Ces mêmes sources soulignent que tant que l’argent injecté pour les augmentations est compensé par les redevances payées à l’État, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. La situation est donc gérable, relèvent ces mêmes sources qui indiquent que plusieurs institutions publiques ont rouvert leurs portes, telles que l’Autorité de gestion de la circulation et des véhicules (mécanique). Elles seront suivies par d’autres, à l’instar du bureau du cadastre, des services de registre de l’état civil etc, ce qui renflouera le Trésor.

De plus, le fait d’avoir revu à la hausse le taux du dollar douanier (à 60 000 LL) permettra d’augmenter les recettes de l’État, affirment les sources en question. D’ailleurs, le taux de change du dollar douanier sera majoré et ajusté mensuellement, ce qui aura pour effet de renflouer les caisses de l’État. Notons dans ce cadre que selon les chiffres de la Banque mondiale, les recettes de l’État ne représentent plus que 5% du PIB en 2022 contre 13,1% en 2020.

Rappelons dans ce cadre que la fonction publique est en grève depuis près d’un an et demi, ce qui coûte à l’État environ 400 000 dollars par jour, selon une étude effectuée par le ministère du Travail.

Inflation galopante

Ces augmentations vont malheureusement entrainer le Liban dans une spirale inflationniste et créer une flambée des prix. Pour l’économiste Fouad Zmokhol, ces grandes hausses de salaires ne vont faire qu’augmenter la masse monétaire en livres libanaises. Celle-ci va servir à acheter des dollars sur le marché parallèle ou à dépenser sur le marché. Le Liban se dirige donc vers une hyperinflation encore plus importante qui va anéantir la livre libanaise et augmenter le taux de change du dollar sur le marché noir.

Notons que l’inflation demeure très élevée avec un taux qui a enregistré une hausse de +110,82% en janvier 2023 en glissement annuel par rapport au même mois de 2022, selon les chiffres du département de recherches du groupe Audi (CRI). Un résultat à trois chiffres pour la deuxième année consécutive, considéré parmi les plus élevés au monde.  Quant à l’indice des prix à la consommation, il est en hausse en moyenne de 155% en 2021 et de 171% en 2022.

M. Zmokhol estime que ces décisions d’augmentations chaotiques qui sont prises sans aucune stratégie ni plan ont pour objectif de réduire la gronde sociale pour quelque temps et n’auront aucun effet positif sur le pouvoir d’achat.

Augmentation ne signifie pas hausse des recettes

Pour en revenir à la hausse du taux du dollar douanier en vue de renflouer le Trésor et payer les hausses salariales, M. Zmokhol affirme qu’elle se répercute négativement sur le pouvoir d’achat des Libanais avec l’augmentation des prix à la consommation sans pour autant engranger des recettes record. “Aucune augmentation des taxes n’a remis à flot les caisses de l’État mais elle a bel et bien entrainé une contrebande accrue et un marché noir prolifique”, explique-t-il.

Avec un Trésor en total délitement, des recettes en berne, des augmentations à payer, une inflation galopante et des citoyens qui financent un système corrompu et obsolète, la situation financière du Liban reste pour le moins préoccupante. L’État aurait mieux fait sans doute de prendre le virage du numérique, trouver de nouvelles sources de revenus et essayer de prouver son efficacité.

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