Le Liban s’est vu accorder un délai pour mettre en place des dispositions financières, monétaires et bancaires afin d’éviter de figurer sur la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI, ou Financial Action Task Force) en tant que pays non coopératif.

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Le Liban s’est vu accorder un délai pour mettre en place des dispositions financières, monétaires et bancaires afin d’éviter d’être placé sur " la liste grise " du Groupe d’action financière (GAFI, un organisme de surveillance de la criminalité financière) en tant que pays non coopératif. Il devra soumettre en 2024 au Groupe d’action financière sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENAFATF), un rapport sur l’état d’avancement de ses efforts sur ce plan.

La Commission spéciale d’enquête, Cellule de renseignement financier du Liban relevant de la Banque du Liban a publié vendredi un communiqué dans lequel elle met les points sur les " i " à la suite d’analyses médiatiques selon lesquelles le Liban allait être placé sur " la liste grise " du GAFI.

Il s’agit de la liste des pays faisant l’objet d’une surveillance particulière en raison de pratiques inadéquates au niveau de la prévention du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme.

La commission indique dans son communiqué, que " le rapport d’évaluation du Liban a été discuté et approuvé lors des réunions des groupes de travail de la trente-sixième assemblée générale du Groupe d’action financière sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENAFATF) ".

Ce rapport qui devra être publié dans quelques semaines, " identifiera les lacunes à combler, ainsi que les aspects positifs du régime de LBC/FT (Lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme) au Liban ". Par conséquent, précise encore le texte, le pays devra prendre " des mesures correctives pour combler les lacunes identifiées, à condition qu’il soumette au Groupe d’action financière sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENAFATF) un rapport de suivi au cours de l’année 2024 ".

La commission précise que " le rapport adopté dans sa version finale, à l’issue d’une procédure régulière sera publié en juin " et qu’elle publiera une déclaration officielle à ce sujet. Elle ne précise toutefois pas la date de publication.

" L’adoption de ce rapport fait suite à une évaluation préliminaire de l’économie libanaise à laquelle a procédé la section Moyen-Orient et Afrique du Nord du GAFI, souligne encore le texte. Dans des circonstances difficiles, le système libanais de LCB/FT (Lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme) a été évalué conformément à la méthodologie adoptée par le GAFI pour évaluer tous les pays ".

Qu’est-ce que la liste grise du GAFI ? Il s’agit officiellement de Juridictions soumises à une surveillance renforcée. La liste comprend les pays dont les régimes LCB-FT révèlent des déficiences. Tout comme la liste noire, qui identifie les juridictions présentant de graves lacunes stratégiques dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération, la liste grise a été créée en 2000 et est actualisée régulièrement.

Quelles conséquences pour le Liban, qui se débat dans une terrible crise économico-financière depuis 2019, au cas où il serait sur la liste grise ?

Depuis plusieurs mois, les économistes mettent en garde contre le développement d’une économie du cash et les risques qui y sont liés. Pour inverser cette tendance, et dans une tentative d’inclusion financière, la Banque du Liban a mis en place un système à travers la circulaire n° 165, pour relancer les paiements par chèque et par carte bancaire.

L’économiste Fouad Zmokhol indique à Ici Beyrouth que l’économie dominée par le cash est redoutée parce qu’elle attire les contrebandiers, les blanchisseurs d’argent et permet le financement du terrorisme. " L’économie libanaise s’est transformée d’une économie qui attirait les investisseurs en une économie qui sert les faux-monnayeurs, le blanchiment et autres financements illicites, surtout que l’État libanais n’a montré aucune intention d’effectuer les réformes réclamées par la communauté internationale pour repartir sur de bonnes bases ".

Il estime que le placement du Liban sur la liste grise risque de ralentir les transferts bancaires et rompre les relations avec les banques étrangères.

Une situation déjà vécue

L’économiste Nassib Ghobril nuance cependant ces propos et affirme qu’" il ne faut pas semer un vent de panique ". Il considère qu’" il existe des parties au Liban qui ont hâte de voir le pays rejoindre cette liste et être coupé du système financier mondial ".

M. Ghobril rappelle que sur la liste grise du GAFI, " figurent des pays tels que la Turquie ou les Émirats Arabes Unis qui entretiennent toujours des relations avec les banques correspondantes et ne sont pas coupés du système bancaire international ".

" Quand un pays est intégré à cette liste, le GAFI lui soumet un plan d’action pour lui permet de combler les lacunes et d’améliorer ses lois.  Les recommandations doivent être mises en œuvre pour que le pays soit retiré de la liste. Il s’agit de recommandations bénéfiques pour le pays ", insiste-t-il.

L’économiste rappelle que " le Liban figurait sur la liste grise avant 2001 parce qu’il ne s’était pas encore doté d’une loi pour combattre le blanchiment d’argent ". " La loi 301 a été votée en 2001 et le Liban a été retiré de la liste ", a-t-il ajouté, en précisant que " lorsqu’il figurait sur la liste grise, les autorités libanaises étaient en coopération étroite avec le GAFI pour mettre en œuvre les recommandations de ce dernier ".

Il convient de préciser que les relations avec les banques commerciales n’avaient pas été coupées à l’époque.